Wyatt Earp était un homme plutôt réservé. Souvent décrit comme taciturne et peu enclin à l’humour, il était un personnage sérieux. On disait de lui qu’il avait de nombreux connaissances, mais très peu d’amis véritables et durables. William Barclay « Bat » Masterson, l’un des plus anciens amis de Wyatt, affirmait : « La véritable histoire de l’Ouest sauvage ne pourra jamais être racontée à moins que Wyatt Earp ne révèle ce qu’il sait, mais Wyatt ne parlera pas. »
Bat rencontra Wyatt en 1871, tous deux travaillant alors comme chasseurs de bisons sur les plaines, Bat étant le cadet de cinq ans. Là où Wyatt incarnait le silence, Bat brillait par son charisme, sa sociabilité et son style impeccable, agrémenté de petits talons dans ses bottes pour compenser sa petite taille. Mais ce qui l’a réellement distingué, c’était son « street credibility » : il jouissait d’un véritable respect dans les milieux qu’il fréquentait, capable de défendre ses amis et lui-même.
En plus de chasseur, Bat exerçait comme éclaireur, joueur et homme de loi, souvent aux côtés de ses frères Ed et Jim. Il servit également comme officier de paix avec Wyatt à Dodge City, durant l’époque faste des convois de bétail. Bat avait déjà traversé des combats meurtriers, ayant tué un homme au cours d’un duel pour une femme et ayant reçu une blessure qui lui laissa une légère boiterie. Comme Wyatt, il privilégiait la confrontation physique avant d’en venir aux armes à feu. Ensemble, ils participèrent à plusieurs expéditions armées et contribuèrent à pacifier les villes de la frontière, que ce soit en duo ou séparément.
Un homme suffisamment robuste pour Dodge City… et pour New York
Wyatt poursuivit sa vie itinérante à travers l’Ouest américain, tandis que Bat Masterson s’installa à l’Est, où il devint un ami proche du président Theodore Roosevelt. Il divertissait ce dernier avec des récits de ses propres aventures et celles de ses amis, notamment Wyatt. Un de ses collaborateurs de presse, Stuart Lake, tenta alors de convaincre Wyatt de raconter ses exploits, ce qui donna naissance au livre Wyatt Earp, Frontier Marshall. Certains pensent que plusieurs épisodes attribués à Wyatt auraient en réalité concerné Bat, preuve de la confusion entre leurs parcours légendaires.
Bat se reconvertit en journaliste sportif et spécialiste de la boxe professionnelle pour le New York Morning Telegraph, tout en signant des profils de ses camarades de la frontière en 1907. À propos de Doc Holliday, ainsi qu’il l’écrivit : « Holliday avait un caractère rude et un tempérament incontrôlable ; sous l’emprise de l’alcool, il était un homme très dangereux. » Concernant Wyatt Earp, il nota : « La peur personnelle n’entre pas en jeu … Je crois qu’il accorde plus de valeur à son opinion de lui-même qu’à celle des autres. »
Wyatt Earp mourut tranquillement chez lui, sans jamais tomber dans un duel fatal. Bat Masterson eut une fin tout aussi discrète : en 1921, il fut retrouvé affaissé sur sa machine à écrire, en train d’achever sa chronique, victime d’une crise cardiaque à l’âge de 67 ans. Il laissa derrière lui sa veuve Emma et l’amitié profonde qui le liait à Wyatt Earp.
