Dès la première apparition de Robert Shaw dans le film culte de 1975 Les Dents de la mer, il captive l’attention. Dans une scène où son personnage, Quint, un capitaine de pêche bourru, racle ses ongles sur un tableau noir pour alerter les habitants d’une station balnéaire de la côte Est, il impose déjà sa présence. Toutefois, derrière les caméras, l’attitude de l’acteur britannique a ajouté un niveau supplémentaire de chaos au tournage déjà mouvementé du film. Ce dernier a été marqué par de nombreux incidents, comme le naufrage à trois reprises du bateau Orca, des dysfonctionnements de requin animatronique, et un dépassement important du budget et du planning sous la direction de Steven Spielberg.
En plus de ses différends avec son partenaire à l’écran Richard Dreyfuss, la consommation excessive d’alcool de Shaw est vite devenue problématique. Ces tensions semblent liées aux nombreuses périodes d’attente interminable durant le tournage. Interrogé en 1975 à la télévision sur sa manière de se préparer mentalement dans ces conditions, Shaw avait répondu sans détour : « scotch, vodka, gin, peu importe… Je tends à boire quand je m’ennuie profondément ».
Lors d’une scène clé, où l’acteur livre un long monologue dramatique, il était en état d’ivresse totale, poussant Spielberg à refaire la prise le lendemain.
Une querelle épique alimentée par l’alcool

Au moment où Steven Spielberg choisit Robert Shaw pour Les Dents de la mer, l’acteur shakespearien est déjà réputé pour son caractère difficile et sa consommation d’alcool. Malgré cela, il avait reçu une nomination aux Oscars en 1967 pour un second rôle dans A Man for All Seasons et joué dans deux succès majeurs : James Bond 007 contre Dr. No et L’Arnaque. Il appartenait à la même lignée que d’autres acteurs britanniques célèbres, comme Richard Burton ou Peter O’Toole, connus pour être parfois ivres sur leurs tournages.
Shaw déclarait en 1977 dans une interview : « Boire ? Pouvez-vous imaginer être une star de cinéma et devoir prendre cela au sérieux sans boire ? » Il estimait, en accord avec Burton, que l’alcool apportait de la poésie à la vie, le décrivant comme un « risque professionnel né surtout de la peur » pour les comédiens.
Sur le plateau, la brouille avec Richard Dreyfuss aurait commencé lorsqu’en pleine mer, Shaw confia à Dreyfuss qu’il aimerait arrêter de boire. Ce dernier, pensant l’aider, jeta le verre de whisky de Shaw par le hublot. Shaw, qui tourmenta Dreyfuss tout au long du tournage, ne lui pardonna jamais ce geste. Dreyfuss résuma leur relation ambivalente : « Un homme qui m’intimidait, me faisait peur, me fascinait, que j’aimais et que je haïssais…».
Un monologue gâché par l’alcool

Juste avant une scène dramatique où Quint délivre un long monologue, Shaw s’adresse à Steven Spielberg : « Tu sais, Steven, ces trois personnages ont tous bu, et je pense pouvoir mieux jouer ce passage si je prends quelques verres avant. » Le réalisateur accepte à contrecœur, mais Shaw aurait largement abusé d’alcool. Deux membres de l’équipe durent le porter jusque sur le bateau pour tourner une scène qui s’avéra catastrophique, Spielberg interrompant le tournage.
Le lendemain matin, Shaw, repenti, fit ses excuses et réussit parfaitement la scène où Quint raconte le sort tragique des marins du U.S. Indianapolis dévorés par des requins après que leur navire ait été coulé par un sous-marin japonais pendant la Seconde Guerre mondiale. En seulement quatre prises, Shaw, également auteur de fiction et dramaturge, réécrivit même en partie le monologue, donnant naissance à l’un des passages les plus mémorables du film.
Robert Shaw arrêta de boire en 1977, mais décéda soudainement d’une crise cardiaque l’année suivante à seulement 51 ans.
