Le fer à cheval, souvent associé à la chance lorsqu’il est cloué au mur, n’a pas été inventé à cette fin symbolique mais bien pour protéger les sabots des chevaux. Cette invention essentielle est née avec la domestication de l’animal par l’Homme.
Dès que les hommes ont appris à domestiquer les chevaux, les premières protections pour sabots ont vu le jour. Constitués de kératine, les sabots protègent les tissus mous délicats à l’intérieur, mais une activité prolongée peut gravement les endommager et empêcher le cheval de marcher correctement. Les chaussures les plus anciennes, datées d’environ 400 av. J.-C., étaient fabriquées en cuir brut, en morceaux de cuir ou même avec des plantes, formant un enroulement autour du sabot sans clous ni colle. Ces chaussures appelées hipposandales par les Romains, avaient parfois des propriétés thérapeutiques grâce aux plantes apaisantes dont elles étaient composées, particulièrement en Asie ancienne. Ce dispositif était tellement courant que le poète romain Catulle évoqua au Ier siècle de notre ère une mule ayant perdu sa chaussure.
À mesure que les humains étendaient leur influence vers des terres plus froides et humides, le besoin d’une meilleure protection pour les sabots devint crucial. L’humidité affaiblit la corne du pied du cheval, rendant l’usage du fer plus nécessaire. Les Européens du Nord commencèrent alors à concevoir des fers métalliques cloués aux sabots, plus proches de ce que nous connaissons aujourd’hui.
À l’origine, ces fers étaient souvent en bronze avec seulement six trous pour les clous. Progressivement, avec la nécessité de renforcer ces protections, le fer s’imposa malgré sa valeur précieuse. Le fer à cheval devint alors un bien de valeur, certains réglant même leurs dettes avec, la monnaie en fer étant moins physique et donc plus rare. À l’époque des croisades, au XIIe siècle, les fers collectés pour les taxes étaient parfois utilisés dans les batailles.
Les superstitions autour du fer à cheval se répandirent également ; on croyait que le clouer au mur apportait chance et protection. Au XIIIe siècle, les fers étaient plus disponibles, et la profession de maréchal-ferrant se développa considérablement, parallèlement au travail des forgerons. L’importance d’une fixation et d’un placement corrects des fers fut popularisée notamment avec la publication en 1751 en Angleterre du livre No Foot, No Horse. Le développement de fers spécialisés permit d’adapter les chevaux à des tâches spécifiques dans le commerce, les transports ou les combats.
Avec la révolution industrielle au XIXe siècle, la fabrication des fers à cheval fut mécanisée. Des machines purent produire jusqu’à 60 fers par heure, ce qui équipa massivement les chevaux. Cette production de masse fut un atout stratégique, notamment pour l’Armée de l’Union durant la guerre civile américaine, car elle améliora les performances des chevaux.
L’usage des fers à cheval a également influencé les courses hippiques, qui ont connu un essor dès l’époque romaine. Pour améliorer la vitesse des chevaux, des fers plus légers furent créés. Au début du XXe siècle, les fers en aluminium se généralisèrent, spécialement conçus pour la compétition. Des innovations comme les clips avant évitèrent que les chevaux ne perdent leurs fers, tandis que les semelles en caoutchouc offraient une meilleure adhérence et un amorti accru.
Aujourd’hui, les propriétaires peuvent choisir parmi une vaste gamme de fers adaptés aux besoins spécifiques de leurs chevaux, allant des alliages spéciaux au titane, magnésium ou cuivre, jusqu’aux fers en plastique moins coûteux. Le fer en acier reste privilégié pour un usage durable, notamment dans les disciplines comme le dressage ou le saut d’obstacles. La profession de maréchal-ferrant perdure, certains pays exigeant une certification officielle, alors qu’aux États-Unis, la certification est volontaire mais encouragée.
En somme, le fer à cheval est une réponse technique à la nécessité de protéger les chevaux, compagnons essentiels de l’avancée humaine. Alors que les chevaux sauvages s’en passent, les chevaux domestiques travaillent plus dur, portent des charges plus lourdes et courent plus longtemps, justifiant pleinement l’utilisation de cette invention millénaire. Malgré l’emploi de clous, les chevaux ne ressentent aucune douleur, ce qui témoigne de la maîtrise technique acquise au fil des siècles.
