Dans l’univers de la musique country, plusieurs figures féminines ont profondément marqué le genre, rivalisant en influence avec les pionniers masculins. Loretta Lynn, née Loretta Webb, est l’une d’elles. Originaire du Kentucky, elle a su transmettre à travers ses chansons la dureté de sa vie, ouvrant la voie à un regard authentique sur l’existence des femmes dans cette région américaine.
Comme beaucoup de femmes de son époque et de sa région, notamment dans les Appalaches, Loretta s’est mariée très jeune, à Oliver « Doolittle » Lynn. Si son autobiographie évoque ses 13 ans au moment des noces, des documents officiels attestent qu’elle avait environ 16 ans lorsqu’elle épousa « Doo » en 1948, qui était de six ans son aîné. Leur union fut marquée par une complexité profonde, mêlant amour, tensions et comportements violents. Doolittle, à la fois infidèle et abusif, offrait aussi des moments de soutien sincère. Malgré une séparation brève au début de leur mariage, Loretta resta à ses côtés jusqu’à son décès en 1996.
La réalité du mariage révéla rapidement les difficultés. Quelques mois après leur union, Doolittle montra peu d’engagement, allant jusqu’à ramener Loretta, alors enceinte, chez ses parents pour partir à la conquête d’autres femmes. Leur réconciliation ne tarda pas, mais Loretta perdit rapidement patience face aux infidélités de son mari.
Cela inspira notamment son célèbre titre « Fist City », né d’une confrontation avec une femme qui montrait de l’intérêt à son époux durant ses concerts. Loretta confia avoir averti la rivale avec fermeté que la situation ne se terminerait pas sans altercation physique.
Malgré ses menaces, les incartades de Doolittle se poursuivirent. Il n’hésitait pas à tromper Loretta même en son absence, allant jusqu’à inviter ses maîtresses dans leur propre domicile. Elle expliquait qu’elle supportait cette situation avant tout pour leurs six enfants. Ces expériences douloureuses nourrirent une grande partie des chansons de Loretta, toutes imprégnées de la réalité de son couple, même si Doolittle ne reconnut jamais les allusions à sa personne.
Au-delà des infidélités, l’alcoolisme de Doolittle introduisit une violence toxique dans leur foyer. Loretta confia à plusieurs occasions avoir préféré éviter de rentrer chez elle tant la situation devenait insoutenable. La violence domestique fut une réalité cruelle de leur mariage, avec des épisodes fréquents où Doolittle la frappait. Cependant, Loretta ne restait pas passive face à ces agressions et ripostait avec fermeté, envenimant parfois la situation au point d’en faire un sujet presque anecdotique dans leur relation conflictuelle.
Malgré ce tableau aigre-doux, leur relation s’appuyait aussi sur un soutien mutuel et un amour indéniable. Loretta a souvent reconnu que sans l’impulsion de Doolittle, qui lui acheta sa première guitare et la poussa à se produire sur scène, sa carrière légendaire n’aurait jamais vu le jour. Ensemble, ils parcoururent les États-Unis pour tenter de faire connaître son premier hit, « I’m a Honky Tonk Girl », vivant parfois dans la précarité la plus totale. Un geste symbolique marque cette période : le jour de ses débuts au Grand Ole Opry, Doolittle lui acheta des beignets, témoignage simple mais précieux du soutien qu’il lui apportait.
Dans les années 1990, alors que la carrière de Loretta continuait de prospérer, la santé déclinante de Doolittle lui força une pause pour le soigner jusqu’à sa mort en 1996, victime de complications liées au diabète et à des troubles cardiaques. Cette perte fut un choc profond pour la chanteuse, alors dans la soixantaine, qui continua de ressentir son absence plus d’une décennie après.
Sa fille Patsy Lynn a évoqué l’état d’esprit de sa mère : une peine persistante, semblable à une absence temporaire, comme si Doolittle était parti en longue « vacance ». Loretta elle-même déclara voir l’image de son époux partout où elle allait, témoignant de la force du lien qui les avait unis, malgré toutes les difficultés.