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Située entre Rennes et Saint-Malo, la petite commune bretonne de Langouët, forte de ses 600 habitants, était jusque-là surtout reconnue pour ses initiatives écologiques : cantine 100 % bio et locale depuis 2004, logements sociaux passifs, centrale solaire et autopartage de voitures électriques. Pourtant, le 18 mai 2019, le nom de cette commune a fait sensation dans les médias lorsque son maire, Daniel Cueff, a lancé une véritable offensive contre les pesticides.
Par arrêté municipal, il a interdit l’usage des produits phytosanitaires à moins de 150 mètres de toute habitation sur la commune, dénonçant publiquement les « carences de l’État » quant à la protection des habitants. Rapidement, son initiative a trouvé des échos ailleurs, plus d’une centaine de communes adoptant des interdictions similaires sur leur territoire. Cette mobilisation croissante a même reçu le soutien du président Macron, qui s’est déclaré favorable aux intentions du maire dans une interview en 2019.
Justice et limites du pouvoir municipal
Cette victoire politique a toutefois été de courte durée. Peu de temps après, le tribunal administratif de Rennes, saisi par la préfecture, a annulé l’arrêté, arguant que la réglementation des pesticides relevait exclusivement de l’autorité de l’État, et non d’un simple maire. Daniel Cueff, armé d’un bidon de fongicide, défendait alors son geste, affirmant que protéger sa population était un devoir : il rappelait que les consignes d’usage des pesticides recommandent aux agriculteurs de ne pas revenir dans leurs champs pendant 48 heures après traitement – mais qu’en attendant, que pouvaient faire les citoyens exposés ?
Il ne s’agissait pas d’accuser les agriculteurs, mais bien les produits eux-mêmes, qu’il considérait comme toxiques, au point d’évoquer un possible scandale comparable à celui du Mediator. En 2021, la cour administrative d’appel de Nantes a confirmé l’annulation, suivie par le Conseil d’État, qui a définitivement réglé la question en réaffirmant que l’État seul fixe les règles concernant l’utilisation des pesticides.
Un combat qui continue malgré les obstacles
Plus de six ans après cet arrêté controversé, un documentaire réalisé par Pascal Banz revient sur ce combat emblématique. Ce dernier considère cet arrêté comme un véritable déclencheur dans la lutte contre les pesticides. Le film questionne l’évolution depuis cette date : a-t-on réellement progressé ? Les réponses oscillent entre avancées importantes et reculs notables.
La France a en effet réaffirmé son objectif de réduire l’usage des pesticides de moitié d’ici 2030 dans le secteur agricole. En parallèle, cependant, le glyphosate, un herbicide très puissant, a vu son autorisation prolongée de dix ans par la Commission européenne, ce qui affaiblit la dynamique de réduction. Par ailleurs, la proposition de loi Duplomb, en débat en commission mixte paritaire, prévoit la réintroduction de pesticides actuellement interdits en France, ce qui témoigne d’un recul dans ce combat jugé « hasardeux » par le réalisateur.
Des résistances mais une lueur d’espoir
Daniel Cueff, désormais vice-président chargé de la mer et du littoral à la région Bretagne, reste toutefois optimiste. Il souligne une conscience sociétale accrue : « Il n’y a plus de débat sur la nocivité des pesticides, on sait qu’ils ne sont pas des vitamines et qu’ils sont dangereux pour la santé et l’environnement ». Pourtant, il reconnaît que les résistances persistent, notamment avec les tensions suscitées par la proposition de loi Duplomb.
Les pesticides continuent d’être utilisés, consommés à l’insu des populations, et participent à la pollution des sols et des eaux ainsi qu’à la destruction du vivant. « On finira par venir à bout de ce fléau, mais il faudra beaucoup de patience et une ténacité sans faille », affirme-t-il. Pour cela, une volonté politique forte est indispensable, notamment face au puissant lobbying à Bruxelles. Pascal Banz adresse ainsi un message clair aux députés et sénateurs, à travers la diffusion de son documentaire, appelant à une mobilisation équivalente pour défendre la santé publique et l’environnement.
Le combat d’une famille face aux pesticides

Le combat des parents d’une enfant morte d’une leucémie liée aux pesticides illustre la dimension humaine et tragique de ce dossier.
Pollutions et leurs conséquences en Bretagne
Dans la « vallée de la mort » bretonne, les algues vertes liées à la pollution agricole asphyxient également la faune locale.