
Il est indéniable qu’aucun label n’a eu un impact aussi profond ni une influence aussi étendue que Sun Records, l’emblématique maison de disques indépendante basée à Memphis. Fondée en 1952 par Sam Phillips, un passionné de rhythm & blues, cette structure est devenue un pilier incontournable du mouvement que la National Endowment for the Humanities qualifie de « Naissance du rock ‘n’ roll ».
Le slogan de Sun Records – « Nous enregistrons tout, partout, n’importe quand » – reflète parfaitement l’esprit innovant et ouvert qui a propulsé le label au sommet. Ce principe de liberté totale, loin d’être un simple choix créatif, était aussi une nécessité économique. Avant Sun Records, Phillips dirigeait le Memphis Recording Company, offrant ses services d’enregistrement portable pour tout type d’événement, des mariages aux funérailles. Cette approche lui a permis de capter, au fil du temps, une variété musicale prodigieuse, allant du gospel au rhythm and blues, genres qu’il affectionnait depuis sa jeunesse, notamment durant son passage comme animateur radio.

Sam Phillips croyait profondément à la puissance du hasard et de la chance favorable. Selon son biographe Peter Guralnick, il ne comptait pas uniquement sur la chance, mais voulait que toutes les conditions soient réunies – la lune, le vent – pour que le succès puisse s’accomplir. Cette vision se traduit dans l’histoire de Sun Records, un label lancé dans un contexte qui semblait propice à une révolution musicale.
Sun Records s’est dédié dès le départ à l’enregistrement d’artistes noirs, avec une ouverture remarquable pour l’époque, puisque le Memphis Recording Company fonctionnait comme l’un des premiers studios non ségrégués. Des icônes du rhythm and blues telles que Howlin’ Wolf et B.B. King y ont enregistré, contribuant à faire connaître leur musique à un public plus large. Par ailleurs, le label a permis l’émergence de titres marquants comme « Rocket 88 » d’Ike Turner, l’un des premiers hits enregistrés dans ce cadre.

Le moment emblématique de l’histoire de Sun Records survient en juillet 1953. Un jeune homme de 18 ans, Elvis Presley, fraîchement diplômé d’un lycée local, pousse la porte du studio de Memphis pour enregistrer deux ballades, « My Happiness » et « That’s When Your Heartaches Begin », pour la modique somme de 3,98 dollars. Ce n’est cependant que l’année suivante que Sam Phillips pressent le potentiel d’Elvis et l’oriente vers le rock ‘n’ roll, lançant notamment son premier tube « That’s Alright (Mama) ».
Grâce à cet engouement autour d’Elvis, Sun Records s’est imposé comme un acteur majeur de la scène musicale des années 1950. De nombreux artistes tels que Sonny Burgess, Charlie Rich, Junior Parker ou Billy Lee Riley ont enregistré chez Sun, tandis que d’autres légendes comme Jerry Lee Lewis, Johnny Cash, Roy Orbison, B.B. King et Carl Perkins ont vu leur carrière décoller au sein du label. Malgré des difficultés financières, Sam Phillips a dû céder le contrat d’Elvis à RCA en 1955, mais Sun Records a perduré, conservant son héritage unique dans l’histoire du rock.
