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La riche mythologie d’Hermès
Le dieu grec Hermès, connu sous le nom de Mercure chez les Romains, est instantanément reconnaissable grâce à ses célèbres sandales ailées et son chapeau à larges bords, presque en forme de bol. Que ce soit sur un logo livrant des fleurs ou comme inspiration pour l’original du super-héros Flash, Hermès évoque des notions indélébiles de vitesse et de livraison fiable.
Mais que dit réellement la mythologie sur Hermès ? Presque tout laisse à penser qu’il n’était pas simplement le dieu de la livraison floral ou des chapeaux élégants. Alors, quel était son véritable domaine de compétence ? Les messages ? La course rapide ? En réalité, Hermès portait de nombreux chapeaux (figurativement parlant), accomplissant bien plus que simplement transmettre des télégrammes pour Zeus. Son influence s’étendait à de nombreux domaines, incluant les bergers, les athlètes, les rhéteurs, les voleurs, ainsi que les marchands. Plus tard, il a même fasciné les alchimistes et les magiciens. Poursuivez votre lecture pour découvrir les récits que les Grecs et les Romains avaient à raconter sur ce déité aux pieds ailés.
Que représente véritablement Hermès ?
Dans l’apprentissage de la mythologie gréco-romaine, Hermès est souvent présenté comme le messager des dieux. Cependant, cette désignation apparait plus comme un titre fonctionnel que comme un véritable domaine divin tel que l’amour, la guerre ou la foudre. Peut-on véritablement le considérer comme le dieu de la livraison ou de la rapidité ? En partie, oui, mais son rôle est bien plus complexe.
Selon les sources mythologiques, Hermès exerce son influence sur de nombreux aspects : les voyageurs, les routes, le vol, la langue, les commerçants et les athlètes, pour n’en nommer que quelques-uns. Cette diversité devient plus compréhensible lorsque l’on envisage Hermès comme l’être le plus rapide, chaussé de ses célèbres sandales ailées. Cependant, il peut sembler que ses attributions recouvrent une gamme hétéroclite de fonctions.
Pour véritablement saisir l’essence d’Hermès, il est essentiel d’explorer ses origines mythologiques. Le nom Hermès dérive probablement du mot grec « herma », qui désignait un marqueur de frontière, généralement représenté sous la forme d’un pilier rectangulaire coiffé d’une tête barbu de dieu et sans autres membres. Cela nous amène à comprendre qu’Hermès incarne l’idée d’un dieu qui traverse les frontières, ce qui permet d’éclairer ses associations avec le voyage, le commerce, la langue, et même le sommeil et la mort.
Hermès, Mercure et Odin
Les Romains ont identifié le dieu que les Grecs appelaient Hermès avec leur propre dieu Mercurius, ou Mercure, un nom qui vient du mot latin merx, signifiant « marchandise », en raison des liens du dieu avec les commerçants et les voleurs. Cela signifie que le nom Mercure est lié à d’autres mots anglais tels que commerce, marchand et marché. La planète la plus proche du soleil a été nommée Mercure en raison de sa rapide trajectoire à travers le ciel, résultant de sa petite orbite. L’élément métallique liquide, également appelé mercure, a par la suite été nommé d’après la planète en raison de sa mobilité fluide, semblable à la vitesse de cette dernière.
Dans les langues romanes telles que le français, l’italien et l’espagnol, le mercredi est nommé d’après le dieu Mercure : mercredi, mercoledi et miercoles, respectivement. Les jours de la semaine sont nommés d’après le soleil, la lune et les cinq planètes non terrestres visibles à l’œil nu, ce qui explique pourquoi Mercure a son jour. Le nom de « mercredi » en anglais soulève cependant une question. Vous savez peut-être que ce mot signifie « jour d’Odin », tout comme le jeudi signifie « jour de Thor ». Lorsque les noms des jours de la semaine ont été établis en anglais, les noms des dieux germaniques considérés comme les plus proches des dieux gréco-romains qu’ils remplaçaient ont été choisis. Étant donné qu’Odin et Mercure sont tous deux des dieux des voyageurs, de l’éloquence, des morts et portant des chapeaux mous, Odin s’est vu assigner le jour de Mercure.
Savoir reconnaître Hermès
Dans une culture comme celle de l’Europe pré-moderne, où la littératie pouvait être rare, il était crucial pour ceux qui ne savaient pas lire de reconnaître leurs dieux à travers l’art et les artefacts religieux, évitant ainsi de sacrifier accidentellement à la mauvaise divinité. Étant donné qu’il était impossible d’étiqueter les bustes ou les fresques, les représentations des dieux devaient être suffisamment claires pour identifier la divinité représentée. C’est ainsi que chaque dieu a développé une iconographie distincte. Hermès se démarque particulièrement, affichant l’une des iconographies les plus fascinantes parmi tous les dieux.
Comme l’explique Theoi.com, peut-être l’élément le plus distinctif que l’on puisse voir chez Hermès est sa baguette magique de voyageur, connue sous le nom de kerykeion en grec et de caducée en latin. Il est généralement vêtu en voyageur, portant une tunique à mi-mollet recouverte d’un court manteau appelé chlamys, ainsi qu’un chapeau à large bord nommé pétase. Cependant, il est surtout connu pour ses sandales ou bottes ailées, qui lui permettent de voler rapidement pour transmettre les messages des dieux. Sa baguette et son chapeau sont également souvent représentés avec des ailes. Un animal qui lui est associé, et qu’il est souvent représenté avec, est la tortue, ce qui est assez ironique pour ce dieu à la foulée rapide.
La naissance d’Hermès
Dans la mythologie grecque, il est généralement admis qu’Hermès est le fils de Zeus, le roi des dieux, connu pour être le père de la majorité des êtres sentients de la mythologie gréco-romaine. Sa mère, en revanche, reste moins connue. Selon les récits, Maia, l’une des sept filles du Titan Atlas et de la nymphe marine Pléione, est la mère d’Hermès. Ces sept sœurs sont connues sous le nom de Pléiades, un terme qui désigne également un célèbre amas d’étoiles.
Hermès est souvent désigné par l’épithète Atlantiades, qui signifie « fils ou descendant d’Atlas », soulignant ainsi son lien avec ce Titan qui soutient le ciel. Le « Hymne homérique à Hermès » décrit Maia comme une déesse discrète, évitant la compagnie des autres dieux en se cachant dans une grotte profonde et sombre au sein du mont Cyllène, où vivaient les Pléiades. Le seul dieu au courant de sa présence était Zeus, qui venait la rejoindre en cachette pendant que son épouse Héra dormait.
Cette situation singulière mena inévitablement à la naissance d’Hermès, un bébé aux talents multiples. Le même hymne le décrit comme « un fils, aux multiples ruses, rusé avec douceur, un voleur, un conducteur de troupeaux, un porteur de rêves, un veilleur de nuit, un voleur aux portes. » En effet, dès le lendemain de sa naissance, ce dieu vénéré se révélait être un maître des stratagèmes.
Faire des siennes dès le premier jour
Dès l’âge de quelques heures, le jeune Hermès s’illustre par son esprit espiègle. Ayant échappé à la vigilance de sa mère, il se dirige vers Pieria, où il découvre et dérobe cinquante des vaches sacrées de son demi-frère Apollon. Pour brouiller les pistes, Hermès fait marcher les vaches en arrière et confectionne des souliers en bois pour effacer ses empreintes. Après avoir caché le troupeau dans une petite grotte, il en sacrifie deux, inventant ainsi la technique du feu par friction. Pourtant, Apollon parviendra finalement à retrouver ses vaches grâce à un berger indiscret et, malgré les pleurnicheries d’Hermès qui se fait passer pour un « bébé innocent », il se retrouve devant leur père, Zeus, pour rendre des comptes.
Ce jour-là, Hermès fit également une rencontre fortuite avec une tortue, qu’il trouva particulièrement drôle. La légende raconte qu’il a vidé l’animal de ses entrailles pour créer une lyre, instrument emblématique des Grecs anciens. Hermès offrit la lyre à Apollon, le dieu de la musique, qui accepta avec plaisir et permit à Hermès de garder ses vaches, scellant ainsi une amitié inattendue.
La lutte contre le monstre aux yeux
En dehors de ses facéties juvéniles, Hermès est souvent dépeint dans la mythologie comme un acolyte, un assistant ou un compagnon de voyage de son père Zeus, plutôt que comme un protagoniste solitaire. L’une des histoires les plus notables illustre l’origine de l’un des surnoms les plus célèbres d’Hermès, Argeiphontes. Selon les récits grecs, Zeus tomba éperdument amoureux d’une princesse nommée Io et descendit sur Terre pour passer du temps avec elle. Cependant, son épouse, Héra, devint rapidement suspicieuse et voulut comprendre ce que Zeus était en train de faire.
Pour cacher ses infidélités, Zeus transforma précipitamment Io en une belle vache blanche, prétendant qu’il avait offert cet animal exceptionnel à Héra. Feignant de le croire, Héra le remercia pour ce cadeau inattendu, mais mit en place un gardien destiné à protéger ce précieux présent, en réalité pour empêcher Zeus de rendre à Io son apparence initiale. Ce gardien était le monstre Argos, dont le corps était recouvert de 100 yeux, qui se relayaient pour veiller sans relâche.
Zeus appela Hermès à la rescousse, et ce dernier parvint à endormir Argos avec une litanie d’histoires fascinantes. Une fois Argos profondément endormi, Hermès profita de l’occasion pour le tuer, acquérant ainsi le surnom d’Argeiphontes ou « tueur d’Argos ». En hommage à son fidèle serviteur, Héra préserva les yeux d’Argos en les plaçant sur la queue de son oiseau sacré, le paon.
Le bâton d’Hermès n’est pas pour les médecins
Un des attributs les plus emblématiques d’Hermès est son bâton, connu sous le nom de caduceus. Ce bâton, ou baguette, était désigné par les Grecs comme le kerykeion, ou la baguette de l’héraut, et apparaît dans les représentations artistiques d’Hermès dès le VIe siècle av. J.-C. Dans les premières représentations, ce simple bâton ou branche était souvent enroulé de rubans ou de couronnes, mais avec le temps, ces éléments ont été interprétés comme des serpents, probablement en raison des associations anciennes entre les serpents et le pouvoir divin, ou bien à cause de la vitesse apparente des serpents sinuants. Quoi qu’il en soit, ce bâton, auquel de nombreux mythes attribuent une capacité magique d’endormir ou de réveiller, est devenu un symbole de paix grâce à son lien avec le dieu des messagers et des diplomates.
Cependant, à l’époque moderne, le caduceus d’Hermès est le plus souvent considéré comme un symbole de la profession médicale, apparaissant sur le symbole des corps médicaux américains, dans de nombreuses pharmacies et autres services médicaux. Cela s’explique par une confusion entre la baguette d’Hermès et le bâton d’Asclépios, le dieu de la guérison, qui est enroulé d’un seul serpent. Cette confusion est évidente – un serpent contre deux serpents – mais il y a une certaine ironie dans le fait que l’industrie médicale ait accidentellement adopté comme symbole celui du dieu des voleurs et du commerce.
Les amours et enfants fameux d’Hermès
Selon les mythes antiques, Hermès n’a jamais été marié, mais cela ne signifie pas qu’il n’a pas eu de nombreux amants. À l’instar de son père et de ses demi-frères, il a eu plusieurs enfants avec ces partenaires. Bien que tous ne soient pas célèbres, il compte néanmoins plusieurs consorts et descendants notables. D’après les récits de la mythologie grecque, l’un de ses fils les plus renommés est le dieu Pan, à pattes de chèvre, le patron sylvestre des bergers, né d’une union avec une nymphe, souvent nommée Dryope.
Un autre enfant dont le nom révèle la parenté est Hermaphroditus, fruit de l’union entre Hermès et Aphrodite. Né garçon, il se retrouva littéralement enlacé par une nymphe aquatique éprise de lui et devint la figure intersexuée que l’on connaît aujourd’hui.
Une autre histoire captivante concerne l’amour partagé entre Hermès et Apollon pour la belle Chione, avec laquelle ils ont couché le même jour. Cette rencontre aboutit à une grossesse de jumeaux, chacun ayant un père divin différent. Son fils Philammon devint musicien comme Apollon, tandis que l’autre fils, Autolycus, hérita des traits de voleur et de farceur de son père Hermès. Autolycus serait par ailleurs le grand-père d’Ulysse, connu pour ses nombreuses ruses, et décrit comme polytropos (« à multiples détours »), soulignant ainsi son ingéniosité et son vagabondage à travers le monde dans « L’Odyssée », tout comme Hermès dans l’« Hymne homérique ».
Hermès, l’aide des héros
Un des rôles principaux d’Hermès dans la mythologie est celui d’assistant des grands héros de légende, une fonction qu’il accomplit parfois en tandem avec sa demi-sœur Athéna, également célébrée comme la patronne des héros. Parmi les nombreuses aides qu’il apporte, probablement la plus célèbre se trouve dans « L’Odyssée », où il vient en aide à son arrière-petit-fils Ulysse pour éviter qu’il ne soit transformé en cochon par la sorcière Circé, tout comme son équipage. Hermès lui dévoile alors l’existence d’une herbe sacrée nommée moly.
En outre, Hermès (souvent accompagné d’Athéna) assiste le jeune héros Persée dans sa quête visant à tuer la Gorgone Méduse. Il lui fournit ou le guide vers des objets magiques essentiels pour son succès, tels que des sandales ailées, un scimitar inébranlable, un sac sans fond et un casque d’Hadès rendant invisible.
Hermès a également soutenu Héraclès lors de son dernier travail consistant à ramener Cerbère, le chien des Enfers, depuis la demeure d’Hadès. En l’accompagnant, il a su le guider et le protéger contre les esprits nuisibles. Pendant la guerre de Troie, Hermès a prodigué conseils et protection au roi troyen Priam quand celui-ci s’est aventuré dans le camp grec pour récupérer le corps de son fils Hector, même si Hermès lui-même avait pris le parti des Grecs, illustrant ainsi le caractère bienveillant du dieu messager, comme l’évoque Homère.
Le rôle d’Hermès en tant que psychopompe
L’un des aspects les plus connus de la divinité d’Hermès est son rôle de psychopompe, c’est-à-dire de conducteur d’âmes. Cette responsabilité lui incombe de conduire les âmes des défunts vers l’Underworld, ce qui le place comme l’équivalent grec de la Faucheuse. Selon certaines sources, ce rôle découle de sa position de dieu des bergers, où la transition de diriger des troupeaux vers leur destination à guider les âmes humaines vers leur nouveau repos éternel est relativement directe. Il n’est pas difficile de voir comment le dieu des passages et des transitions pourrait se voir attribuer la tâche de guider les vivants vers les morts.
Dans le contexte de la mythologie, Hermès a été désigné comme le protecteur des fantômes après qu’il ait escorté Perséphone auprès de sa mère Déméter, suite à son enlèvement par Hadès.
C’est dans ce cadre qu’Hermès a conduit Héraclès dans l’Underworld pour aller chercher Cerbère. De même, c’est grâce à cette même position qu’il a été chargé de ramener Sisyphus à Hadès après qu’il ait réussi à s’échapper pour la seconde fois. Dans une histoire moins connue, Hermès guide également l’ombre de Protesilaos, le premier homme à périr lors de la guerre de Troie, pour qu’il puisse rendre visite à sa femme, Laodamie, qui avait imploré les dieux de lui permettre de parler une dernière fois à son époux.
Hermès, le fabuleux messager
Esopo, l’écrivain de fables le plus célèbre, utilisait souvent Hermès comme personnage dans ses courtes histoires morales. Son rôle de dieu pastoral des voyageurs convenait particulièrement aux décors ruraux présents dans nombre de ses récits. Theoi.com collecte ces fables en un même endroit, incluant peut-être la plus célèbre d’entre elles, qui raconte l’histoire d’un bûcheron qui laisse tomber accidentellement sa hache dans une rivière.
Assis là, pleurant sa propre bêtise, Hermès apparaît et lui promet de l’aider. Il plonge dans la rivière et remonte avec une hache en or. L’homme nie que cette hache dorée soit la sienne, si bien qu’Hermès replonge et revient cette fois-ci avec une hache en argent. L’homme affirme également que ce trésor ne lui appartient pas. Hermès s’enfonce alors une troisième fois, revenant avec la hache du bûcheron. En récompense de son honnêteté, Hermès offre à cet homme les trois haches.
Lorsque l’un des amis du bûcheron entend cette histoire, il jette volontairement sa propre hache dans l’eau et tente de revendiquer la hache dorée lorsqu’Hermès la présente. Pour sa cupidité et son malhonnêteté, Hermès s’en va sans même récupérer la véritable hache de cet homme.
D’autres récits mettent en avant Hermès comme distributeur de connaissances aux humains, tout en infusant un soupçon de tromperie chez tous les artisans et commerçants.
Hermès égyptien : le grand, grand, grand
Au fur et à mesure que les Grecs, puis les Romains, étendaient leur influence à travers le monde méditerranéen par la conquête, ils observaient fréquemment des similitudes entre leurs propres dieux et ceux des territoires intégrés à leur empire. Ce phénomène conduisait souvent à une vision syncrétique des divinités, où le dieu gréco-romain et le dieu local étaient considérés comme deux aspects d’une même entité divine. Ce processus, comme l’explique l’Encyclopedia Britannica, est connu sous le nom de syncrétisme.
Cette tendance était particulièrement marquée durant la période hellénistique, suite aux conquêtes d’Alexandre le Grand, notamment entre les dieux grecs et égyptiens. Le dieu égyptien qui fût assimilé avec Hermès était Thoth, le dieu de la sagesse, de l’écriture et de la magie. Cette mise en avant de l’aspect linguistique d’Hermès a conduit à sa reconnaissance comme divinité du langage et de la traduction. Aujourd’hui encore, l’étude des traductions et des interprétations est désignée par le terme de herméneutique.
Les Égyptiens hellénistiques ont commencé à percevoir Thoth-Hermès comme un dieu de la sagesse et de l’enseignement secret, lui attribuant finalement l’épithète de Trismégiste, signifiant « trois fois grand ». La figure d’Hermès Trismégiste a alors pris une separate autonomie de celle du messager divin grec, devenant le prétendu auteur d’un vaste corpus d’écrits mystiques abordant des sujets tels que l’alchimie et l’astrologie. La nature secrète de ses écrits était si étroite qu’encore aujourd’hui, une chose dans un conteneur hermétique est dite être hermetiquement scellée.