Politique

En mars 2020, la scène politique afghane a basculé dans l’absurde : deux cérémonies rivales de prestation de serment — l’une pour Ashraf Ghani, l’autre pour Abdullah Abdullah — se sont déroulées sous les tirs et les explosions, selon le récit de la BBC. Ce double affichage du pouvoir intervenait après une élection entachée d’allégations de fraude, d’un grand nombre de bulletins annulés et d’une participation électorale exceptionnellement faible.
Les chiffres parlent d’eux‑mêmes : seulement 1,8 million des 9,6 millions d’électeurs inscrits se sont rendus aux urnes, et près d’un million de ces voix ont été écartées pour « irrégularités » (BBC). Sur les bulletins valides, Ghani recueillait 50,64 % contre 39,52 % pour Abdullah, mais l’écart réel reste incertain tant un nombre important de suffrages a été rejeté par les autorités électorales.
Plusieurs facteurs expliquent cette crise de légitimité :
- Les deux principaux candidats, Ghani et Abdullah, s’étaient déjà affrontés en 2014 et étaient chacun visés par des accusations de corruption.
- La menace talibane contre les bureaux de vote a fortement découragé la participation.
- Le rejet massif de bulletins par les autorités a ravivé le sentiment d’une élection « à moitié » représentative, ouvrant la voie à des revendications concurrentes du pouvoir.

Rôle et héritage des interventions étrangères
La crise s’inscrit aussi dans un contexte de négociations de paix avec les talibans, imposées par l’accord signé entre les États‑Unis et le mouvement en février 2020 — le même mois que l’élection. Cet enchevêtrement entre négociations internationales et politique intérieure afghane a compliqué davantage la situation et a favorisé des solutions politiques bricolées, parfois envisagées par des médiateurs extérieurs.
Le long engagement américain en Afghanistan a contribué à façonner ce paysage instable. Après les attentats du 11 septembre, l’opération militaire visant à renverser le régime taliban a débouché sur une tentative de construction d’un État qui s’est avérée fragile. Des analyses historiques et enquêtes journalistiques ont souligné des erreurs de compréhension, une mauvaise connaissance du terrain et le développement d’une culture de corruption et de féodalités locales qui ont affaibli les institutions nationales.
Dans ce contexte, certains diplomates et envoyés internationaux ont tenté de concilier des intérêts contradictoires, allant jusqu’à évoquer des arrangements institutionnels acceptant de facto des administrations rivales. Ce constat illustre comment des dynamiques extérieures et des faiblesses internes ont fini par produire une impasse politique aux conséquences durables pour l’Afghanistan.
Sources et lectures complémentaires :
