La Mythologie des Centaures : Origines et Histoires Fascinantes

par Zoé
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La Mythologie des Centaures : Origines et Histoires Fascinantes
Grèce
gravure d'un centaure

La mythologie regorge de créatures hybrides, alliant l’homme et l’animal, avec les centaures et les sirènes qui se distinguent parmi les plus célèbres. Ces êtres, mi-homme, mi-cheval, captivent aussi bien l’art ancien que la culture populaire contemporaine, suscitant un intérêt durable grâce à leur nature intrigante.

Les centaures datent de plusieurs siècles et trouvent des représentations notables sur des monuments tels que le Parthénon, construit entre 447 et 432 av. J.-C. À cette époque, l’existence des centaures avait déjà une certaine ancienneté. Une figurine en bronze représentant un homme et un centaure, datant du VIIIe siècle av. J.-C., témoigne de la présence de ces créatures dans l’imaginaire collectif de l’époque.

De plus, des fouilles archéologiques à Ras Shamra-Ugarit ont révélé des centaures en terre cuite datant de l’Âge de bronze, qui débuta vers 3300 av. J.-C. Bien qu’il soit difficile d’établir le moment exact où les centaures firent leur apparition dans les récits anciens, il est certain qu’ils sont ancrés dans un passé très lointain.

La question demeure de savoir ce qui a poussé l’imaginaire collectif à concevoir ces créatures élégantes, mais inévitablement sauvages, et à un moment donné, à confondre un homme chevauchant un cheval avec une seule entité. Ce que les historiens et chercheurs ont pu découvrir, c’est l’histoire fascinante qui en dit long sur l’humanité et ses mythes plutôt que sur les créatures elles-mêmes.

Ils étaient les descendants d’un nuage et d’un roi… peut-être

Peinture d'Ixion sur la roue en enfer

Différentes histoires d’origine circulent au sujet des centaures. L’une des versions les plus fréquemment racontées commence avec les querelles incessantes entre Zeus et Héra, avec un homme peu recommandable nommé Ixion en toile de fond.

Cette histoire, rapportée par des auteurs tels que Pindare et Diodore de Sicile, nous présente Ixion comme le roi d’une ancienne tribu de Thessalie. Sur le point de se marier, il choisit une méthode macabre pour éviter de payer la dot de sa future épouse en tuant simplement son beau-père. Pour une raison bien mystérieuse — probablement pour semer le chaos — Zeus lui pardonna et l’invita sur le mont Olympe pour partager un repas avec les dieux.

Malheureusement pour tous, ce n’était pas là son unique intention. Héra finit rapidement par rapporter à son mari qu’Ixion avait tenté de l’agresser. Pour vérifier ses dires, Zeus, qui n’était pas le meilleur des maris, mit en place un test. Il créa Nephele, une nymphe nuage qui prenait la forme d’Héra, et la plaça devant Ixion. Comme on pouvait s’y attendre, Ixion força Nephele à se soumettre à lui.

De cette union naquit Kentauros, le premier centaure — une créature qui, selon Diodore de Sicile, était l’une des rares capables de naviguer à travers les tempêtes furieuses de Nephele, grâce à ses quatre pattes. Pendant ce temps, Zeus, exaspéré, avait décidément eu assez d’Ixion et le condamna aux enfers, enchaîné à une roue de feu pour l’éternité.

Ou peut-être étaient-ils les petits-enfants d’Apollon

statue of a centaur under dark sky

Une autre version de l’origine des centaures remonte au dieu Apollon. Cette histoire commence également en Thessalie, et selon Diodore de Sicile, Apollon avait une grande attirance pour certaines des nymphes thessaliennes. Parmi elles se trouvait Stilbe, la fille de l’un des dieux-rivières. Apollon s’unit à elle, et elle donna naissance à deux fils, Lapithes et Kentauros.

Le récit de ce qui arriva à Lapithes et Kentauros dépasse largement une simple rivalité fraternelle. Lapithes, selon certaines sources, était un grand guerrier qui transmit ses merveilleuses qualités à toute une race, les Lapithes, qui joueront un rôle important dans la mythologie des centaures.

À l’opposé, Kentauros ne bénéficia d’aucun des dons ou bénédictions de son frère. Déformé et considéré comme laid, il finit également par donner naissance à toute une lignée : après avoir couplé avec des juments, celles-ci engendrèrent la première génération de centaures.

Cette distinction entre les deux frères revêt une importance au-delà de ce que l’on pourrait penser au premier abord. La mythologie grecque ancienne ne se contente pas de narrer l’origine des saisons ou des histoires sur la vie après la mort, mais évoque également la lutte ultime entre l’ordre et la lumière contre le chaos et l’obscurité. Les races issues de ces deux frères symbolisent cette tension entre le monde civilisé et le chaos complet, qui se retrouve dans une autre légende.

Un mariage tragique

centaures se battant lors du mariage

La guerre de Troie est l’une des histoires centrales de la mythologie grecque, et selon les « Métamorphoses » d’Ovide, Nestor raconte cet événement mémorable lors d’un grand festin célébrant, spoiler alert, le triomphe des Grecs sur les Troyens.

Pirithous, un Lapithe, avait invité son demi-frère Eurytion, un centaure et le chef des Kentauroi Magnésiens, à son mariage. Comme souvent dans ces événements festifs, une fois que le vin commence à couler, les choses peuvent vite dégénérer.

Dès que les centaures ingèrent un peu trop d’alcool, toute notion de retenue disparaît. Eurytion lance les hostilités en saisissant la mariée par les cheveux, la traînant avec des intentions qui ne finiront pas bien pour Hippodame. Cet enlèvement sauvage déclenche une réaction en chaîne, avec d’autres centaures se joignant à lui pour emporter les femmes qui leur plaisent, prêts à s’enfuir vers l’inconnu.

Présents au festin, les héros grecs Thésée et Nestor ne comptaient pas laisser faire de telles absurdités. C’est Thésée qui met fin aux agissements d’Eurytion lors d’un affrontement d’une brutalité étonnante : Ovide décrit un centaure qui « vomissait de grands jets de sang avec des cervelles et du vin provenant de ses blessures » – une image difficile à oublier. Le héros (et, fait intéressant, transgenre) Caeneus mettra fin à la vie de cinq centaures, tandis que Nestor raconte avoir été en première ligne lors de l’élimination de plusieurs autres. Ce jour-là se termina par la victoire des Lapithes sur ces monstres mi-hommes, mi-bêtes.

Le plus sage de tous les centaures

Achille et Chiron tenant un arc et une flèche

Parlons de Chiron, un personnage fascinant qui incarne le rôle de professeur, mentor, médecin, prophète et musicien. Il n’était pas simplement un centaure comme les autres ; il a été le maître de héros renommés tels qu’Achille, Persée, Thésée, Ajax et Jason. Son histoire d’origine le distingue éminemment des autres centaures.

En effet, Chiron était le fils de Kronos, souvent connu comme le Titan qui a engendré puis dévoré la première génération des dieux de l’Olympe. Zeus, le seul à échapper à ce sort tragique, est à l’origine de la naissance de Chiron. Alors que Kronos était en quête de Zeus, caché par sa mère Rhea, il croisa la route d’une nymphe des océans nommée Philyra. Il semble qu’il ait décidé de prendre un moment de repos, s’unissant à elle, soit sous la forme d’un cheval, soit en se transformant en cheval à mi-parcours, réalisant que Rhea l’observait. Quoi qu’il en soit, cette dualité génétique donna naissance à un fils tout aussi remarquable.

Abandonné à sa naissance, Chiron fut sauvé et élevé par Apollon, devenant une figure adorée dans de nombreuses légendes héroïques. Son destin tragique survint lors d’une bataille liée aux douze travaux d’Hercule. Il fut foudroyé par une flèche empoisonnée du sang de l’Hydre. Bien qu’immortel, il souffrit sans relâche et, dans un acte de bravoure, échangea sa vie pour obtenir la liberté de Prométhée. Cette belle âme fut ensuite placée dans les cieux, transfigurée en constellation.

Hercule et Nessus

Hercules, Deianira et Nessus le centaure

Malheureusement pour Hercule, sa rencontre avec un centaure en particulier ne se déroule pas comme prévu. Nessus — ou Nessos — apparaît lors d’événements qui marqueront finalement la fin du héros fort. Selon les récits anciens, il est le centaure qui se trouve au bon endroit pour aider Hercule et sa femme, Deianira, alors qu’ils tentent de traverser le fleuve Evenus. Nessus propose de les porter sur son dos pour assurer leur sécurité.

À mi-chemin de la traversée, son comportement devient inapproprié envers Deianira, ce qui pousse Hercule à tirer une flèche empoisonnée qui tue le centaure. Cependant, Nessus parvient à atteindre l’autre rive et engage une conversation avec l’épouse du héros. Il lui promet que son sang possède des propriétés magiques et si jamais elle devait craindre qu’Hercule la trompe avec une autre femme, elle pourrait utiliser son sang sur ses vêtements, et il lui serait alors éternellement fidèle.

La notion de « fidélité éternelle » n’apparaît pas souvent dans la mythologie grecque. Effectivement, peu après, Hercule remporte la main de la princesse Iole lors d’un concours de tir à l’arc. Cette situation complexe conduit à la jalousie de Deianira, qui finit par suivre le conseil du centaure et imprègne la cape de son mari de ce même sang — un sang qui contenait le poison des flèches qui avaient tué Nessus. Réalisant qu’elle avait été trompée, Deianira se donne la mort, tandis qu’Athena sauve Hercule d’une vie de douleur éternelle et lui accorde une place sur le mont Olympe.

Dionysos et son propre type de centaure

relief showing dionysus and a centaur pulling his chariot

La mythologie grecque est une famille dysfonctionnelle qui ne cesse de livrer des histoires intrigantes, et un examen approfondi des créatures mythologiques révèle un sous-groupe fascinant : les Pheres Lamioi. Les anciens écrivains s’accordent peu sur leur nature, voici donc un aperçu des informations existantes.

Il est généralement accepté qu’ils étaient à l’origine des demi-dieux, natifs d’un fleuve anatolien appelé Lamos. C’est là que Zeus envoya son fils nouveau-né, Dionysos, pensant qu’il y serait en sécurité loin de la colère d’Héra, sa femme souvent trahie et souffrante. Ne souhaitant pas laisser l’enfant seul, Zeus chargea les demi-dieux de veiller sur lui, mais en échange de leur promesse, ils furent punis par Héra.

C’est Héra qui les transforma en centaures. Dans l’art, ils sont souvent représentés attelés à la charrette de Dionysos, prenant ainsi la forme classique du centaure, ce mélange de l’homme et du cheval que l’on retrouve fréquemment. Toutefois, tous les écrivains de l’Antiquité n’étaient pas d’accord : certains, comme Nonnus, leur attribuaient des caractéristiques étranges comme des cornes de boeuf. Il les a également décrits avec de longues oreilles, des touffes de poils inhabituelles, des crocs proéminents, et des crinières reliant leurs barbes à leurs pattes par une longue crête de poils hirsutes.

Bien que ces demi-dieux devenus bêtes aient, comme on pouvait s’y attendre, un goût prononcé pour le vin de Dionysos, ils se montrent également un peu plus fidèles que leurs homologues. La plupart d’entre eux périrent à ses côtés lors des combats.

Des enfants centaures inattendus pour Zeus

Hommes et centaures en train de se battre

Aphrodite est l’une des divinités olympiennes les plus célèbres, et son histoire mérite d’être racontée. Bien qu’elle soit parfois désignée comme la fille de Zeus, selon la mythologie grecque, elle est plus communément reconnue comme étant née de l’écume de mer provoquée par le Titan Cronos, qui jeta les organes génitaux de son père, Ouranos, dans l’océan. Cela pourrait techniquement faire d’Aphrodite la tante de Zeus, comme le souligne l’ouvrage de Hossen Cheytan sur la mythologie grecque.

Tante ou fille, il reste troublant que Nonnus ait écrit que Zeus, déterminé à ne pas respecter ses vœux de fidélité envers Héra, avait des intentions sur Aphrodite. Cependant, celle-ci n’en voulait absolument pas et s’échappa « comme le vent de la poursuite de son père lubrique ».

Alors que Zeus était visiblement prêt à tout, lorsqu’Aphrodite lui échappa, il décida de féconder plutôt le sol au lieu de la déesse. Ce sol était en réalité Gaia, la Terre (épouse du castré Ouranos), et de cette union émergèrent « une génération étrange avec des cornes ».

Ils furent connus sous le nom des Kentauroi Kyprioi, ou Centaures cypriens. Mi-homme, mi-cheval, on disait qu’ils avaient également des cornes de taureau. On pense qu’ils ont pris place aux côtés d’Aphrodite en tant qu’esprits de fertilité, ce qui est plutôt charmant.

Atalanta et les Centaures

Un guerrier combat un centaure

En matière de femmes robustes de la mythologie grecque, Atalanta se distingue. Abandonnée par son père à la naissance et élevée par une ourse, elle était l’une des favorites d’Artémis, la déesse de la chasse. Guerrière accomplie, elle affrontait et surpassait tous les hommes qui la défiaient, y compris quelques centaures.

Ce qui rend l’histoire d’Atalanta particulièrement fascinante, c’est la multitude de versions qui en existent, notamment celle de l’écrivain du IIe siècle Aélien, qui nous offre un aperçu sur le mode de vie des centaures. Selon ses écrits, ceux habitant au pied des montagnes pouvaient entendre les bruits constants de sabots résonnant des pentes où vivaient les centaures. La première indication de leur descente vers le monde des hommes était la lueur de leurs torches en pin, et « la première vue du feu aurait terrifié même la population d’une ville. »

Deux centaures en particulier, nommés Hylaios et Rhoikos, se présentèrent sous le prétexte d’offrir des cadeaux pour un mariage afin de s’approcher d’Atalanta, avec l’intention ultime de l’agresser. Cependant, elle les tua en premier, d’une flèche bien placée.

Les centaures comme conflit de l’âme

statue guerrier tuant un centaure

Une théorie souvent répétée évoque que l’idée des centaures provient de l’observation d’un cavalier en interaction avec son cheval, vu de loin. Lorsque le cavalier et son cheval sont parfaitement synchronisés, ils semblent se mouvoir comme une seule entité. Selon le Dictionnaire de biographie et de mythologie grecques et romaines, cette idée n’est pas totalement infondée.

Les centaures étaient souvent décrits comme originaires de Thessalie, une région réputée pour sa grande maîtrise des chevaux. Il est donc possible que des voisins aient pu les prendre, à tort, pour une créature unique, ce qui semble tout à fait approprié.

Dans la mythologie, les centaures symbolisaient une dualité profonde. Ils incarnent à la fois l’animalité et l’humanité, reflétant les désirs des deux. Ce concept, connu sous le nom de psychomachia, ou « conflit de l’âme », évoque des luttes internes. Fait intéressant, la British Library mentionne un poème du Ve siècle de Prudentius, intitulé « Psychomachia », considéré comme l’un des premiers travaux allégoriques de la littérature européenne, suggérant que cette lutte était une préoccupation majeure pour de nombreux écrivains de l’époque.

C’était un thème populaire durant la période où des artistes tels que Michel-Ange réalisaient des œuvres d’art fascinantes mettant en scène des centaures. Leur nature hybride en faisait un symbole idéal pour explorer la lutte de l’âme entre l’intellect, la raison, la foi et les besoins et désirs plus basiques.

Une présence régulière dans les bestiaires médiévaux

Illustration de centaure du 15ème siècle

Les centaures n’ont pas seulement fait une transition de la mythologie grecque à la fantasy moderne ; ils ont aussi connu une popularité étonnante durant toute cette période intermédiaire. Le historien médiéval Thijs Porck a examiné la fréquence à laquelle les centaures apparaissaient dans l’art et même sur les pièces de monnaie de l’Europe médiévale, concluant qu’ils étaient assez répandus.

Selon Porck, de nombreux artistes étaient probablement familiers avec les récits grecs anciens concernant les centaures. De plus, les écrivains médiévaux n’ont pas hésité à innover : ils ont également ajouté des créatures à moitié âne. Dans certains cas, les centaures étaient utilisés de manière similaire à leur représentation dans la Grèce antique. Dans un texte du XIe siècle, ils illustraient la distinction entre des clercs qui répondaient à un pouvoir supérieur au sein de l’église et ceux qui n’en étaient pas redevables. Les clercs de ce dernier groupe étaient comparés aux centaures : tout comme ces êtres étaient à moitié homme et à moitié cheval, les auteurs affirmaient que ces faux clercs menaient des vies duales, se consacrant à un être divin tout en se livrant à leurs désirs terrestres.

Les centaures apparaissent dans des contextes surprenants : l’un d’eux figure sur la Tapisserie de Bayeux, qui raconte l’histoire de Guillaume le Conquérant. On les retrouve également sculptés sur les drakkars vikings, et l’un d’eux, Kherion, fait régulièrement son apparition dans les manuscrits médiévaux sur la botanique.

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