Étude des déchets radioactifs immergés dans l’Atlantique par la France

par Olivier
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Étude des déchets radioactifs immergés dans l'Atlantique par la France
France, Europe

Des déchets radioactifs immergés depuis plus de cinquante ans suscitent aujourd’hui l’attention de chercheurs pluridisciplinaires embarquant pour une mission scientifique majeure en mer, au large des côtes françaises. Le projet Nodssum, piloté par le CNRS, débutera sa première phase le 15 juin à bord d’un navire de la Flotte océanographique française. Cette expédition visera à localiser et étudier des fûts de déchets radioactifs immergés entre 3 000 et 5 000 mètres de profondeur dans l’Atlantique Nord-Est, un site d’immersion choisi par huit pays européens, dont la France, entre 1949 et 1982.

« Il ne s’agit pas de porter un jugement sur l’Histoire », souligne Patrick Chardon, chercheur CNRS en physique à Clermont-Auvergne et coresponsable du projet. « Le but est d’exploiter ces déchets radioactifs comme outils pour mieux comprendre les mécanismes de l’océan profond », ajoute Javier Escartin, géologue au CNRS et autre coresponsable de Nodssum. En associant des experts de la physique, de la mesure de la radioactivité et de la biologie, cette vaste enquête scientifique souhaite:

  • cartographier précisément la zone d’immersion principale des fûts,
  • évaluer la radioactivité locale,
  • analyser les interactions entre les éléments radioactifs et l’écosystème marin.

Un dépôt peu surveillé et mal connu

Autrefois considérée comme une méthode sûre par la communauté scientifique, l’immersion des déchets radioactifs reposait sur l’hypothèse que la dilution en milieu marin assurait un isolement suffisant. L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) rappelait dans son dossier que les analyses conduites dans les années 1980 et 1990 avaient relevé des niveaux faibles d’exposition, indistinguables des fluctuations naturelles dans ces profondeurs. Ainsi, aucune surveillance continue n’avait été jugée nécessaire à l’époque.

Or, ces dépôts ont très peu fait l’objet d’études détaillées depuis. « Lors des premières analyses dans les années 1980, les échantillons ont été prélevés sans cartographie précise des fûts, et parfois très éloignés des zones ciblées, car les appareils sous-marins de repérage n’étaient pas encore disponibles », explique Javier Escartin. Patrick Chardon complète : « on a souvent procédé à l’aveugle, sans certitude sur la localisation exacte. »

Cartographier pour mieux comprendre

La connaissance précise de la localisation des fûts reste vague : « Ils ont été immergés à l’époque sans inventaire clair, ignorons s’ils sont éparpillés ou regroupés », explique Patrick Chardon. Pour éviter de chercher une aiguille dans une botte de foin, les chercheurs ont défini un périmètre ciblé à l’intersection de deux zones exploitées pendant plusieurs décennies, où la probabilité de retrouver ces déchets est maximale.

Dans cette première phase, des robots autonomes seront envoyés pour réaliser des cartes sonar de la zone. Des prélèvements d’eau, de sédiments et d’organismes marins seront également effectués afin d’évaluer la radioactivité ambiante. Ces opérations devront s’effectuer à proximité des fûts sans approcher directement les déchets, afin de limiter tout risque de contamination du navire par rayonnement.

Cette étape permettra d’identifier une à deux zones de référence où s’appuiera une seconde campagne d’études comprenant des prélèvements et analyses plus approfondies in situ.

Évaluer l’évolution de la radioactivité

Les contenants des déchets ont été conçus pour isoler la radioactivité pendant une durée estimée entre quinze et vingt-cinq ans, largement dépassée aujourd’hui. Il s’agira donc d’évaluer si des fuites ou des effets sur les fonds marins sont perceptibles, en comparant les mesures actuelles avec celles des études anciennes.

« On ne s’attend pas à des niveaux très élevés, les déchets immergés présentent une activité faible à moyenne », détaille Patrick Chardon, « mais des signaux de pollution radioactive avaient déjà été détectés dans les années 1980, et aujourd’hui le confinement des fûts est moins garanti. On anticipe donc de retrouver des traces. »

Un robot sous-marin sera également chargé de prendre des photographies haute définition des fûts, afin d’évaluer leur état et de détecter d’éventuelles dégradations ou fuites.

Une pratique autrefois répandue

Si l’Atlantique Nord-Est concentre la moitié des déchets radioactifs immergés, cette pratique a été employée jusqu’en 1993 par quatorze nations, principalement européennes (Royaume-Uni, Belgique, Suède, Allemagne, France, Pays-Bas, Italie, Suisse), mais aussi par les États-Unis et l’ex-URSS.

Plus de 80 sites dans les océans Pacifique, Atlantique et Arctique sont concernés par ces dépôts, selon l’Andra. La mission du CNRS entend faire la lumière avec une transparence totale sur les données recueillies.

« Nous ne conservons aucune raison de cacher les résultats, nous partagerons intégralement toutes les informations obtenues », conclut Patrick Chardon, réaffirmant la volonté d’ouverture et de responsabilité scientifique autour de ces déchets radioactifs immergés.

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