Dans la course à l’armement, la vitesse prime souvent sur la taille, notamment dans le domaine des missiles. Celle-ci joue un rôle crucial, apportant un avantage stratégique en accroissant l’effet de surprise, la portée, la précision, tout en compliquant la capacité de l’ennemi à intercepter le projectile. Aujourd’hui, le missile le plus rapide au monde atteint une vitesse de Mach 27, soit 27 fois la vitesse du son, avec une portée de près de 6 000 kilomètres.
Ce prodige technologique s’appelle Avangard, un planeur hypersonique entré en service combat russe en décembre 2019. Capable de transporter une ogive nucléaire de 2 mégatonnes, il est propulsé par un missile balistique intercontinental (ICBM) qui le porte dans la haute atmosphère avant qu’il ne plonge vers sa cible à des vitesses comprises entre Mach 20 et Mach 27, dépassant les 32 000 km/h. Avangard représente une avancée majeure dans la technologie militaire, conférant à la Russie, déjà dotée du plus grand arsenal nucléaire mondial, un avantage stratégique singulier.
Avangard, transporté par un missile balistique intercontinental
Le planeur hypersonique Avangard ne possède pas de moteur propre. Il est lancé grâce à un ICBM russe, notamment le RS-28 Sarmat. Conformément à un accord avec les États-Unis, la Russie devait initialement prévenir 24 heures à l’avance avant un test de lancement, pratique interrompue en 2023. L’ICBM projette l’Avangard à environ 100 km d’altitude dans la stratosphère, où le planeur se détache pour amorcer sa descente hypersonique vers sa cible. Sa forme en coin, combinée à la gravité, lui permet d’atteindre de telles vitesses extrêmes.
Pour résister aux fortes températures générées par la vitesse, les ingénieurs russes ont employé des matériaux composites capables de supporter jusqu’à 2 000 °C, témoignant de la rapidité exceptionnelle du missile. Malgré cette vitesse, Avangard reste compact dans le monde des missiles : il mesure seulement 5,4 mètres de long pour un poids d’environ 2 tonnes. En comparaison, le missile américain Minuteman III, qui peut atteindre Mach 23, fait près de 18 mètres pour 36 tonnes, bien qu’ayant une portée supérieure. Cependant, la supériorité d’Avangard ne s’arrête pas à la vitesse.
Plus qu’un missile rapide : un missile hypersonique Avangard extrêmement manoeuvrable
Au-delà de sa vitesse inégalée, Avangard est doté d’une manœuvrabilité exceptionnelle, ce qui en accroît la dangerosité. Le programme de développement débuta dans les années 1980 avant d’être interrompu après la chute de l’Union soviétique en 1991, puis relancé par la Fédération de Russie sous le nom secret de Projet 4202. En mars 2018, le président Vladimir Poutine présenta publiquement Avangard, insistant sur sa vitesse et sa capacité à manœuvrer. Il déclara : « Il fonce vers la cible comme une météorite, comme une boule de feu. »
Au cours de son vol, le planeur hypersonique peut rebondir sur l’atmosphère pour accroître sa portée et modifier sa trajectoire lors de la descente, le rendant quasi indétectable et immunisé contre les systèmes classiques de défense antimissile. Le potentiel destructeur d’un missile nucléaire de cette précision est immense, avec les conséquences dévastatrices que l’on connaît : explosion en champignon, rayonnement thermique, retombées radioactives, famine et déplacements massifs de populations.
Face à cette avancée, les États-Unis ont initié la conception de leur propre missile hypersonique Glide Vehicle, nommé Dark Eagle, attendu pour fin 2025. Toutefois, il ne pourra pas emporter d’ogive nucléaire et sa vitesse maximale sera de Mach 5. Plusieurs autres nations poursuivent elles aussi des programmes similaires, mais pour l’instant, c’est toujours la Russie qui détient le record du missile le plus rapide au monde.