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Une nouvelle vague d’attaques contre les établissements pénitentiaires
Dans la nuit de mercredi, plusieurs incidents violents ont de nouveau touché des prisons françaises. Vers 2h20 à Villenoy, en Seine-et-Marne, un cocktail Molotov a été lancé contre un bâtiment abritant un surveillant de la maison d’arrêt de Chauconin-Neufmontiers. Le véhicule de cet agent, garé sur place, a également subi des dégradations. Un tag portant l’inscription « DDPF » a été retrouvé dans le hall de l’immeuble.
À environ 700 kilomètres plus au sud, dans les Bouches-du-Rhône, trois véhicules stationnés devant la prison de Tarascon ont été incendiés trois heures plus tard. Par ailleurs, la voiture d’un agent du centre pénitentiaire d’Aix-Luynes a été brûlée devant son domicile.
Ces événements s’inscrivent dans une série d’actions similaires survenues depuis dimanche, caractérisées principalement par des incendies de véhicules et même des tirs à l’arme automatique dirigés contre la porte de la prison de Toulon-La Farlède, où quinze impacts de balles de kalachnikov ont été constatés sans faire de victime.
Enquête antiterroriste et mobilisation des services spécialisés
Face à la gravité et la coordination apparente de ces attaques, le parquet national antiterroriste a été saisi. Les investigations portent sur des faits de « participation à une association de malfaiteurs terroriste » et de « dégradation en bande organisée avec usage de moyens dangereux », en lien avec une entreprise terroriste, selon le communiqué officiel.
Les enquêtes sont menées conjointement par la sous-Direction antiterroriste (SDAT), la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et les services locaux de police judiciaire, dans l’objectif d’identifier les responsables et de comprendre les motivations réelles de ce groupe désigné par l’acronyme « DDPF ».
Le mystère autour du groupe « DDPF »
Le sigle « DDPF », apparu sur plusieurs tags à proximité des prisons visées, signifie « défense des droits des prisonniers français ». Ce mystérieux collectif reste introuvable, et les enquêteurs cherchent toujours à déterminer son origine et ses intentions. Les attaques ont eu lieu dans différentes régions françaises, notamment à Villepinte, Valence, Réau, et Nanterre, indiquant un caractère national des actions, ce qui est atypique pour certains mouvements plus locaux.
Éloignement de la piste de l’ultragauche
Initialement, les autorités ont envisagé que ces attaques puissent être l’œuvre d’un groupe d’ultragauche, compte tenu d’actions similaires passées. Depuis 2017, certains groupuscules de cette mouvance avaient revendiqué des attaques contre des brigades de gendarmerie et des sabotages ferroviaires. Une source policière avait même jugé cette hypothèse plausible.
Cependant, l’usage d’une kalachnikov, une arme de guerre, a fortement remis en cause cette piste. Christophe Bourseiller, historien spécialiste des mouvements extrémistes, souligne que l’ultragauche ne recourt jamais à ce type d’armement lourd. De plus, la coordination nationale des attaques ne correspond pas à leur mode opératoire habituel, caractérisé par des groupes isolés agissant indépendamment.
Par ailleurs, la rhétorique défendue par le groupe « DDPF » ne cadre pas avec l’idéologie internationaliste de l’ultragauche. Le nom évoque une défense étatiste et nationale des prisonniers, ce qui contraste avec la vision transnationale des prisons défendue par la mouvance.
Gérald Darmanin dénonce une « riposte » de la criminalité organisée
Le ministre de la Justice interprète ces attaques comme une réaction des réseaux criminels à la politique ferme mise en place dans les prisons. Il rappelle les mesures prises pour regrouper les détenus les plus dangereux dans des établissements à haute sécurité afin de réduire le trafic de stupéfiants depuis l’intérieur des prisons.
Selon Gérald Darmanin, ces attaques viseraient à intimider l’État pour qu’il revienne sur ces décisions. Cette analyse est partagée par Christy Nicolas, secrétaire général du Syndicat pénitentiaire des surveillants, qui estime que les auteurs veulent faire reculer les autorités sur les prisons de haute sécurité.
Déclarations du groupe « Défense des prisonniers français »
Sur la plateforme Telegram, un compte au nom similaire a revendiqué les attaques comme une défense des droits fondamentaux des détenus. Le groupe nie être terroriste et dénonce la réduction des temps de promenade, le coût élevé des communications téléphoniques, la suppression des activités ludiques en prison, ainsi que les fouilles perçues comme humiliantes. Ils accusent le ministre d’avoir déclenché une « guerre » en imposant ces mesures.
Le groupe menace également directement des agents pénitentiaires, notamment ceux d’Aix-Luynes.
Situation tendue au sein des personnels pénitentiaires
Les surveillants pénitentiaires dénoncent la dangerosité croissante de leur métier et un manque de soutien. Un représentant syndical local évoque un moral très bas parmi ses collègues, qui craignent désormais des représailles ciblées à l’extérieur. Malgré une surveillance policière renforcée aux entrées des prisons, le sentiment d’insécurité demeure, incitant certains syndicalistes à envisager des blocages si la situation perdure.
Un contexte marqué par la pression du milieu criminel
Selon des spécialistes du banditisme, les armes sont généralement utilisées pour régler des conflits d’intérêts liés au trafic de drogue, à visée pécuniaire plutôt que politique. La coordination apparente des attaques sur plusieurs sites simultanément s’apparente davantage à un phénomène inédit en France, évoquant les réactions violentes que l’on pourrait observer dans d’autres pays, comme le Mexique, dans le cadre de représailles contre les forces de l’ordre.
Dans certains cas, un mouvement d’humeur amplifié par les réseaux sociaux ou une surenchère mimétique pourrait également expliquer cette escalade de violence. Le milieu pénitentiaire subit par ailleurs d’importantes pressions criminelles, en témoignent les menaces de mort répétées à l’encontre de responsables pénitentiaires.
Hypothèses et prudence face à une affaire complexe
Pour le journaliste Frédéric Ploquin, si la thèse de Gérald Darmanin se vérifie, cela légitimerait pleinement la ligne politique du ministre visant à renforcer la sécurité carcérale afin d’endiguer le trafic de stupéfiants depuis les prisons. Toutefois, il invite à la plus grande prudence et n’exclut pas la possibilité d’une manipulation extérieure, d’une opération concertée venue de l’étranger.
Dans tous les cas, l’affaire reste majeure et soulève des interrogations, notamment sur la capacité des services de renseignement à anticiper ce type d’attaque coordonnée.
Derrière les attaques de prisons, l’ombre de l’ultra gauche