Imaginez-vous coincé sous une plante parasite avec quelqu’un, dont la seule échappatoire serait de l’embrasser. Cela paraît cauchemardesque, et pourtant, cette coutume fait partie intégrante de la tradition de Noël : il s’agit du gui, une plante hémiparasite, c’est-à-dire une plante parasite uniquement des racines d’autres végétaux. Ses origines, cependant, sont loin d’être typiquement festives ou chrétiennes.
Depuis l’Antiquité, le gui a été reconnu pour ses propriétés médicinales. Les druides lui accordaient des vertus curatives variées. Il est même mentionné dans l’épopée grecque L’Énéide, écrite vers 20 avant J.-C., où le héros en emporte avec lui aux Enfers. Ces prêtres celtes considéraient aussi le gui comme un aphrodisiaque, en raison de la texture collante de ses graines, invitant les couples à en suspendre un bouquet à leur porte. Cependant, l’aspect romantique du gui est davantage lié à la mythologie nordique.
Selon la légende, Baldur, petit-fils du dieu nordique Thor, craignait pour sa vie, persuadé que tous les êtres vivants voulaient l’éliminer — même les plantes. Sa mère, Frigg, demanda alors à chaque créature de jurer de ne pas lui faire de mal. La seule exception fut le gui. Loki, le dieu malicieux, utilisa alors une flèche faite de gui pour tuer Baldur. Les larmes de Frigg, pleurant sa perte, se transformèrent en les baies blanches du gui. Baldur fut ressuscité, et le baiser échangé sous la plante célèbre encore aujourd’hui cet amour protégé.
Mais comment le gui s’est-il imposé comme symbole de Noël, plutôt que de la Saint-Valentin ? Si personne n’en est certain, on suppose que cela provient du fait que Noël est une période festive placée sous le signe de l’amour et du rassemblement. Par ailleurs, les druides récoltaient traditionnellement cette plante pendant le solstice d’hiver.
La coutume d’embrasser sous le gui remonte à l’Antiquité, notamment chez les Grecs qui le suspendaient lors des mariages comme symbole de paix et d’union. Au XIXe siècle, sous l’ère victorienne, cette tradition s’est lentement mêlée aux célébrations de Noël. D’abord populaire chez les domestiques, il était alors permis à un homme de voler un baiser à une femme seulement s’ils étaient tous deux sous la branche de gui. Refuser un baiser était considéré comme porter malchance, tandis que l’embrasser assurait une bénédiction.
Un détail intriguant de cette tradition veut que l’homme puisse embrasser la femme autant de fois qu’il y a de baies sur la branche. Après chaque baiser, une baie était détachée du rameau. L’auteur Charles Dickens, célèbre pour ses récits de Noël, en fait d’ailleurs mention dans son œuvre Les Papiers posthumes du Pickwick Club, où des jeunes filles se voient forcées sous le gui à recevoir des baisers.
Cette idée que l’on doive embrasser sous une plante hémiparasite, sous peine de conséquences mystérieuses, peut sembler déconcertante. Quoi qu’il en soit, cette tradition persiste, à la croisée entre mythe, folklore et célébration festive. Attention toutefois, les baies du gui sont toxiques et ne doivent en aucun cas être consommées.
