
Depuis toujours, les traitements médicaux ne fonctionnent pas de la même manière selon les individus. Cependant, cela n’a pas toujours entraîné une prise en compte équitable des besoins spécifiques des femmes. Pendant des siècles, la recherche médicale a largement ignoré les maladies féminines, en excluant les femmes des études, ce qui a conduit à des traitements parfois inefficaces, voire dangereux.
Selon les Instituts Nationaux de la Santé, les femmes étaient souvent écartées des essais cliniques pour deux raisons principales : leur biologie plus complexe que celle des hommes et leurs multiples responsabilités familiales, qui limitaient leur participation. Privés de données féminines, les médecins devaient alors improviser des traitements inadéquats. Par exemple, il y a un siècle, la médicalisation de l’accouchement a remplacé les sages-femmes expérimentées par des pratiques médicales invasives et peu compréhensives, telles que la désinfection excessive à l’aide de Lysol – un produit ménager – et l’utilisation de graisse animale pour faciliter la naissance.
Cette méconnaissance s’est aussi traduite par une fréquence importante de ce que l’on appelle le « biais de la douleur » : les plaintes féminines sont souvent minimisées, leurs douleurs sous-évaluées et leurs symptômes parfois attribués à l’anxiété plutôt qu’à des causes physiques réelles. L’un des exemples les plus tristement célèbres de cette incompréhension est le diagnostic d’hystérie, encore utilisé jusqu’au XXe siècle. Il servait à expliquer un large éventail de symptômes – anxiété, fatigue, douleurs – caractérisés comme une pathologie propre aux femmes, reflet d’un profond manque d’écoute et de connaissances médicales.

Les scientifiques ont longtemps exclu les femmes des essais cliniques, craignant que les fluctuations hormonales liées au cycle menstruel ne faussent les résultats. Ainsi, la majorité des traitements ont été développés principalement sur des hommes, voire des mâles dans les recherches animales, ce qui explique certaines réactions plus sévères ou inattendues chez la moitié féminine de la population.
Un exemple notable est la pilule somnifère Ambien : ce médicament agit plus lentement chez les femmes, ce qui prolongerait leur sensation de somnolence le lendemain matin. Ce n’est qu’en 2013 que l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux a reconnu ce fait. De plus, parmi les dix médicaments retirés du marché entre 1997 et 2000, huit provoquaient des effets indésirables particulièrement nocifs pour les femmes.

Heureusement, les mentalités et les pratiques évoluent lentement. Ce retard a eu un impact direct sur la compréhension et le traitement des symptômes féminins. Par exemple, les signes d’un infarctus sont souvent différents chez les femmes, ressemblant davantage à une sensation de ballonnement qu’à une douleur thoracique classique. Ce décalage dans la recherche a également sous-estimé les différences liées aux modes de vie et à l’alimentation entre les sexes.
Ce n’est qu’en 1993 que les autorités sanitaires américaines ont imposé la participation des femmes aux essais cliniques, suite aux campagnes de sensibilisation et recherches menées par des groupes dédiés à la santé féminine. Ce n’est qu’en 2016 que la présence obligatoire de femelles dans les expérimentations animales a vu le jour. Malgré ces avancées, les femmes restent encore sous-représentées dans les études cliniques, ce qui limite la qualité des données médicales concernant la santé féminine, y compris pour des maladies où elles constituent une majorité des cas, comme l’hépatite.
Après des décennies d’exclusion, la médecine doit aujourd’hui rattraper son retard pour mieux comprendre et traiter la santé des femmes, un enjeu crucial pour une prise en charge équitable et efficace.
