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C’est un constat frustrant en plein été : malgré le beau temps et la chaleur, il devient parfois impossible de se baigner dans certaines zones. De nombreuses plages ferment régulièrement au cours de la saison estivale pour des raisons sanitaires, liées à la présence de bactéries dans l’eau. Principalement, il s’agit de germes issus des matières fécales, tels que Escherichia coli (E. coli) et les entérocoques intestinaux, dont la surveillance est assurée par les services de l’État. Cette problématique touche particulièrement les villes balnéaires du pourtour méditerranéen, où la qualité des eaux de baignade est une préoccupation importante.
Au début du mois de mai, l’association Eau et rivières de Bretagne a publié pour la deuxième année consécutive son classement « La Belle Plage », évaluant la qualité des plages selon des critères sanitaires stricts. Ce classement met en lumière la dégradation des littoraux, notamment en Bretagne mais également dans plusieurs stations méditerranéennes telles que Nice, Marseille ou Antibes, qui apparaissent en rouge ou orange, signalant des zones à risque ou déconseillées pour la baignade.
Défaillances techniques à l’origine de la pollution
En 2024, 1 445 plages recevaient un classement favorable, soit 77,94 % d’entre elles jugées « Recommandées » ou « Peu risquées ». L’année suivante, ce taux a baissé à 75,89 %. Si dans certaines régions cette dégradation provient de l’élevage intensif et des déjections animales, en Méditerranée, les causes majeures sont d’origine humaine.
Christophe Le Visage, vice-président de l’association, explique que de nombreuses villes possèdent un système d’assainissement non séparatif, où les eaux de pluie se mélangent aux eaux usées. Lors de fortes pluies méditerranéennes, souvent intenses et rapides, les réseaux d’évacuation sature les stations d’épuration, provoquant des débordements et contaminant ainsi les plages. Ces infiltrations peuvent également résulter de fuites dans les réseaux ou de stations d’épuration vétustes, laissant passer des eaux polluées.
L’impact du changement climatique sur la pollution de la Méditerranée
Au-delà des défauts techniques, le changement climatique constitue un facteur aggravant pour la qualité des eaux de baignade, en générant de nouveaux risques sanitaires. Alexandre Iaschine, directeur général de la Fondation de la mer, rappelle que la Méditerranée, en tant que mer semi-fermée, est particulièrement vulnérable et agit comme « laboratoire du changement climatique ».
Il évoque « un effet cocotte-minute » : plus la température de l’eau augmente, plus sa qualité se détériore. Les épisodes de canicule marine, observés plus tôt dans l’année qu’à l’accoutumée, favorisent le développement de micro-organismes pathogènes, notamment des bactéries du genre Vibrio, responsables d’infections et de maladies diarrhéiques.
Le réchauffement favorise également la prolifération de microalgues toxiques, telles que les ostreopsis, qui produisent la palytoxine, une neurotoxine dangereuse pour l’homme pouvant provoquer des irritations cutanées et respiratoires. Leur présence conduit souvent à des interdictions temporaires de baignade ou à des restrictions sur la consommation de produits de la mer.
Autre conséquence du réchauffement : le lessivage des sols par des orages plus fréquents et violents amplifie l’apport de bactéries humaines et animales dans la mer, dégradant davantage la qualité de l’eau. L’intensification de ces phénomènes climatiques appelle à une vigilance accrue face à la tropicalisation progressive de la Méditerranée, dont les impacts se feront sentir de manière tangible.
Mesures pour limiter la contamination
Face à ce constat, des actions sont mises en œuvre pour améliorer la qualité des eaux. Par exemple, autour de l’étang de Berre, une lagune saumâtre des Bouches-du-Rhône, la surveillance des eaux de baignade est réalisée depuis 2005. Pour limiter la fréquence des fermetures de plage, les autorités locales ont entrepris des travaux de réparation des réseaux d’eaux usées et des restrictions concernant la présence animale sur les plages.
Raphaël Grisel, directeur du GIPREB, souligne que le réchauffement climatique impose d’autant plus la nécessité d’éliminer les sources connues de contamination afin d’éviter une dégradation supplémentaire de la qualité de l’eau. Christophe Le Visage confirme : « L’eau de mer a toujours été un bouillon de culture, et le changement climatique risque de bouleverser cet équilibre. Il est urgent de maîtriser en priorité les contaminations bactériennes d’origine humaine et animale. »
Un classement révélateur de la situation
La qualité des eaux de baignade en France est réglementée par une directive européenne de 2006, qui remplace celle de 1976. Le classement est établi à la fin de la saison balnéaire en se basant sur les analyses des quatre dernières années, en évaluant la présence d’E. coli et d’entérocoques intestinaux. Ce suivi est assuré conjointement par les Agences régionales de santé et les gestionnaires des sites de baignade.
Christophe Le Visage critique toutefois la réglementation actuelle, jugeant les critères insuffisamment exigeants. Il relève que certaines plages fréquemment fermées conservent un classement « bon » ou « satisfaisant ». L’association Eau et rivières de Bretagne a donc développé sa propre méthodologie pour classer les plages plage par plage. Une plage est considérée comme à éviter si moins de 70 % des prélèvements sur quatre ans sont satisfaisants, tandis qu’elle est recommandée si plus de 95 % des analyses sont favorables.
Cette classification vise avant tout à fournir une information claire et transparente aux baigneurs, incitant à la prudence et à une gestion rigoureuse des eaux littorales pour préserver la santé publique et l’environnement.
