Histoire
Imaginez la scène : une ambiance conviviale dans un bar, entre amis et devant un match, quand soudain une femme imposante surgit, brandissant une hache et prêchant des valeurs de sobriété. Cette image originale illustre parfaitement l’impact de Carrie Nation, figure emblématique du mouvement de tempérance, qui, il y a plus d’un siècle, a littéralement pris les choses en main pour lutter contre les abus liés à l’alcool.
Née Carrie Amelia Moore dans le comté de Garrard, dans le Kentucky, le 25 novembre 1846, sa jeunesse fut marquée par la pauvreté et des problèmes de santé, aggravés par les troubles psychologiques rencontrés par sa mère. Durant les années 1860, alors que sa famille vivait dans le Missouri, Carrie épousa Charles Gloyd, un médecin ancien soldat de l’Union, avec qui elle eut une fille, Charlien. La découverte du problème d’alcoolisme de son mari et son décès, attribué à une intoxication alcoolique sévère, accentuèrent sa détermination à se dresser contre l’ivresse.
Après avoir vendu quelques biens, elle s’installa à Holden, dans le Missouri, obtint son diplôme d’enseignement et reprit peu après les chemins du militantisme en se remariant avec David Nation, un journaliste et avocat. Ensemble, ils quittèrent le Missouri pour s’établir au Texas en 1877, où Carrie, animée par une foi profonde, commença à faire des rêves et visions marquants, annonçant une nouvelle ère dans son engagement réformateur.
En 1889, le couple s’installa au Kansas lorsque David fut invité à prêcher à Medicine Lodge, une petite ville où Carrie prit son envol dans le mouvement de la tempérance. À la tête de la branche locale de l’Union chrétienne de tempérance, elle organisa des manifestations pacifiques : chants religieux et prières accompagnant ses vigiles devant les bars clandestins, qui furent peu à peu contraints de fermer leurs portes.
Pourtant, l’image que l’histoire retient majoritairement de Carrie Nation est celle d’une femme déterminée à faire tomber des établissements alcoolisés par la force de la hache. En 1901, à Topeka, une altercation fit entrer dans la légende cette militante qui, munie d’un outil prêté, s’empara d’une hache pour démolir les lieux servant l’alcool. Se décrivant elle-même comme « un bulldog courant aux pieds de Jésus », elle utilisa la destruction des biens privés comme moyen impérieux de transmettre son message et de lutter contre ce qu’elle considérait comme une menace pour l’âme de la société.
Elle fut ainsi récompensée par une médaille dorée attribuée par l’Union de tempérance du Kansas et devint une véritable célébrité malgré les nombreuses arrestations et violences subies. Parallèlement à sa croisade anti-alcool, Carrie Nation défendit également d’autres causes, notamment le droit de vote des femmes, estimant qu’une voix féminine n’aurait pas eu besoin de recourir à la violence pour être entendue.
Au cours de ses dernières années, après s’être adaptée à une vie marquée par des engagements divers comme la vente de bibelots en étain en forme de hache et des conférences publiques, elle s’installa à Eureka Springs, dans l’Arkansas, où elle acquit une maison transformée ensuite en musée. C’est à ce moment que, lors d’une allocution, elle confia, d’une voix affaiblie, « J’ai fait ce que je pouvais » avant de s’effondrer sur scène. Emprisonnée dans un hôpital au Kansas, Carrie Nation s’éteignit le 9 juin 1911, laissant derrière elle une légende faite de combats et de controverses.
Bien que sa méthode extrême ait divisé l’opinion, son audace et son engagement restent gravés dans l’histoire américaine, illustrant la force d’une femme déterminée à défendre ses convictions contre vents et marées.