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Les comédies grivoises, les drames et les tragédies de William Shakespeare lui ont valu une notoriété particulière à Londres au tournant du XVIIe siècle. Pourtant, son prestige culturel s’est considérablement renforcé au cours des trois derniers siècles. Désormais, ses œuvres sont inscrites au panthéon de la grande littérature, non seulement pour leurs intrigues captivantes centrées sur des personnages complexes, mais également pour leur richesse poétique. Shakespeare, en véritable poète et conteur, n’hésitait pas à créer des mots entièrement nouveaux lorsqu’il ne trouvait pas le terme adéquat. Ainsi, il est à l’origine de nombreux mots et expressions courants encore usités aujourd’hui.
Assassinat
Le terme assassinat apparaît pour la première fois dans Macbeth (Acte 1, Scène 7). Cette « pièce écossaise » regorge de meurtres et de complots, ce qui explique que Shakespeare ait ressenti le besoin d’inventer un mot pour qualifier un meurtre particulièrement odieux. Curieusement, le mot « assassin » existait déjà depuis plusieurs siècles, mais n’avait jamais été utilisé pour désigner l’acte de tuer avant cette œuvre. Dans le célèbre monologue de Macbeth, on trouve cette phrase : « Si c’est fait, alors qu’il soit fait promptement. Que l’assassinat puisse entraver les conséquences et, par sa fin, attraper le succès. » Des générations d’acteurs ont probablement récité ces lignes sans imaginer participer à la naissance d’un substantif.
Ébloui
Dans l’Acte IV, Scène V de La Mégère apprivoisée, Katherine, personnage principal souvent qualifié de mégère, cherche à exprimer l’effet aveuglant du soleil sur ses yeux. Elle dit à son père que ses « yeux troublés ont été tellement éblouis par le soleil » que tout apparaît un peu verdâtre. Ce mot, ébloui, est toujours en usage aujourd’hui, souvent au sens figuré pour décrire quelque chose de clinquant ou d’éclatant, comme un vêtement pailleté. Au fil du temps, cette néologie shakespearienne a même évolué pour signifier « impressionner », un sens que confirment des dictionnaires contemporains, bien que ce ne fût pas l’intention première du dramaturge.
Sang-froid
Le théâtre élisabéthain, où Shakespeare exerça son art durant des décennies, regorgeait d’histoires de jalousie et de vengeance. Pour éviter les répétitions, le dramaturge inventait des manières originales de décrire ses méchants au cœur glacé. L’usage figuré de sang-froid pour qualifier une personne insensible ou cruelle apparaît pour la première fois dans Le Roi Jean (Acte III, Scène 1). Poète avant tout, Shakespeare excellait dans la création de métaphores colorées. Nombre de ces images, à l’instar de sang-froid, se sont si bien intégrées au langage courant qu’elles sont devenues des clichés incontournables.
Bagarre
Shakespeare est parfois crédité d’avoir popularisé les scènes de combat chorégraphiées, notamment dans ses célèbres pièces Hamlet et Macbeth. Cependant, c’est dans une œuvre moins connue qu’il a introduit le substantif évocateur bagarre. Défini comme un « court combat confus ou lutte rapprochée », ce terme est encore communément utilisé aujourd’hui. Shakespeare le place dans la bouche de Philo, personnage d’Antoine et Cléopâtre. À l’époque, bagarre n’existait que sous forme verbale, illustrant une fois de plus la puissance créative du dramaturge à transformer des verbes en noms expressifs.
