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Autrefois considéré comme le graal de l’alpinisme, atteindre le sommet de l’Everest était l’apanage de quelques champions qui s’y préparaient pendant des années. Aujourd’hui, l’ascension attire bien plus de monde, mais elle demeure extrêmement dangereuse. L’histoire de l’Everest montre que le danger n’a pas diminué depuis 1953, année où Edmund Hillary et Tenzing Norgay sont les premiers à atteindre le toit du monde, et on ignore même si deux explorateurs disparus en 1924 ont réellement atteint le sommet.
Ce n’est pas seulement une chute
L’Everest culmine à plus de 8 848 mètres. Cette altitude pousse à croire que la chute est la principale cause de décès, mais ce n’est pas le cas: les avalanches restent la première cause. Le troisième motif est l’exposition ou le gel, qui concerne environ 11 % des décès, suivi par le mal aigu des montagnes. Autres causes regroupées — glace qui se décolle, accidents de corde, pneumonie ou noyade — totalisent une part non négligeable. Il est aussi surprenant que davantage de décès surviennent à la descente qu’à l’ascension, car la préparation des itinéraires demeure dangereuse. Au total, environ 120 personnes sont mortes sur les itinéraires et quelques-unes au camp de base ou lors d’évacuation. Personne n’est réellement à l’abri sur l’Everest.
Embouteillages
L’Everest reste l’un des lieux les plus isolés du monde et l’un des plus grands défis physiques; il faut 10 jours pour atteindre le camp de base au Népal, six semaines pour s’acclimater et neuf jours pour atteindre le sommet. Le coût total d’une expédition oscille autour de 30 000 €, avec un coût moyen proche de 65 000 €. Or, l’un des facteurs mortels les plus inattendus est le trafic pédestre. L’Everest moderne est une attraction touristique où, par jour idéal, des centaines d’alpinistes visent exactement le même point, obligeant à faire la queue. Attendre trop longtemps peut réduire l’oxygène disponible et mettre la vie en danger.
Des riches inexpérimentés
Il existe deux camps de base pour atteindre l’Everest: Népal et Tibet (Chine). Jusqu’en 1985, Népal limitait les expéditions par itinéraire et imposait des permis coûteux : environ 11 000 €. Cela représente une source importante de revenus pour le Népal, où l’industrie de l’escalade pèse des centaines de millions d’euros chaque année. L’État n’avait aucune intention de réduire ce chiffre, même après avoir enregistré le plus grand nombre de permis en 2019. Le problème tient aussi au profil des bénéficiaires : aucune exigence physique officielle n’est imposée et peu de contrôles assurent une sélection rigoureuse, ce qui conduit à des opérateurs axés sur le coût plutôt que sur la sécurité. Cela se traduit par davantage d’alpinistes peu expérimentés sur le granite du sommet et, par conséquent, par plus de risques pour tous. Des critiques soulignent aussi des soupçons de corruption et des règles de sécurité laxistes.
Une fenêtre très, très étroite
On pourrait croire que le meilleur moment pour visiter l’Everest serait l’été, mais la véritable fenêtre se situe en mai, entre la saison des tempêtes et la mousson. Même dans des conditions qualifiées d’idéales, le climat reste rude: à base camp, les températures diurnes plafonnent autour de 15 °C et la nuit peuvent geler. La montée vers le sommet est suivie d’un recul brutal des températures et de vents, et même dans des conditions “idéales”, des phénomènes climatiques ponctuels — comme des jours de ciel bleu — peuvent être fatals lorsque la météo se dégrade brutalement.
À 7 620 mètres, on commence déjà à mourir
Quel que soit l’entraînement, dès un certain niveau d’altitude, le risque de mort augmente fortement. À environ 7 620 mètres, l’organisme ne peut plus traiter efficacement l’oxygène, et les muscles se dégradent, les liquides s’accumulent autour des poumons et du cerveau, et les capacités cognitives diminuent. Cette “zone de la mort” est le théâtre de crises cardiaques, d’AVC et du mal des montagnes sévère, avec des symptômes tels que toux persistante, perte de souffle et altération des fonctions cérébrales. Le traitement principal est une descente rapide et prudente.
Quand on peut à peine s’aider soi-même, on ne peut aider les autres
En zone de mort, l’aide aux autres devient quasi imposible: les personnes blessées ou en détresse manquent souvent des capacités physiques nécessaires pour porter secours à autrui. Aider autrui peut alors mettre en jeu votre propre vie et celle des autres, et chacun se retrouve dans un dilemme difficile à résoudre sur le terrain.
La fièvre du sommet peut tuer — vous et les autres
Le phénomène de la fièvre du sommet échappe à une simple explication : l’ego et le coût élevé, égalant celui d’un SUV de luxe, peuvent conduire à des décisions irrationnelles. Des alpinistes ayant passé des années à se préparer peuvent refuser d’admettre qu’ils ne sont pas en mesure d’aller jusqu’au bout, privilégiant l’accès au sommet au détriment de leur vie et de celles des autres. Cette quête obsessionnelle peut devenir une partie de l’identité même de certains grimpeurs et les amener à ignorer des alternatives sûres comme faire demi-tour lorsque l’oxygène manque.
Bonne vieille chute mortelle
Les chutes restent fréquentes sur l’Everest, même parmi les plus expérimentés. Des accidents de cordes et des chutes dans des crevasses ont par exemple coûté la vie à des sherpas et des grimpeurs. L’Everest peut encore dicter sa loi lorsque l’individu est confronté à la vitesse d’un manque d’adhérence et à la vitesse du terrain changeant.
Green Boots pourrait être victime de la fièvre du sommet
La figure la plus célèbre associée à l’Everest est Green Boots, nom donné à des restes humains portant une paire de bottes vives, qui servaient autrefois de repère pour les alpinistes sur la zone de mort. L’identité exacte de celui qui serait Tsewang Paljor reste incertaine. Des rumeurs circulent selon lesquelles quelqu’un aurait déplacé le corps en 2014, mais le mystère persiste sur les raisons et l’identité. Ce cas illustre comment certains grimpeurs poursuivent l’ascension malgré les avertissements, et comment les restes humains peuvent devenir des repères sur le chemin du sommet.
David Sharp est mort après que plus de quarante grimpeurs sont passés sans s’arrêter
Le décès du Britannique David Sharp demeure l’un des épisodes les plus controversés des tragédies de l’Everest. Malgré son état critique, de nombreux grimpeurs ont poursuivi leur chemin. On explique que les personnes en zone de mort ne peuvent être sauvées dans les conditions extrêmes, et que Sharp était seul, sans l’aide d’un Sherpa ni de radio. Cette affaire a alimenté les débats sur l’éthique sur les lieux et souligné les limites humaines dans la zone de mort.
Sergei Arsentiev est mort après être remonté vers le sommet pour aider sa femme
Francys Arsentiev souhaitait être la première femme à atteindre le sommet sans oxygène supplémentaire. Après avoir atteint le sommet, son état s’est rapidement détérioré pendant la descente et elle a été séparée de son mari, qui s’est mis à sa poursuite avec de l’oxygène et des secours. Il est probable qu’il ne l’ait jamais retrouvée. Sergei est décédé par la suite et son corps a été retrouvé un an plus tard.
Marco Siffredi est mort en dévalant Everest à skis/snowboard
Beaucoup de décès sur l’Everest ne résultent pas d’un comportement téméraire délibéré; toutefois, Marco Siffredi est mort après avoir fait du snowboard en descendant le massif. Il avait déjà snowboardé l’Everest auparavant, mais sur une autre portion, et est revenu l’année suivante pour atteindre le sommet et redescendre. Un jour, on a signalé des traces de snowboard à des endroits où elles n’étaient pas repérées, et la théorie dominante est une avalanche qui l’a tué. Son corps n’a jamais été retrouvé.
Le mal des hautes altitudes peut entraîner confusion et dommages cérébraux
À haute altitude, certains alpinistes développent le énigmatique œdème cérébral lié à l’altitude (HACE), caractérisé par fatigue, confusion et coordination altérante. Des hypothèses avancent soit une pression accrue dans le crâne, soit des lésions cellulaires liées au manque d’oxygène. Entre 0,5 % et 1 % des personnes montant au-delà de 4 000 mètres peuvent développer une forme de HACE; le risque est plus élevé chez les jeunes hommes, et un staff de risque élevé inclut une ascension rapide sans périodes d’adaptation suffisantes et un historique de HACE ou de mal des montagnes.
La quatrième femme à atteindre le sommet fut aussi la première à mourir là-bas
Dans un monde où les postes de direction ont longtemps été détenus par des hommes, certaines femmes prennent le combat en main. Junko Tabei a ouvert la voie et Lhakpa Sherpa a escaladé l’Everest à plusieurs reprises, mais Hannelore Schmatz demeure le cas tragique le plus emblématique: la quatrième femme à atteindre le sommet est aussi la première à y laisser la vie. En 1979, Schmatz et son mari, tous deux alpinistes expérimentés, tentent l’ascension; elle meurt peu après la descente, et son corps reste sur la montagne pendant des années.
Votre corps restera probablement sur la montagne
En cas de décès sur l’Everest, votre corps est très probablement laissé sur place. Le coût et le risque liés à la récupération dissuadent les tentatives, et des incidents comme la chute du Népalais et d’un policier lors d’une tentative de récupération en 1984 illustrent l’impossibilité pratique d’extraire certains dépouilles. Beaucoup de corps restent gelés dans les glaciers, servant parfois de repères pour ceux qui poursuivent leurs tentatives.
Faire l’ascension une fois ne garantit pas le succès futur
L’ascension de l’Everest est parfois présentée comme une expérience « unique dans une vie », mais pour les plus passionnés, et pour les Népalais dont l’économie et les cultures restent liées à la montagne, réussir une première ascension ne garantit pas succès ou survie lors des tentatives ultérieures. L’exemple de Babu Chiri illustre les performances hors du commun et les risques extrêmes: il a escaladé l’Everest dix fois, a défié des conditions extrêmes et est mort lors d’un accident lors d’une tentative répétée. Sa famille et le pays ont exprimé leur deuil face à une perte marquant l’ensemble de la nation.
Même approcher l’Everest est difficile
L’environnement de la montagne est hostile; même pour ceux qui s’accliment, la région alentour reste difficile à appréhender. Des pionniers comme Alexander Kellas, qui travaillaient sur les effets de l’altitude, sont morts lors des tentatives d’approche, peu avant d’atteindre les abords visibles du massif. Jusqu’en 1920, Kellas participa à de nombreuses expéditions et rêvait d’ouvrir la voie à une ascension. Son décès a été gravé dans la mémoire des alpinistes, aux côtés des premiers Westerners qui perdirent la vie en tentant l’Everest.
Des germes vous attendent
Le Mont Everest, situé loin de tout, accueille une population de base camp dense et sujette aux maladies. En 2019, une épidémie de grippe a touché le camp de base et des évacuations ont eu lieu. En 2021, la COVID-19 est arrivée au camp; son expansion est inévitable compte tenu des repas partagés et de la promiscuité. Les diarrhées restent une menace sérieuse et l’insalubrité relative des sources d’eau dans les zones reculées du Népal favorise la transmission des infections. La proximité et le flux constant de visiteurs augmentent les risques sanitaires, malgré les efforts des professionnels de santé qui viennent traiter alpinistes et personnel local.
Avalanches
Les avalanches, comme les sables mouvants et les passages secrets, font partie des dangers de l’Everest: des chutes soudaines de neige et de glace peuvent emporter des alpinistes sans avertissement. Les chutes de blocs et les seracs qui se détachent constituent des risques propres à l’environnement glaciaire, et les conditions annuelles influent fortement sur le risque d’avalanche. Les années 2014 et 2015 ont été particulièrement meurtrières, 2014 voyant 16 guides morts dans un seul événement, et 2015 marquant l’impact d’un tremblement de terre et de ses répliques sur le camp de base.
Des soins médicaux — aussi bons que possible compte tenu des conditions
La zone autour du camp de base dispose de professionnels et de personnel qualifié qui font de leur mieux avec les moyens disponibles. Le froid, l’altitude, l’isolement et le terrain imposent des défis extrêmes: les ressources viennent en yaks lorsque c’est possible et des secours par hélicoptère restent dépendants des conditions météorologiques. L’alimentation en énergie est solaire et les installations peuvent être précaires, rendant l’hygiène et les soins difficiles dans un cadre aussi isolé. Dans de nombreux cas, les blessés ou malades doivent être transférés vers des structures mieux équipées à des altitudes plus basses, ce qui profite aussi au personnel local qui bénéficie d’un accès accru aux soins.
Blizzards
La survie sur l’Everest dépend aussi de la météo et de la capacité à manœuvrer rapidement dans des conditions de tempête. Une tempête peut immobiliser les grimpeurs et rendre l’ascension et la descente encore plus dangereuses, avec une visibilité réduite et des vents violents. Le jour le plus meurtrier de ces tempêtes est resté gravé dans les mémoires — une tempête de mai 1996 a coûté la vie à plusieurs personnes et a fortement marqué les années qui suivirent, alors que l’afflux de grimpeurs et les permis plus nombreux avaient déjà étiré les capacités des guides et des équipes.
