Au début du mois d’août 1970, Janis Joplin accordait sa dernière interview télévisée dans l’émission « The Dick Cavett Show », marquant sa troisième apparition en trois ans. À chaque passage, elle était accompagnée d’un groupe différent : en 1968 par Big Brother and the Holding Company, en 1969 par le Kozmic Blues Band, puis en 1970 par le Full Tilt Boogie Band, comme elle le précisa à Cavett.
Originaire de Port Arthur au Texas, Janis s’était installée à San Francisco en 1966 et avait rejoint Big Brother and the Holding Company. Le groupe publia deux albums studio en 1967 et 1968, mais c’est sa performance lors du Monterey Pop Festival en 1967 qui la fit véritablement remarquer. Lors de son interview en 1969, elle refusait d’être qualifiée de star, préférant se définir simplement comme une chanteuse. Pourtant, la puissance de sa voix et ses interprétations la propulsèrent rapidement sous les feux de la rampe.
En 1969, elle sort son premier album solo, « I Got Dem Ol’ Kozmic Blues Again Mama! », qu’elle eut la chance de voir paraître. Son dernier album studio, « Pearl », sorti en janvier 1971, fut publié après sa mort en octobre 1970, à seulement 27 ans, des suites d’une overdose d’héroïne. Au cours de ces années d’ascension, elle fut une habituée de l’émission de Dick Cavett où elle aborda avec franchise les réalités de la célébrité et les difficultés logistiques liées à l’organisation de spectacles adaptés au public. Le monde des affaires commençait à l’irriter alors qu’elle restait attachée à l’expression artistique et au plaisir du chant sur scène.
Une complicité évidente avec Dick Cavett
Lorsque Dick Cavett, auparavant écrivain, débuta son talk-show en 1968 sur ABC, il était alors un visage nouveau à la télévision, tout comme Janis Joplin était une figure montante de la scène rock. Cavett confia dans « American Masters » diffusé sur PBS Wisconsin que Joplin avait aidé à dissiper la méfiance des autres artistes envers son émission, leur montrant qu’elle n’était pas ennuyeuse. Leur relation dépassa le cadre de l’interview : ils partagèrent parfois un dîner puis retournaient chez elle, où ils fumaient ensemble. Malgré un peu de nervosité devant la caméra, elle se montrait sincère et ouverte lors des échanges.
Pour introduire cette dernière apparition, Cavett la décrivit comme « l’une des chanteuses les plus passionnantes » et la salua avec une espièglerie affectueuse : « Très heureux de te revoir, ma petite chanteuse ». Bien que lui-même journaliste, il lui demanda si les interviews lui posaient problème. Elle répondit que seule la nécessité d’échanger avec des interlocuteurs peu compréhensifs ou le fait de devoir s’y plier contre son gré pouvait être frustrant. Malgré l’amour de son public, Janis évoqua aussi le souvenir douloureux de son enfance marquée par les moqueries et les rejets, qu’elle avait publiquement partagés. Cette sensibilité exacerbée s’exprimait parfois dans sa perception biaisée par certains reportages médiatiques.
Les bouleversements de la scène musicale de l’époque

Interrogée par Cavett sur l’évolution du mouvement hippie et les concerts parfois marqués par la violence, comme celui des Rolling Stones à Altamont en décembre 1969 ou celui de Jimi Hendrix en juin 1970 où la foule fut gazée, Janis resta optimiste. Elle voyait dans l’essor des festivals un signe que ces événements répondaient à un désir collectif de participation. Néanmoins, elle reconnut que l’organisation demandait un travail considérable et qu’il fallait encore peaufiner ces modèles. Malheureusement, elle ne vécut pas assez longtemps pour voir ces festivals évoluer ni pour profiter du succès posthume de « Pearl », qui compta trois titres parmi les meilleures places du Billboard 100, avec notamment « Me and Bobby McGee », numéro 1 pendant deux semaines en 1971.
La biographe Holly George-Warren, auteure de « Janis : Her Life and Music », souligna que Janis luttait contre une dépression profonde et un fatalisme sombre. Décédée à 27 ans seulement, deux mois après son ultime interview, elle était, selon George-Warren, devenue une musicienne accomplie sans toutefois atteindre une maturité personnelle complète. Ses choix furent parfois néfastes, notamment lorsqu’elle tenta d’arrêter l’alcool – plus nocif pour sa voix que les drogues – mais croisa par hasard son dealer et retomba dans l’usage de l’héroïne, ce qui provoqua sa mort.
