La défense repose en paix
Pour relier cette section à la partie précédente, voici le contexte qui permit l’un des épisodes les plus macabres du haut Moyen Âge. Le Pape Formose se trouve au cœur d’une crise qui illustre la décomposition morale et politique de son époque.
Le dernier tiers du IXe siècle vit l’Église plongée dans une décadence si profonde que certains historiens parlent de « pornocratie » : une période d’environ soixante ans marquée par meurtres, scandales et luttes de pouvoir internes.
Quelques éléments caractéristiques de cette ère :
- Des souverains pontifes aux mœurs scandaleuses, incarnant la corruption politique et morale.
- L’ascension de personnages tels que Sergius III (associé au début de cette période) et la réputation troublée de Jean XII.
- Un climat où les rivalités pour la papauté se réglaient parfois par la violence et les manœuvres douteuses.
Au cœur de cette tourmente historique se niche l’événement de 897 : le synode des cadavres, épisode grotesque où la dépouille du Pape Formose fut exhumée, accusée et condamnée.
Le contexte immédiat explique en partie l’absurdité du procès. L’autorité impériale de Charlemagne s’était effritée, laissant un espace de chaos politique en Europe occidentale. La lutte impitoyable pour le siège pontifical amplifia les rivalités personnelles et les vendettas.
Formose, alors évêque puis pape (891–896), était une figure influente. Accusé d’avoir enfreint la règle interdisant à un évêque de gouverner plusieurs sièges, il avait été excommunié par Jean VIII, mais la mort violente de ce dernier et la succession troublée des pontificats changèrent la donne.
Un an après la mort de Formose (décédé d’un accident vasculaire en 896), le pape Étienne VI décida de rouvrir l’affaire. Le déroulé du procès posthume, tel que rapporté par les chroniqueurs, fut d’une rare monstruosité :
- La dépouille fut exhumée et revêtue des ornements pontificaux.
- Placée sur un siège dans la basilique de San Giovanni in Laterano, elle fut confrontée aux accusations par le nouveau tribunal.
- La « sentence » fut prononcée : le cadavre fut déclaré coupable, trois doigts bénisseurs furent coupés, puis le corps fut jeté dans le Tibre.
Ce procès grotesque n’était pas seulement une vengeance personnelle : il symbolisait la manière dont les institutions religieuses pouvaient devenir le théâtre de règlements de comptes politiques, et il reste, dans l’histoire du Pape Formose, un exemple frappant de la violence rituelle et symbolique de l’époque.
Dans la suite de l’article, cette scène servira de point de départ pour analyser les conséquences politiques et religieuses du synode cadavérique.


