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La Tara Polar Station, un navire scientifique original soutenu par la Fondation Tara Océan, se prépare à entreprendre une mission exceptionnelle dans l’océan Arctique. Avec sa forme ovale rappelant une grosse bouée en aluminium, ce navire se laissera emprisonner dans la glace pour dériver sur de longues périodes, afin d’étudier en profondeur cet environnement arctique encore méconnu et particulièrement hostile.
Ce projet, étonnant par son approche et son importance, relève d’une double ambition : comprendre la biodiversité exceptionnelle mais peu explorée de l’Arctique, et analyser les impacts des changements rapides de cet écosystème, notamment ceux liés au réchauffement climatique. La région polaire nord est en effet l’une des plus vulnérables face à la montée des températures, avec un réchauffement deux à quatre fois supérieur à la moyenne globale.
Un environnement arctique méconnu et difficile
L’Arctique reste l’une des zones les moins explorées de la planète, en raison de ses conditions extrêmes. Les températures peuvent descendre jusqu’à -50 °C en hiver, accompagnées d’une alternance radicale entre six mois de nuit polaire et six mois de jour continu. La banquise y est en mouvement constant, dérivant au gré des vents comme des plaques tectoniques flottantes. Ces conditions imposent au navire Tara Polar Station d’être spécifiquement conçu pour résister et fonctionner dans ce milieu complexe.
Sur des missions successives de dix-huit mois, avec quatorze mois de dérive dans la glace, la station scientifique réalisera des observations récurrentes sur une période de 10 à 20 ans. L’objectif est de récolter des données fiables et à long terme en suivant autant que possible les mêmes trajectoires, afin d’établir des modèles précis sur l’évolution de cet écosystème unique.
Une biodiversité insoupçonnée au cœur de la glace
La Tara Polar Station concentrera ses recherches sur la biodiversité arctique, qu’il est estimé à seulement 10 % avoir été découverte. Malgré un cadre de vie extrême, ce milieu abrite une vie abondante et singulière. Selon les scientifiques, la glace de mer est en réalité une eau gelée parsemée de trous et de bulles où foisonnent micro-organismes et microalgues. Sous la banquise, une diversité d’organismes vivants est accrochée, formant un véritable écosystème dynamique parfois qualifié « d’oasis » par les chercheurs.
La recherche vise à mieux comprendre comment ces organismes s’adaptent à des variations extrêmes de lumière et de température, en particulier pendant la longue nuit polaire qui dure près de la moitié de l’année. Cette capacité à « hiverner » et à reprendre leur activité au retour de la lumière est une expression fascinante du vivant que la mission étudiera en détail. L’enjeu est de connaître le fonctionnement de cet écosystème, ses adaptations et sa résilience face aux changements climatiques actuels.
Une sentinelle du changement climatique
L’Arctique est une zone clé pour observer le changement climatique, avec une élévation des températures trois à quatre fois plus rapide que dans le reste du monde. En cinquante ans, la banquise a fondu de 70 % en volume, passant d’une épaisseur moyenne de trois mètres dans les années 1970-80 à un mètre aujourd’hui. Ce déclin rapide modifie profondément la capacité de la glace à réfléchir la lumière solaire, entraînant un réchauffement accru de l’océan et une accélération du phénomène.
Le directeur scientifique de la Fondation Tara Océan souligne que d’ici à quelques années, l’Arctique pourrait être totalement libre de glace en été, avec des conséquences majeures pour l’océan et les écosystèmes associés. La Tara Polar Station doit aider à évaluer la capacité d’adaptation unique des écosystèmes marins à ce bouleversement climatique, en prenant également en compte d’autres pressions anthropiques telles que la pollution.
Les données collectées permettront de mieux comprendre les impacts du réchauffement sur le fonctionnement de l’océan Arctique et d’affiner les modèles climatiques, en contribuant notamment aux travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ces recherches sont essentielles pour anticiper les effets du changement climatique à l’horizon 2050 et au-delà, notamment en Europe.
La première mission de ce programme, nommée Tara Polaris 1, est prévue pour 2026, rassemblant la collaboration de 30 laboratoires et de 50 scientifiques issus de 12 pays différents. Avant cette expédition arctique majeure, la Tara Polar Station quittera Lorient pour effectuer en juin une série de tests techniques en mer, suivis d’un baptême de la glace en juillet-août au large du Svalbard en Norvège.
