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L’essentiel
- Le parti de l’ancien Premier ministre Andrej Babis, milliardaire autoproclamé trumpiste, est arrivé largement en tête des législatives tchèques samedi.
- Sans majorité, Andrej Babis devra trouver des partenaires pour gouverner ce pays d’Europe centrale, membre de l’OTAN et de l’Union européenne.
- Une victoire saluée en France par Marine Le Pen.
Le mouvement ANO (« Action des citoyens mécontents », « OUI » en tchèque) d’Andrej Babis, 71 ans, a obtenu 34,6 % des voix, selon des résultats portant sur 99,5 % des bulletins dépouillés. Cela lui promet environ 80 des 200 sièges de l’Assemblée tchèque, un retour en force pour ce milliardaire qui avait perdu le pouvoir il y a quatre ans.
« Le summum absolu » de sa carrière politique
Triomphant, les bras levés et souriant, Andrej Babis a salué un « résultat historique », « le summum absolu » de sa carrière politique. Il devance largement le mouvement « Ensemble » du chef du gouvernement sortant Petr Fiala, qui a recueilli 23,3 % des suffrages, dans un scrutin marqué par une participation en hausse à 68,89 % contre 65,43 % en 2021.
Les libéraux de STAN, membres de la coalition sortante de Petr Fiala, arrivent troisièmes avec 11,2 % des voix.
Sans majorité absolue, Andrej Babis devra s’appuyer sur des alliés pour gouverner. Il a cependant déclaré vouloir former un gouvernement composé uniquement de son parti, tout en recherchant des soutiens.
« Nous chercherons à former un gouvernement avec un seul parti dirigé par ANO », a-t-il affirmé samedi soir, ajoutant qu’il discuterait immédiatement d’alliances avec le parti d’extrême droite SPD, crédité de 7,8 % des voix, et le parti de droite « La Voix des automobilistes » (6,8 %).
De son côté, Petr Fiala a félicité le vainqueur des élections tout en excluant l’idée de tenter de reconstituer la coalition gouvernementale sortante.
Vers un rapprochement avec la Hongrie et la Slovaquie ?
Andrej Babis, qui a déjà dirigé la République tchèque de 2017 à 2021, a fait campagne sur la promesse d’augmenter les prestations sociales et de réduire l’aide à l’Ukraine, privilégiant le principe « les Tchèques d’abord ».
Il a indiqué vouloir réexaminer l’initiative internationale lancée par son pays pour fournir des obus d’artillerie à l’Ukraine et a dit qu’il en « discuterait » avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky si nécessaire.
Son retour au pouvoir pourrait favoriser un rapprochement avec la Hongrie et la Slovaquie, pays qui ont refusé toute aide militaire à l’Ukraine et freinent certaines sanctions contre la Russie.
Une victoire saluée à l’étranger
Andrej Babis a cofondé avec Viktor Orban le groupe parlementaire eurosceptique « Patriotes pour l’Europe ». Le Premier ministre hongrois l’a rapidement félicité sur les réseaux sociaux en estimant que « la vérité a prévalu » et qu’il s’agissait d’une « bonne nouvelle pour l’Europe ».
En France, Marine Le Pen, dirigeante du Rassemblement national, a également salué son score en affirmant que « partout en Europe, les partis patriotes sont appelés au pouvoir par les peuples, désireux de retrouver leur liberté et leur prospérité ». Le SPD, allié potentiel, réclame un référendum sur la sortie de l’Union européenne, proposition que M. Babis a catégoriquement rejetée.
Des discussions immédiates avec les chefs de parti
« Nous sommes clairement pro-européens et pro-OTAN », a-t-il martelé samedi soir. Le président tchèque, Petr Pavel, qui nommera le prochain Premier ministre conformément à la Constitution, a annoncé qu’il entamerait dès dimanche des consultations avec les chefs de parti élus.
Petr Pavel, ancien chef des forces de l’OTAN et résolument pro-européen, avait rencontré Andrej Babis en début de semaine pour évoquer les risques de conflits d’intérêts liés aux activités d’homme d’affaires de ce dernier. Le milliardaire dirige un conglomérat chimique et alimentaire et fait l’objet de poursuites pour fraude aux subventions européennes.
Josef Mlejnek, analyste à l’Université Charles de Prague, a estimé qu’il ne s’attendait pas à « un changement fondamental » dans la politique étrangère tchèque sous Andrej Babis, soulignant que Babis est un homme d’affaires pragmatique dont l’objectif principal est d’être Premier ministre. À l’inverse, Peter Just, de l’Université métropolitaine de Prague, juge incertain que la rhétorique d’ANO reste pro-occidentale sur le long terme.
