Incendies en France : le manque de Canadairs et ses enjeux

par Olivier
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Incendies en France : le manque de Canadairs et ses enjeux
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Quatre Canadairs, deux avions Dash, deux hélicoptères et deux avions Air Tractor ont été déployés pour combattre un incendie majeur survenu près de Narbonne. Malgré les 2 000 hectares déjà brûlés, la préfecture de l’Aude a mobilisé des moyens considérables, profitant du fait que cet incendie soit quasiment unique sur le territoire national, ce qui facilite l’appui aérien. Face au réchauffement climatique et à la multiplication des feux de forêt, les célèbres avions Canadair rouges et jaunes, produits par la société canadienne De Havilland, ont été intensivement sollicités ces dernières années.

Le souci majeur réside dans la vétusté de ces appareils, désormais âgés d’environ trente ans et fréquemment cloués au sol pour maintenance. Selon David Casolaro, ancien marin pompier à Marseille, « la flotte est vieillissante et les mécaniciens peinent de plus en plus à assurer les réparations, alors même que les feux ne se limitent plus au Sud, mais se propagent sur d’autres régions ». La France ne compte que douze Canadair CL415, basés à la base aérienne de Nîmes Garons (Gard) et exploités par la Sécurité civile, auxquels s’ajoutent quelques autres avions et hélicoptères pour compléter la flotte.

Avec si peu d’appareils, la capacité aérienne française pour combattre les incendies semble insuffisante. La Sécurité civile peut lutter simultanément contre trois feux majeurs de plus de 500 hectares, selon le lieutenant-colonel Fabrice Chassagne, chargé des feux de forêt à la Direction générale de la Sécurité civile. Cette assistance aérienne est cruciale pour les pompiers face aux mégafeux, comme celui récent dans l’Aude. David Casolaro souligne : « Sur le terrain, l’appui aérien est indispensable. Lorsque les incendies prennent de l’ampleur, les largages d’eau sont essentiels et il est impossible de maîtriser les flammes sans les avions. »

Une flotte devenue obsolète face à des besoins grandissants

Cette pénurie de moyens a été formellement mise en évidence dans un rapport parlementaire critique, rendu public récemment par la députée PS Sophie Pantel et le député LFI Damien Maudet. Ils dénoncent les retards de commandes d’avions et le vieillissement inquiétant de la flotte qui ne permet plus une protection efficace. À noter que le dernier Canadair CL-415 livré remonte à 2007, et que la moyenne d’âge des appareils atteint 30 ans. Certains jours de l’été 2024, aucun avion n’était opérationnel pour voler. L’usure, notamment due à la corrosion liée au pompage d’eau de mer, conjuguée à la pénurie de pièces détachées, complique l’entretien des CL-415 vieillissants.

Les auteurs du rapport appellent à clarifier sans délai la stratégie de renouvellement de la flotte, en précisant le nombre d’appareils commandés ainsi que le calendrier de livraison. En 2022, après un été exceptionnellement chaud marqué par de gigantesques incendies ayant détruit 70 000 hectares, Emmanuel Macron avait promis le renouvellement des douze Canadairs et l’acquisition de quatre unités supplémentaires d’ici 2027. Cependant, cette échéance ne sera pas respectée. La société De Havilland, faute de commandes, avait cessé la production pendant dix ans et peine à relancer la fabrication de ces avions amphibiens, hérités de Bombardier avant 2015.

Un monopole aux conséquences problématiques

Les négociations engagées depuis 2018 entre l’Union européenne, six États membres et le constructeur canadien se sont prolongées, retardant la conclusion du contrat. Selon les autorités françaises, De Havilland a tiré avantage de sa position de monopole pour imposer des discussions âpres. La commande française n’a été signée qu’en août 2024, avec une livraison initialement prévue en 2028. Ce délai semble désormais irréaliste : le carnet de commandes débordant du fabricant, il est fort probable que la France doive patienter plusieurs années.

Au-delà du monopole industriel, la contrainte financière pèse lourdement, chaque Canadair coûtant au minimum 60 000 euros. Le gouvernement, à la recherche d’économies, fait face à la nécessité de financer cette flotte vieillissante dont la technologie, bien que toujours efficace, ne répond plus pleinement aux attentes contemporaines des pilotes. Le rapport parlementaire révèle que l’exécutif a également revu ses ambitions à la baisse, renonçant à remplacer intégralement les vieux CL-415 par des DHC-515 plus modernes.

Les autres moyens aériens mobilisés par la France

Outre les douze Canadair, la France dispose également de huit avions Dash. Plus rapides et dotés d’une autonomie supérieure, ces appareils embarquent 10 000 litres d’eau — près du double des Canadairs — mais sont moins maniables et non amphibies. Leur méthode d’intervention diffère : ils larguent souvent une solution retardante rouge qu’ils doivent recharger au sol, ce qui ralentit leur fréquence d’intervention.

Pour soutenir ces appareils et mieux protéger le territoire, la Sécurité civile investit également dans des hélicoptères H145, qui ont une capacité de largage limitée à 820 litres. En complément, la direction loue pendant la saison estivale des avions et hélicoptères, notamment des Air Tractor utilisés habituellement pour l’épandage agricole, mais disponibles en renfort lors des incendies. Ces locations représentent un investissement significatif, dépassant 106 millions d’euros depuis 2020.

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