Tout le monde connaît cette odeur nauséabonde et piquante du poisson avarié, n’est-ce pas ? En réalité, cette sensation olfactive n’est pas universelle. Certains individus ne perçoivent tout simplement pas cette odeur si caractéristique, notamment en raison d’une mutation génétique.
Des chercheurs de l’institut de génétique deCODE à Reykjavik, en Islande, ont mis en lumière un lien entre cette particularité olfactive et une mutation affectant un récepteur d’odeurs dans la cavité nasale. Celle-ci impacte la détection d’un composé chimique spécifique présent dans les poissons avariés et fermentés.
Dans une étude portant sur 11 000 Islandais, les participants ont été invités à identifier et évaluer l’intensité et la qualité de diverses odeurs, dont la réglisse, la cannelle et le poisson. Selon The New York Times, environ 2 % des sujets ont trouvé l’odeur du poisson moins intense et même plus agréable que les autres. Certains ne l’ont pas sentie du tout, d’autres l’ont perçue comme plus faible, moins désagréable, voire confondue avec des senteurs comme la pomme de terre, la rose ou le caramel.
Cette capacité tactile est liée au gène TAAR5. Ce dernier produit une protéine détectant la triméthylamine (TMA), une molécule responsable de l’odeur caractéristique du poisson pourri et de certains fluides corporels, comme la sueur ou l’urine. Reconnaître cette odeur peut avoir une valeur évolutive importante, aidant à éviter la consommation de nourriture avariée potentiellement nocive.
Pourtant, en Islande, où le régime alimentaire est riche en produits marins fermentés et à forte odeur — tels que le requin pourri ou le raie fermentée — cette mutation constitue un avantage. Elle atténue le rejet olfactif de ces aliments traditionnels, expliquant ainsi la fréquence élevée de cette variation génétique parmi les Islandais. En revanche, cette mutation est beaucoup plus rare en Suède, en Europe du Sud et en Afrique.
Un expert en olfaction, n’ayant pas participé à cette étude, a souligné que ces mutations auraient pu passer inaperçues si l’échantillon avait été choisi dans une autre population. De plus, il rappelle que le régime alimentaire d’un groupe peut influencer son patrimoine génétique, rendant nécessaire la réalisation d’études auprès de groupes plus variés pour mieux cerner l’ampleur de ce phénomène.
Les résultats de cette recherche figurent dans l’édition de décembre 2020 de la revue Current Biology.
