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Le raz-de-marée suscité par la pétition contre la loi Duplomb, autorisant sous conditions la réintroduction d’un pesticide interdit en France, a recueilli près d’1,5 million de signatures. Mais son impact réel sur la législation reste très limité. Si le seuil des 500 000 signatures permet d’organiser un débat parlementaire, ce dernier « ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée », précise Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale. L’historienne Mathilde Larrère, spécialiste des pétitions à travers l’histoire, confirme que très peu ont réussi à faire plier le gouvernement, même lorsque leur mobilisation était importante.
Au XIXe siècle, les pétitions étaient nombreuses, souvent individuelles, mais rarement efficaces. Par exemple, la célèbre pétition de Victor Hugo en 1851 pour abolir la peine de mort, qui rassembla plusieurs milliers de signatures, échoua. Selon Mathilde Larrère, pendant la Révolution française, chaque pétition pouvait être lue publiquement à l’Assemblée nationale, mais les députés cherchaient à légiférer sans être entravés par ces sollicitations, limitant au maximum leur influence. Quelques pétitions ont cependant obtenu des succès ponctuels, comme celle de 1890 en faveur d’une fête en l’honneur de Jeanne d’Arc.
Quand Hollande graçait Jacqueline Sauvage
Plus récemment, des pétitions associées à des mobilisations sociales ont abouti à des avancées. Sous François Hollande, la pétition lancée par Nora Fraisse contre le harcèlement scolaire, recueillant près de 80 000 signatures suite au suicide de sa fille Marion, a débouché sur la création d’un numéro national d’aide aux victimes et l’instauration d’une journée nationale de mobilisation.
Un autre exemple est la naturalisation de 28 tirailleurs sénégalais, combattants aux côtés de l’armée française en Indochine ou en Algérie, adoptée après une mobilisation rassemblant près de 60 000 personnes. Le cas emblématique reste néanmoins celui de Jacqueline Sauvage, condamnée pour avoir tué son mari violent : plusieurs pétitions rassemblant des centaines de milliers de signatures ont contribué à convaincre le président Hollande d’accorder une grâce progressive puis totale, en décembre 2016.
Sous Macron, les « gilets jaunes » et l’IVG
À l’ère Macron, les pétitions ont pris une dimension nouvelle, devenant un outil de communication pour le pouvoir. Lors de la crise des « gilets jaunes », le président a directement répondu sur la plateforme Change.org en annonçant l’annulation de l’augmentation de la taxe sur le carburant, légitimant ainsi la pétition en ligne. Toutefois, l’impact réel des pétitions sur les décisions gouvernementales reste difficile à mesurer.
Une pétition datant de 2017 en faveur de l’allongement du congé paternité a trouvé une réponse officielle en 2020 avec son doublement à 28 jours, bien que l’annonce soit intervenue plusieurs années après. Une victoire plus nette fut l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution en mars 2024, relayée notamment par des pétitions ayant recueilli plus de 180 000 signatures, portée par un contexte international, notamment une décision de la Cour suprême américaine remettant en cause ce droit aux États-Unis.
Des pétitions qui échouent ou qui ont besoin d’alliés
Lancer une pétition sur internet ne suffit pas. Pour véritablement peser, elle doit s’accompagner d’un usage politique, via des interpellations, des mobilisations sur les réseaux sociaux et dans la rue. La légalisation de l’avortement sous la loi Veil fut le fruit d’un ensemble de mobilisations bien plus que d’une seule pétition, comme l’explique Jean-Gabriel Contamin, politologue.
De grandes pétitions ont parfois abouti à des résultats partiels ou aucun résultat immédiat. La pétition contre la loi Travail (ou loi El-Khomri) ayant rassemblé plus d’un million de signatures en 2016, n’a modifié qu’en partie le texte. De même, la pétition de soutien à l’Affaire du Siècle, avec près de deux millions de signatures pour contraindre l’État à agir contre le dérèglement climatique, n’a débouché que grâce à un recours juridique qui a finalement conduit à une condamnation pour inaction climatique.
