L’histoire de Carmilla et son influence sur le genre des vampires
Oh créature à crocs de la nuit, traîtresse pâle des vivants, dépouillant ses victimes de leur sang et de leur chaleur dans des manoirs forestiers isolés… Ah, mais elle est lesbienne ? Oui, c’est bien le concept de base de « Carmilla », le précurseur largement oublié de « Dracula ». Publié en 1872, le roman de Joseph Sheridan Le Fanu précède de 25 ans le chef-d’œuvre de Bram Stoker, « Dracula », publié en 1897.
Stoker est généralement reconnu pour avoir fusionné diverses traditions folkloriques pan-européennes dans notre vision moderne du vampire — ces créatures terrifiantes qui, la nuit, assouvissent leur soif de sang tout en passant pour des courtisans raffinés le jour. L’univers des vampires a évolué grâce à des éléments emblématiques : l’ail, l’eau bénite, les pieux en bois, et des références au tyran transylvanien du 15ème siècle, Vlad l’Empaleur, connu sous le nom de « Dracula ». Chacun de ces composants a contribué à créer des récits qui se poursuivent depuis plus d’un siècle.
Il est vrai que « Carmilla » est moins complexe et moins crue que le récit parfois alambiqué et épistolaire de Stoker. Tandis que « Dracula » se déroule à travers une série de lettres et de journaux, « Carmilla » est une courte nouvelle, près d’un conte terrifiant à raconter au coin du feu.
La narration de « Carmilla » est d’une grande simplicité et peut facilement être dévorée en une seule nuit. On y retrouve pourtant tous les éléments caractéristiques que nous, lecteurs du 21ème siècle, reconnaissons comme des clichés du genre : la belle jeune femme d’origine suspecte, les disparitions mystérieuses, des meurtres vindicatifs en milieu rural, et des propriétaires fortunés d’un grand manoir. En 1872, ces motifs étaient assez novateurs pour inspirer « Dracula ». De nombreux éléments de « Carmilla » réapparaissent dans l’œuvre de Stoker, prouvant son influence tant sur les détails que sur les concepts globaux.
« Carmilla » possède un style et un contenu qui lui sont propres, contrastant avec l’évolution des histoires de vampire depuis « Dracula ». Joseph Sheridan Le Fanu, auteur irlandais comme Stoker, est reconnu comme un maître de l’histoire de fantômes psychologique et un pionnier dans le récit policier. L’accent dans « Carmilla » est mis sur le mystère troublant plutôt que sur la violence graphique.
L’un des intérêts renouvelés pour « Carmilla » découle de l’homosexualité implicite entre la vampire éternelle, belle et pleine de secrets, et Laura, la narratrice jeune et naïve. Ce schéma de « corruption de l’innocent à travers une sensualité féminine vivace » était audacieux pour l’époque. L’histoire évoque plutôt une adoration romantique entre les deux personnages, sans jamais sombrer dans l’explicite. Le récit est ponctué de soupirs, de regards admiratifs et de doux touchés.
En fin de compte, « Carmilla » est une œuvre qui a su capter l’imaginaire, et qui est maintenant dans le domaine public. Elle peut être lue dans son intégralité sur des sites comme Project Gutenberg.