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The Irishman regorge de personnages inspirés de véritables figures historiques, même s’ils ne ressemblent pas toujours physiquement à leurs modèles réels. Ce choix est délibéré. L’un des éléments majeurs du film repose sur la technologie numérique de rajeunissement, qui permet aux acteurs d’incarner un même personnage à travers plusieurs décennies tout en affichant un visage plus jeune.
Même si la version jeune de Frank Sheeran évoque visuellement un personnage comme Travis Bickle, le long-métrage reste profondément ancré dans la réalité historique. Des figures comme Jimmy Hoffa, Russell Bufalino, Frank Sheeran ou Anthony Provenzano ont tous joué un rôle crucial, souvent discret, dans l’histoire américaine. Ces personnages ne sont pas de simples inventions : ce sont des personnes ayant réellement existé.
Il est donc particulièrement impressionnant de constater à quel point certains acteurs ressemblent à ceux qu’ils incarnent. Cela témoigne du talent des comédiens, des maquilleurs et des costumiers qui ont participé à cette fresque scorsesienne sur la mafia. The Irishman n’est certes pas un documentaire, mais dans la plupart des cas, la fidélité visuelle et historique est saisissante.
Voici un aperçu côte à côte des véritables visages qui ont inspiré les personnages de The Irishman :

Frank Sheeran (Robert De Niro)

Frank Sheeran, fidèle opérateur des Teamsters, tueur à gages de la mafia et, selon ses dires, assassin de l’infâme Jimmy Hoffa, bénéficia d’un privilège rare parmi ses pairs : celui de vieillir. Rencontre marquante de Frank avec Russell Buffalino en 1955, Sheeran échappa aux fins violentes qui emportèrent nombre de ses compagnons, vivant jusqu’en 2004, année de sa mort due à un cancer.
Dans The Irishman, Robert De Niro incarne Sheeran tout au long de son parcours de vie. Si l’acteur partage une certaine ressemblance avec le personnage dans sa jeunesse, c’est vraiment dans les scènes illustrant les dernières années de Sheeran que les similitudes frappent. Le film est entièrement raconté par un Sheeran âgé, confiné en fauteuil roulant, qui repense à ses méfaits passés. La posture affaissée, les cernes, la mine fatiguée et le rictus presque permanent de De Niro reflètent à merveille le véritable aspect de l’homme dans cette période.
Mais au-delà du physique, c’est surtout l’attitude détachée avec laquelle De Niro dépeint Sheeran qui saisit : ce dernier se remémore froidement ses actes horribles, y compris le meurtre, avec un naturel étonnant. Pour lui, c’était simplement un travail. En endossant le rôle de tueur, De Niro incarne parfaitement cette approche de classe ouvrière, pragmatique et sans concession face au crime. Ce réalisme contribue grandement à faire de Sheeran un personnage fascinant, malgré ses côtés peu reluisants, directement inspiré de son histoire réelle.
Russell Bufalino (Joe Pesci)

Contrairement à beaucoup d’autres dans le milieu, Russell Bufalino, le chef de la pègre du nord-est de la Pennsylvanie, menait une existence remarquablement discrète. Tellement privé qu’il a hérité du surnom « Le Don Silencieux ». Peu de photos ou vidéos le représentent, ce qui rend son portrait rare et énigmatique.
Cette discrétion a été une aubaine pour l’acteur Joe Pesci, qui a pu s’approprier librement le personnage de Bufalino. Toutefois, l’absence d’archives visuelles complique la comparaison entre la véritable personnalité et l’interprétation, car les références matérielles sont quasiment inexistantes.
Cependant, une apparition au tribunal en 1982 montre que Pesci a capté l’essence de Bufalino, du moins dans ses dernières années. Dans The Irishman, une scène datant de cette période illustre Bufalino ordonnant un meurtre, ce qui reflète bien l’atmosphère de l’époque. Son apparence révèle des indices subtils : des lunettes surdimensionnées cachant son visage, une posture voûtée par la fatigue, et un costume légèrement trop grand.
Au-delà du visage, le dialogue comporte aussi des similitudes. Lors de son témoignage, Bufalino se montre direct tout en évitant soigneusement de dire quoi que ce soit de précis — une forme d’art oratoire maîtrisée par le personnage de Pesci dans le film. Grâce à la mise en scène habile de Scorsese et au script tranchant de Steve Zaillian, le spectateur devine néanmoins toute la portée de ce qui est laissé sous-entendu.
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Il reste beaucoup de zones d’ombre autour du célèbre leader syndical Jimmy Hoffa. Malgré les aveux de Frank Sheeran, l’identité exacte de celui qui a causé la disparition de Hoffa demeure incertaine. Plusieurs experts ont souligné des incohérences dans le récit de Sheeran, et la vraie personnalité de Hoffa, loin des caméras et des regards, restera sans doute toujours un mystère.
Cependant, ce que l’on connaît avec plus de certitude, c’est l’image publique de Hoffa. Le film The Irishman illustre avec force l’un des moments les plus emblématiques de Hoffa : son affrontement au Congrès avec Robert Kennedy. Dès les premières minutes, les contrastes entre l’homme réel et l’interprétation d’Al Pacino sautent aux yeux. Alors que Pacino utilise son célèbre timbre rauque, Hoffa, lui, adopte une voix posée, semblable à celle des annonceurs classiques. Là où Pacino reste respectueux, presque distant face aux questions, le véritable Hoffa attaque vigoureusement, coupant la parole à Kennedy à chaque occasion, assénant faits et répliques tout en pointant son accusateur d’un doigt menaçant. Ce n’est pas un simple interrogatoire : c’est une joute verbale intense.
Lorsque Hoffa s’adresse à la presse, le rôle s’inverse. Dans la réalité, il garde un calme remarquable, maîtrisant parfaitement son image, à l’instar d’un homme politique aguerri. Dans le long métrage, sa version est bien moins posée, présentant un Hoffa plutôt colérique, sur le point d’exploser de colère. Malgré ces différences d’interprétation, deux éléments restent communs : que ce soit le véritable homme ou le personnage d’Al Pacino, Hoffa dégage une énergie et un charisme indéniables. Cette aura magnétique explique en grande partie pourquoi il a su rassembler derrière lui tant de partisans.
Bill Bufalino (Ray Romano)

De certains angles, Ray Romano est le sosie parfait de Bill Bufalino, cousin de Russell Bufalino et avocat personnel de Jimmy Hoffa. Tous les détails concordent : ses épais lunettes, ses costumes élégants, son port légèrement avachi, et cette manière de s’exprimer comme si augmenter le volume pouvait modifier la réalité. L’ancien acteur de Everybody Loves Raymond est physiquement en meilleure forme que son personnage dans The Irishman, mais la ressemblance est incontestable et frappante.
Au-delà des similitudes physiques, Romano parvient aussi à reproduire l’aura globale de Bufalino. Il y a quelque chose d’ineffaçablement douteux autour de ce personnage. Il suffit de l’entendre confesser, avec une audace et un volume remarquables, qu’il a espionné la maison de Marilyn Monroe sur demande de Hoffa afin de recueillir des informations compromettantes sur Bobby Kennedy. Cette énergie se retrouve lorsqu’il conseille Frank Sheeran (Robert De Niro) sur les moyens d’éviter la prison ou quand il défend Jimmy Hoffa, manifestement corrompu, devant la justice. Le même état d’esprit transparaît.
Bien que sa présence soit limitée à quelques scènes, Stephen Graham incarne avec force Anthony « Tony Pro » Provenzano, rival de Hoffa, marquant chaque instant à l’écran. Que ce soit lors de leurs altercations en prison ou lorsqu’il affiche son mépris en arrivant en retard à une réunion, son jeu capte toute l’attention, ce qui n’est pas une mince performance face à un casting aussi talentueux.
Plus surprenant encore, Graham réussit une imitation très fidèle du véritable Tony Pro. Lors de son introduction, observez sa déambulation parmi une foule admirative, ou encore l’allocution qu’il tient devant ses camarades Teamsters. Son interprétation est légèrement plus expressive, mais reste globalement très proche de l’original.
Le vrai Tony Pro partage également le même style décontracté que son alter ego à l’écran. Plus tard dans sa vie, il s’est fait remarquer lors d’une interview télévisée torse nu, bronzé, avant d’être photographié arborant une chemise à carreaux voyante associée à une veste rayée. Même Hoffa semblait trouver cela extravagant, notamment lorsqu’il portait un simple short !
Chuckie O’Brien (Jesse Plemons)

Dans The Irishman, Jesse Plemons incarne Chuckie O’Brien, un homme si proche de Jimmy Hoffa que le leader syndical le considérait comme un fils, avec une simplicité d’homme ordinaire qui est devenue l’une des marques de fabrique de l’acteur. Cependant, ceux qui ont connu le véritable O’Brien révèlent une personnalité bien différente.
Le vrai Chuckie ressemblait davantage à un gangster typique que le personnage joué par Plemons. Selon Jack Goldsmith, le beau-fils d’O’Brien, il était aussi plus intelligent, plus coriace et jouait un rôle clé dans les opérations quotidiennes de Hoffa. Goldsmith avance même que c’est Chuckie, et non Frank Sheeran, qui fut le véritable bras droit de Hoffa.
Un point où le film et la réalité s’accordent concerne le jour de la disparition de Hoffa : Chuckie était occupé à livrer un poisson à un autre membre des Teamsters. Tandis que le film utilise cet épisode pour alléger ce qui sera la dernière promenade en voiture de Hoffa, le véritable O’Brien invoque cette livraion comme alibi, affirmant qu’il ne pouvait pas conduire Hoffa à sa tragique destination car il était sorti pour cette course.
Joe Gallo (Sebastian Maniscalo)

La plupart des criminels préfèrent rester dans l’ombre, mais Joseph « Crazy Joe » Gallo s’en est toujours démarqué. Il aimait attirer l’attention. Que ce soit en lançant des piques à Don Rickles au légendaire club Copacabana ou en fréquentant des acteurs comme Jerry Orbach à New York, Gallo était une figure bien connue de la haute société new-yorkaise.
Pourtant, derrière cette image publique se cachait un homme engagé dans un mode de vie violent : il avait enlevé quatre des meilleurs hommes de main de son patron, déclenché une guerre de gangs et était directement impliqué dans une autre. Le personnage incarné par le comédien Sebastian Maniscalo dans The Irishman capture cette audace et cette assurance avec un style qui reflète parfaitement le personnage public de Gallo, jusqu’à ses célèbres lunettes de soleil.
Cependant, cette représentation à l’écran contraste quelque peu avec la réalité. Après sa sortie de prison, son épouse le décrivait comme « extrêmement fragile et pâle. Il ressemblait à un vieil homme. C’était un véritable sac d’os. » Malgré cela, son charisme naturel demeurait une force irrésistible, attirant toujours l’attention autour de lui.
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Si vous êtes amateur de stand-up, le nom de Don Rickles vous est certainement familier. Ce comédien légendaire a construit sa réputation en se distinguant par un humour corrosif, allant jusqu’à être surnommé « Le Marchand de Venin » ou « Monsieur Chaleur ». Son style unique consistait à railler sans relâche tout et tout le monde autour de lui, créant ainsi un spectacle inoubliable.
Dans The Irishman, l’humoriste Jim Norton incarne habilement la version des années 70 de Rickles. Bien qu’il ne possède pas le sourcil froncé ni le regard perpétuellement courroucé caractéristiques de Rickles, Norton parvient à rendre hommage à ce personnage avec justesse.
Un fait étonnant relie Don Rickles à l’histoire de Joe Gallo telle que présentée dans The Irishman. La présence de Rickles au Copacabana la nuit de la mort de Gallo ne relève pas d’une simple invention scénaristique. En réalité, Rickles s’est produit sur scène lors du dernier anniversaire de Gallo, taquinant ce dernier de sa verve coutumière.
Si l’anecdote ne s’arrête pas là, c’est parce que Gallo a tellement apprécié ce numéro qu’il a invité Rickles à le rejoindre dans un restaurant, Umberto’s Clam House, après le spectacle. L’humoriste a décliné l’invitation, un refus qui s’est avéré salvateur. Comme le montre le film, Gallo a été assassiné quelques heures plus tard dans ce même établissement, sous les yeux de sa famille.
Robert Kennedy (Jack Huston)

Dans The Irishman, l’intérêt pour Robert Kennedy se limite à sa participation au comité McClellan et à son rôle de procureur général, durant lequel il déploya tous ses efforts pour faire emprisonner Jimmy Hoffa. Pourtant, dans la réalité, Robert Kennedy fut bien plus que cela. Frère du président des États-Unis, défenseur des droits civiques, candidat à la présidence, il fut également victime d’un assassinat controversé qui marqua l’histoire américaine.
Toutefois, dans le cadre du film, Bobby Kennedy n’est qu’un personnage secondaire, et son temps d’écran est à l’image de ce rôle. Il apparaît quelques minutes seulement et est incarné par Jack Huston, connu pour ses rôles dans Boardwalk Empire, Ben-Hur et Fargo. Bien que l’acteur ait une certaine ressemblance avec Robert Kennedy, il lui manque la flamme qui animait le véritable RFK lors des auditions, même s’il maîtrise parfaitement l’accent bostonien caractéristique des Kennedy.
Ce portrait correspond cependant à la vision qu’avaient Hoffa et Sheeran de Robert Kennedy : un jeune homme gâté, aisé et déconcerté, lançant une offensive contre le monde ouvrier sans pleinement mesurer l’ampleur de la tâche. Sur ce point précis, Jack Huston livre une performance convaincante et fidèle à cette perception.
