« Nous ne pouvons nous résoudre à accepter une loi dangereuse pour la santé de nos concitoyens. » Ce cri d’alerte provient de sociétés savantes et d’associations de patients, qui sollicitent ce mardi le Conseil constitutionnel dans une tribune, l’exhortant à censurer la loi Duplomb au nom du « principe de précaution ».
Alors que la pétition contre cette loi, qui autorise sous conditions la réintroduction d’un pesticide interdit en France depuis 2018, a dépassé lundi les deux millions de signatures, cette tribune appelle les Sages à « constater l’incompatibilité de la loi Duplomb avec le principe de précaution inscrit dans la Charte de l’environnement » afin de « protéger les générations futures d’un texte qui compromet, sans l’ombre d’un doute raisonnable, la santé des jeunes, des enfants et de ceux à naître ».
Effets nocifs ignorés
Parmi les signataires figurent Fleur Breteau, fondatrice du collectif Cancer Colère ; Magali Leo, coordinatrice d’Action Patients ; Agnès Linglart, présidente de la Société française de pédiatrie ; Maxime Molina, président du directoire de la Fondation pour la recherche médicale ; Olivier Coutard, président du conseil scientifique du CNRS ; et Gérard Socié, président du conseil scientifique de l’Institut national du cancer.
« Nos règles constitutionnelles peuvent et doivent être interprétées à la lumière des données de la science », soulignent-ils. Pourtant, la loi a été élaborée « en ignorant ce que les professionnels de la santé et les scientifiques connaissent des effets de ces produits sur la santé humaine », rappelle la tribune. En 2021, l’Inserm avait analysé plus de 5 000 articles scientifiques et retenu une forte présomption de lien entre l’exposition aux pesticides et l’apparition de certains cancers, de troubles neurodégénératifs, pulmonaires et endocriniens.
Absence d’expertise médicale dans les débats
« Parmi les 53 personnalités auditionnées » au Sénat, aucun médecin, toxicologue, épidémiologiste, ni représentant de l’Inserm, du CNRS, du ministère de la Santé ou du Travail, n’a été consulté. Ce alors que les pesticides sont des facteurs reconnus de maladies professionnelles, et que ni la Caisse nationale d’assurance-maladie ni la Mutualité sociale agricole n’ont été entendues, énumère la tribune.
La loi Duplomb « ne passe pas » pour les Françaises et les Français victimes des maladies liées aux pesticides, pour les scientifiques qui alertent sur les conséquences dévastatrices de ces substances sur le vivant, mais aussi pour de nombreux agriculteurs, premières victimes des pesticides, affirment les signataires.
Le président de la République a annoncé attendre la décision du Conseil constitutionnel, prévue pour le 7 août, avant de se prononcer sur la pétition. Il a appelé à trouver un équilibre entre « science » et « juste concurrence » dans les questions environnementales, selon les propos rapportés par la porte-parole du gouvernement Sophie Primas lors du Conseil des ministres. Il lui reviendra ensuite de promulguer la loi ou de demander une nouvelle délibération au Parlement.
