Histoire
Pour situer rapidement le personnage dans le fil historique : Tsutomu Yamaguchi est l’exemple singulier d’un civil pris dans la fureur des deux bombardements atomiques de 1945. Son parcours illustre à la fois la violence immédiate des explosions et les conséquences humaines à long terme.

Ingénieur naval de 29 ans employé par Mitsubishi Heavy Industries, Yamaguchi avait passé les mois précédents à Hiroshima pour travailler sur la conception d’un pétrolier de 5 000 tonnes. Le matin du 6 août 1945, il était sur le point de reprendre le bus pour le chantier lorsque, s’apercevant qu’il avait oublié son inkan (tampon personnel), il retourna le chercher — un simple détail qui le plaça au mauvais endroit au mauvais moment.
Alors qu’il se trouvait près d’un champ de pommes de terre, un B‑29 passa et la ville fut frappée par la bombe connue sous le nom de « Little Boy ». Yamaguchi vit l’avion larguer l’engin et décrivit l’éclair comme un « flash de magnésium ». Malgré une distance d’environ 3 kilomètres (1,8 mile) par rapport à l’épicentre, il fut projeté en l’air par l’onde de choc, tourna « comme une petite tornade » et perdit connaissance.
Au réveil, il découvrit une ville méconnaissable : une poussière si épaisse qu’elle assombrissait le ciel, des incendies partout et des victimes en nombre. Il souffrit de perforations du tympan et de brûlures si profondes que ses proches eurent du mal à le reconnaître. Il raconta plus tard qu’il n’entendait pas les cris humains, seulement le bruit de la ville en flammes, et qu’il vit des corps flotter sous les ponts comme des blocs de bois.
Déterminé à retrouver sa femme et ses enfants à Nagasaki, Yamaguchi rejoignit son bureau Mitsubishi où il retrouva deux collègues rescapés du bus du matin. Le trajet vers la gare fut un calvaire : routes obstruées par les flammes, cadavres partiellement fondus et même une traversée de rivière parmi les corps flottants. Il atteignit Nagasaki le 8 août, la veille de la nouvelle attaque.
- Date et lieu : Hiroshima — 6 août 1945 ; Nagasaki — 9 août 1945 (arrivée de Yamaguchi le 8 août).
- Profession : ingénieur naval, travaillait sur un pétrolier de 5 000 tonnes.
- Dégâts physiques immédiats : brûlures sévères, tympans perforés, perte de conscience après l’onde de choc.
- Survie paradoxale : présent pour les deux explosions, il survécut aux deux attaques.
Le 9 août, malgré ses blessures, Yamaguchi se rendit au travail pour expliquer ce qu’il avait vécu. Son supérieur mit en doute son récit, jugeant impossible qu’une seule bombe ait causé de tels dommages. Ce scepticisme fut interrompu lorsque la seconde bombe — dite « Fat Man » — s’abattit sur Nagasaki : l’explosion arracha même les bandages qui recouvraient ses brûlures, mais n’entraîna pas de blessures mortelles supplémentaires pour lui. Il réussit à retrouver sa famille, qui avait en grande partie échappé aux blessures immédiates.
Les conséquences sanitaires se révélèrent toutefois sur le long terme : des membres de sa famille, puis Yamaguchi lui‑même, développèrent des cancers au fil des décennies. Malgré tout, il survécut et mourut à l’âge de 93 ans. Cette histoire tragique et exceptionnelle souligne l’ampleur des dégâts causés par les armes nucléaires et la résilience humaine face aux pires atrocités du XXe siècle.
En transition vers la section suivante, nous examinerons maintenant les effets sanitaires et sociaux de ces bombardements sur les survivants et leurs communautés.
