Mais qui était cet homme qui paradait mercredi midi, drapeau des îles Canaries sur les épaules, au milieu d’une petite île isolée au large de la Bretagne ? Son nom ne vous dira sans doute rien. Armide Soliveres est pourtant champion du monde. Mercredi, le Canarien est devenu l’ultime vainqueur de l’Annaëlle Challenge. Après seize ans d’existence et huit éditions, cette compétition de bodyboard hors du commun, organisée sur un spot tenu secret, s’est éteinte. Une fin annoncée, qui est survenue après une finale épique réunissant quelques-uns des plus grands noms du bodyboard européen. Une dernière danse dans des lignes d’eau d’environ deux mètres de haut, avant de laisser tranquille ce spot caché au large du Finistère.
Ils n’étaient qu’une poignée sur ce tas de cailloux posé à quelques centaines de mètres du rivage de Lampaul‑Ploudalmézeau. Emmitouflés dans d’épais manteaux, bonnets sur la tête, ils étaient les rares spectateurs d’un mythe qui allait disparaître. Créé en 2009 par quelques bodyboarders bretons, l’Annaëlle Challenge s’est tenu à huit reprises à l’automne, quand les conditions le permettaient.
La compétition tire son nom de l’énorme vague sur laquelle elle se déroule : une vague creuse, rapide et donc parfaite pour le bodyboard. « Moi, je n’ai jamais osé la surfer, je n’ai pas le niveau. C’est une vague très spécifique. Elle est aussi large que haute. Quand elle est petite, tu touches presque les rochers. Et quand elle grossit, elle est vraiment réservée à une élite », décrit Nicolas Bouvrais, coorganisateur de l’événement. « Annaëlle, c’est comme une dalle, mais en pleine mer. C’est une énorme masse d’eau qui est aspirée et recrachée. Une vague très puissante, vraiment charismatique. Et puis, elle est loin, donc il faut ramer pour aller la chercher », témoigne Yann Salaün.
Des bénévoles « exténués »
Fin connaisseur du spot, le bodyboarder du Finistère a terminé troisième de l’épreuve, derrière deux champions du monde intouchables : Pierre‑Louis Costes et Armide Soliveres. « Elle est radicale, dangereuse, spectaculaire », confiait le Français après sa deuxième place en finale. Quant au vainqueur canarien, c’était sa première victoire sur ce spot. « J’avais déjà vu des vidéos mais quand tu la vois en vrai, c’est différent. C’est vraiment une belle vague, très technique. Je me suis régalé », explique le vainqueur, en anglais à l’accent espagnol.
Les trois hommes, comme les 13 autres participants, regrettent déjà que l’événement s’arrête. « On a passé deux jours extraordinaires. On ne pouvait vraiment pas rêver meilleure fin. Mais on est aussi exténués. Cette compétition, c’est un défi énorme à chaque fois, qui tient sur les bénévoles. C’est formidable, mais c’est épuisant », explique Nicolas Bouvrais. À ceux qui lui demandent de continuer, le Breton a une réponse toute faite : « Amenez‑moi le budget, aidez‑nous à l’organiser et on y réfléchira ».
« J’en ai encore les larmes aux yeux »
Soyons clairs : organiser un événement sur un site aussi contraignant, c’est tout sauf simple. Cette réserve de biodiversité n’est accessible qu’à l’automne et au prix d’une traversée en bateau parfois mouvementée, qui oblige à débarquer les pieds dans une eau qui ne dépasse jamais 15 °C, même au mois d’août. « On a réussi à faire durer cet événement dans le temps parce qu’on avait des bénévoles capables de poser des jours de congé pour venir à 5 heures du matin se cailler dans la pluie et le vent. C’est énorme de faire ça », rappelle Nicolas Bouvrais.
Mercredi, l’Annaëlle Challenge a donc tiré sa révérence alors que sa popularité n’avait jamais été aussi élevée. « Mais la vague, elle, va rester », a rappelé le fondateur de l’événement, Gwen Renambot, aux riders qui l’applaudissaient. « Rien que d’en parler, j’en ai encore les larmes aux yeux », reconnaît Yann Salaün au moment d’évoquer cette disparition pourtant annoncée. La vague secrète va retrouver toute sa liberté.
