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Face à l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes, Google et Microsoft innovent en développant des modèles de prévisions météo basés sur l’intelligence artificielle (IA). Ces nouveaux outils promettent une anticipation plus fine des événements tels que les canicules ou les tempêtes, avec une consommation énergétique maîtrisée, apportant ainsi un soutien essentiel dans la gestion des catastrophes climatiques.
Suite à l’initiative de Huawei en 2023, ces deux géants technologiques ont mis au point des IA capables de produire, en quelques minutes, des prévisions plus précises que celles obtenues en plusieurs heures par les supercalculateurs traditionnels des grandes agences météorologiques internationales. Bien que ces modèles restent pour l’instant expérimentaux et non disponibles à grande échelle, ils illustrent une avancée majeure dans le domaine des prévisions météo.
Des prévisions révolutionnaires pour mieux anticiper les tempêtes
Google a lancé en décembre son modèle GenCast, entraîné à partir de données météorologiques historiques. Ce système a démontré sa capacité à prédire avec une précision inégalée la météo et les événements climatiques extrêmes jusqu’à 15 jours à l’avance. Une rétrospective sur l’année 2019 révèle que, pour plus de 1 300 catastrophes climatiques, GenCast a surpassé dans 97 % des cas les prévisions du Centre européen de prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF), référence mondiale en la matière.
De son côté, Microsoft a développé à Amsterdam un modèle nommé Aurora, qui a récemment franchi une étape importante. En s’appuyant lui aussi sur des données historiques, Aurora a systématiquement mieux prédit la trajectoire des cyclones à cinq jours que sept centres météorologiques étatiques. Ces résultats, présentés dans la revue scientifique Nature, témoignent d’un bond en avant dans l’efficacité des prévisions. Par exemple, lors du typhon Doksuri en 2023, le plus coûteux jamais enregistré dans le Pacifique avec plus de 28 milliards de dollars de dégâts, Aurora a anticipé quatre jours avant l’impact que la tempête toucherait les Philippines, alors que les prévisions officielles la situaient initialement au nord de Taïwan.
Une avancée technologique plus rapide que prévue
Paris Perdikaris, chercheur principal du projet Aurora, prévoit que dans les cinq à dix prochaines années, l’objectif sera de créer des systèmes capables de produire des prévisions à haute résolution en intégrant directement les données d’observation, comme celles issues de satellites. Ceci est particulièrement crucial pour les pays dépourvus de dispositifs d’alerte météorologique fiables.
La vitesse des progrès dépasse les attentes. Laure Raynaud, spécialiste en intelligence artificielle chez Météo-France, souligne que bien que la supériorité des modèles d’IA sur les modèles physiques ait été anticipée, le rythme auquel cela se produit est surprenant. Météo-France travaille activement à l’intégration de l’intelligence artificielle dans ses modèles Arpège et AROME, avec l’ambition d’atteindre des prévisions à une résolution de quelques centaines de mètres.
Une méthodologie accélérée et moins énergivore
Les modèles météorologiques traditionnels, dits « physiques », reposent sur d’innombrables données d’observation associées aux lois de la physique, traduites en équations mathématiques. Leur traitement nécessite des heures de calcul intensif par des superordinateurs gourmands en énergie.
Les modèles d’apprentissage automatique, eux, fonctionnent différemment : ils ingèrent les mêmes données mais exploitent un réseau neuronal statistique qui apprend à produire des prévisions directement, sans recalculer l’intégralité des équations physiques. Cette approche permet non seulement d’accélérer considérablement le temps de calcul mais aussi d’améliorer la qualité des prévisions. D’après Laure Raynaud, cette rapidité accrue pourrait permettre d’actualiser plusieurs fois par jour les prévisions, notamment pour des phénomènes violents et imprévisibles comme les orages.
Le centre européen ECMWF développe également son modèle d’IA, estimé 1000 fois moins coûteux en temps de calcul que les modèles physiques actuels. Florence Rabier, directrice générale de l’ECMWF, souligne l’importance de cette innovation pour fournir des prévisions fiables à 35 pays européens, tout en réduisant considérablement la consommation énergétique.
