Dans les années 1940 et 1950, les États-Unis ont été frappés par une épidémie dévastatrice : la poliomyélite, une maladie causée par un virus extrêmement contagieux pouvant entraîner une paralysie. Selon les autorités sanitaires, cette affection rend difficile la respiration à cause d’une faiblesse musculaire prolongée. À cette époque, elle touchait principalement des enfants, dont certains furent si gravement atteints qu’ils nécessitaient le recours à une machine appelée « poumon d’acier » pour respirer.
Cette machine, aussi connue sous le nom de respirateur à pression négative, remplace la fonction respiratoire pour ceux incapables de respirer seuls. Installé sur un cadre plat, le patient y est placé de telle sorte que sa tête dépasse à l’extérieur du dispositif, entourée de miroirs pour garder contact visuel avec l’environnement. Il passait ainsi des heures enfermé dans cette chambre mécanique.
Bien que pour beaucoup aujourd’hui l’idée d’utiliser un poumon d’acier semble inconcevable, un nombre très réduit de personnes en dépendent encore. L’une d’elles, Paul Alexander, a passé plus de 70 ans à l’intérieur de cet appareil salvateur avant de décéder le 11 mars 2024.
Paul Alexander n’avait que 6 ans lorsqu’il contracta la polio. En juillet 1952, alors qu’il jouait dans la boue près de sa maison à Dallas, il développa une forte fièvre. Ses parents comprenaient que la maladie circulait activement ce été-là à travers le pays. Sensible aux modes de transmission courants de la polio – souvent via les selles ou les gouttelettes corporelles – sa mère lui fit retirer ses chaussures à l’extérieur. Peu après, ses symptômes s’aggravèrent, paralysant ses membres au point qu’il ne pouvait plus rien tenir. Une opération fut nécessaire pour retirer une congestion pulmonaire qu’il ne pouvait éliminer par lui-même.
À son réveil, Paul se retrouva enfermé dans un poumon d’acier. Si l’infection finit par régresser, les séquelles firent qu’il resta paralysé du cou jusqu’aux pieds, contraint à vivre en grande partie dans cet appareil. Néanmoins, il parvint à maîtriser sa respiration naturelle, lui permettant de quitter l’appareil plusieurs heures quotidiennement, bien qu’il doive y passer ses nuits.
Malgré cela, à 21 ans il fut le premier élève de son établissement à obtenir son diplôme sans jamais se rendre physiquement en classe. Il poursuivit des études universitaires puis intégra une faculté de droit. Utilisant un fauteuil roulant spécialement adapté qui lui permettait de rester droit malgré son handicap, il pouvait plaider en justice tout en continuant à utiliser son poumon d’acier.
Tout au long de sa vie, Paul Alexander continua d’utiliser un poumon d’acier et devint un fervent défenseur de la vaccination. Il soulignait que la diffusion massive du vaccin contre la polio, mis au point par Jonas Salk en 1955, avait permis de contrôler cette maladie, aujourd’hui rare aux États-Unis bien qu’elle n’ait pas encore été complètement éradiquée.
Alexander insista pour que le plus grand nombre se fasse vacciner, conscient du risque de résurgence dévastatrice si la prévention venait à se relâcher. Sa propre vie incarne la souffrance de maladies que l’on peut désormais éviter par une simple injection. Il espérait que, grâce aux vaccins, plus personne ne verrait des salles remplies de poumons d’acier destinés à maintenir des patients en vie.
Alors que la majorité des malades dépendants du poumon d’acier ne survivaient pas au-delà de l’adolescence, Alexander vécut jusqu’à 78 ans, dépassant même l’espérance de vie de ses parents et de son frère aîné. Aujourd’hui, Martha Lillard, âgée de 75 ans, est la dernière Américaine connue à vivre encore ainsi.
Durant ses dernières années, Paul Alexander demeura confiné dans son poumon d’acier, sans pouvoir exercer et parfois victime de maltraitances de la part de ceux censés veiller à son bien-être. Heureusement, il bénéficia du soutien de sa famille, d’amis, ainsi que d’anonymes qui collectèrent plus de 140 000 dollars pour lui venir en aide, et d’un ingénieur local qui lui fournît un appareil rénové pour assurer son maintien en vie.
Malgré son confinement, Paul Alexander réalisa de nombreux accomplissements en tant qu’avocat, activiste et écrivain. Il réussit à publier son autobiographie, Three Minutes for a Dog: My Life in an Iron Lung, en dictant ses mots ou en les tapant à l’aide d’une tige en plastique. Son ami Christopher Ulmer, qui organisa la collecte de fonds en 2022, témoigna de la fierté de Paul d’être un modèle positif et d’encourager chacun à croire en ses capacités.
