Benedict Arnold : motifs et circonstances de la trahison

Pour comprendre pourquoi Benedict Arnold a basculé, il faut d’abord replacer les faits dans leur contexte. Un monument inhabituel — la « Boot Monument » — commémore aujourd’hui la blessure à la jambe qu’il reçut à Saratoga et le qualifie même de « brillant soldat ». Pourtant, auprès de l’opinion majoritaire américaine, Arnold reste synonyme de trahison : il a en effet rompu avec les insurgés pour rejoindre les Britanniques, un acte perçu comme une double trahison par ses contemporains et par l’histoire.

Sur le plan militaire, Benedict Arnold était respecté : il s’était distingué à Québec et à Saratoga, où il porta des blessures graves — l’une d’elles le laissa boiteux et avec une jambe raccourcie. Malgré ces exploits, son sentiment d’injustice et d’offense personnelle grandit au fil de la guerre. Il se considérait souvent lésé, voyant d’autres officiers recevoir des honneurs ou des promotions qu’il estimait lui revenir.
Plusieurs facteurs convergèrent et finirent par le pousser vers les Britanniques :
- Blessures et réputation : ses succès sur le champ de bataille n’empêchèrent pas qu’il se sente injustement traité par ses pairs et par le Congrès.
- Ambitions contrariées : il fut fréquemment passé outre pour des promotions, alimentant un profond ressentiment.
- Liens familiaux : sa seconde épouse, Peggy, était la fille d’un loyaliste britannique, ce qui complexifia ses loyautés et ses priorités familiales.
- Pressions financières : les dépenses personnelles et des pertes durant la guerre l’avaient mis en difficulté ; l’offre d’argent et d’avantages par les Britanniques devint une tentation réelle.
- Dégoût politique : il finit par voir le Congrès comme inefficace, et certains scandales et campagnes de diffamation contre lui renforcèrent l’idée que la révolution était vouée à l’échec.
- Considérations humanitaires et stratégiques : certains contemporains notèrent qu’Arnold prétendait vouloir empêcher une guerre civile longue et coûteuse et qu’il voyait la clémence britannique envers les prisonniers comme préférable à certaines pratiques américaines.
Ces éléments — blessures, orgueil blessé, obligations familiales, difficultés financières et désillusion politique — s’articulèrent pour former la toile de fond d’une décision qui, pour Arnold, pouvait se justifier comme salvatrice. Cette lecture nuance l’image simpliste du traître, sans pour autant excuser l’acte.
