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On pourrait qualifier Belle Gunness de « veuve noire » de la fin du XIXᵉ siècle. Née en Norvège, cette tueuse en série est soupçonnée d’avoir assassiné au moins 14 personnes, et peut-être jusqu’à 40, entre Illinois et Indiana, aux États-Unis. Si elle a bien tué deux de ses maris, ce n’était pas sa seule cible : on lui attribue également la disparition de ses propres enfants, d’une belle-fille adoptive et de nombreux hommes qu’elle attirait à sa ferme grâce à des annonces matrimoniales.
Selon les archives, Belle Gunness est née Brynhild Paulsdatter Strseth le 11 novembre 1859 à Selbu, en Norvège. Elle émigra aux États-Unis en 1881, apparemment en quête de richesse, et épousa son premier mari, Mads Albert Sorenson, à Chicago en 1884. Peu après leur mariage, leur magasin de bonbons et leur domicile furent incendiés, leur permettant d’encaisser une assurance. Sorenson mourut peu après d’une crise cardiaque « le jour même où ses deux polices d’assurance vie se chevauchaient ». Belle déclara qu’il était rentré souffrant d’un mal de tête ; elle lui avait donné de la quinine et préparé le dîner. À son retour, elle le trouva mort. L’enquête demandée par la famille ne fut jamais menée. De plus, deux enfants du couple moururent en bas âge, et certains suspectent Belle d’avoir empoisonné ses propres enfants pour toucher les assurances.
Un second mari retrouvé mort dans des circonstances étranges
Après avoir utilisé l’argent de l’assurance pour acheter une ferme à La Porte, dans l’Indiana, Belle épousa Peter Gunness, veuf. Une semaine après leur union, la fille aînée du couple mourut à sept mois, puis quelques mois plus tard, Peter décéda « dans un accident étrange » : une machine à saucisses tomba d’une étagère et lui asséna un coup fatal à la tête. Le coroner exprima des soupçons, mais aucune poursuite ne fut engagée.
En 1905, Belle commença à publier des annonces dans les journaux norvégiens : « Veuve séduisante propriétaire d’une grande ferme dans l’un des plus beaux districts du comté de La Porte, Indiana, recherche un gentleman également nanti pour une union de fortunes. Aucune réponse par courrier sauf si le prétendant est prêt à venir en personne. S’abstenir les faux-culs. » Ces annonces eurent un vif succès, recevant parfois jusqu’à huit réponses par jour.
Une longue liste de victimes
D’après Harold Schechter, auteur de true crime, Belle savait repérer ses proies : des hommes norvégiens solitaires, coupés de leurs familles, qu’elle séduisait avec la promesse de la cuisine norvégienne et d’une vie confortable à la ferme. Elle entretint une correspondance de 18 mois avec Andrew Helgelien, d’abord professionnelle puis romantique, ornée de déclarations passionnées. Helgelien arriva à la ferme en janvier 1908, déposa une forte somme à la banque et la réclama en liquide quelques jours plus tard. Ce fut la dernière fois qu’on le vit vivant.
D’autres hommes répondant aux annonces et apportant de l’argent disparurent également, comme George Berry, Christian Hilkven, Emil Tell, Ole Budsberg ou John Moe, avec des sommes allant jusqu’à 2 000 dollars, une fortune pour l’époque.
Le rôle trouble de Ray Lamphere
En juillet 1907, Belle embaucha Ray Lamphere comme ouvrier agricole ; ils devinrent amants. Mais Lamphere, trop pauvre, fut rapidement mis à l’écart au profit d’Helgelien. Renvoyé après une dispute, il harcela Gunness, contraignant la tueuse à réclamer l’intervention de la police et à tenter de le faire déclarer fou. Quelques semaines après, Andrew Helgelien disparut mystérieusement, suscitant l’inquiétude de son frère Asle. Ce dernier contacta Belle, qui répondit qu’Andrew était parti à Chicago et avait demandé à être laissé tranquille, alimentant de lourds soupçons.
La ferme Gunness détruite par un incendie
Le 27 avril 1909, Belle confia à son avocat qu’elle craignait pour sa vie, invoquant Lamphere comme menace potentielle et souhaitant préparer son testament. Le lendemain, sa ferme fut ravagée par un incendie. Trois de ses enfants périrent dans les flammes et un corps féminin, retrouvé sans tête, fut supposé être celui de Gunness. Ray Lamphere fut arrêté et accusé d’incendie criminel et de meurtre. Pendant que les habitants fouillaient les ruines à la recherche de la tête manquante, ils découvrirent de nombreux membres humains, dont ceux de son fils adoptif Jenny Olsen, que Belle prétendait avoir envoyé à l’école en Californie.
La maîtresse au château de la mort
Rapidement, la presse surnomma Belle Gunness « l’ogresse de l’Indiana », « la goule de La Porte », « la maîtresse du château de la mort » ou encore « la princesse des enfers ». La police retrouva plus de onze sacs remplis de morceaux de corps humains enterrés sur la propriété. La ferme devint une attraction macabre, attirant jusqu’à 20 000 curieux venus assister aux fouilles.
Si le corps découvert n’était pas celui de Belle, celle-ci courrait toujours. Des témoignages surgirent de tout le pays, mais le 19 mai, les autorités identifièrent une prothèse dentaire appartenant à Gunness parmi les débris, concluant l’enquête. Lamphere fut finalement relaxé des accusations de meurtre mais condamné pour incendie, mourant plus tard de la tuberculose.