Génies respectés tombés dans la folie : un parcours troublant

par Zoé
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Génies respectés tombés dans la folie : un parcours troublant
France

Histoire

Hedy Lamarr avec un éventail

Aristote affirmait déjà que « nul génie sans une touche de folie », une pensée relayée à maintes reprises au point de devenir un lieu commun. La figure du génie devenu fou — en particulier celle du savant fou — est aujourd’hui un archétype courant de la fiction. Pourtant, ce cliché trouve un fondement réel, enraciné à la fois dans l’histoire et en psychologie.

Les scientifiques ont longtemps cherché à élucider le lien exact entre le génie et la maladie mentale. Selon une synthèse rapportée par LiveScience, une majorité d’études converge vers l’existence d’un rapport étroit. Par exemple, lors du Festival mondial des sciences en 2012, des chercheurs ont présenté les résultats d’une expérience révélatrice : des personnes souffrant de trouble bipolaire réussissaient mieux à associer des mots à un terme donné, mais uniquement pendant leurs phases maniaques.

Ils en ont conclu que le foisonnement d’idées caractéristiques des épisodes maniaques augmentait la probabilité de produire des pensées particulièrement brillantes. Bien que ce témoignage ne soit qu’un fragment d’un ensemble complexe, il illustre pourquoi la relation entre folie et génie continue de fasciner.

À présent, penchons-nous sur quelques-uns des esprits les plus brillants de l’histoire, dont le parcours fut obscurci par la folie.

Pythagore : la rancune contre les fèves

Buste en marbre de Pythagore

Pythagore, figure presque légendaire de la Grèce antique, est incontestablement devenu une source d’angoisse pour les élèves réfractaires aux mathématiques. Son nom reste associé au célèbre théorème des triangles, mais son influence s’étend bien au-delà des mathématiques, notamment dans la philosophie où il s’est illustré par ses réflexions sur le destin de l’âme.

Faire la distinction entre le Pythagore historique et la figure idéalisée est un exercice difficile, mais il est généralement admis qu’il dirigeait une communauté de disciples partageant un mode de vie strictement végétarien. Un aspect singulier de leur mode de vie était l’abstention rigoureuse de consommer des fèves. Cette interdiction ne se limitait pas à un simple tabou alimentaire ; elle reposait sur la conviction que les fèves symbolisaient la mort.

Cette croyance trouve ses racines dans des traditions plus anciennes, notamment chez les Égyptiens antiques. Cependant, Pythagore aurait poussé cette idée beaucoup plus loin : il pensait que chaque fève renfermait l’âme d’un défunt. Tandis que la plupart des Grecs de l’époque consommaient ces légumineuses sans réserve, Pythagore prophétisait que les plants de fèves étaient autant d’échelons conduisant aux enfers.

Son attachement à cette croyance fut si intense que, selon la version la plus répandue de sa mort, il fut confronté à un dilemme poignant : traverser un champ de fèves pour échapper à une foule hostile, ou accepter la mort. Refusant de violer son interdit, il choisit la mort, consommé par sa conviction.

Hedy Lamarr : à la quête d’une jeunesse éternelle

Hedy Lamarr assise dans un décor tropical

Hedy Lamarr était une beauté remarquable et un esprit brillant. Actrice célèbre, icône pin-up et même source d’inspiration pour Blanche-Neige de Disney, elle est pourtant avant tout une inventrice dont les travaux ont révolutionné les communications militaires et les systèmes de guidage. Ses innovations ont transformé le design aéronautique et sont à l’origine de la technologie WiFi que nous utilisons aujourd’hui.

Malheureusement, sa vie fut marquée par une tragédie : elle ne fut jamais reconnue ni récompensée à la hauteur de son génie. Lorsque sa carrière hollywoodienne déclina, elle entama une spirale où elle chercha désespérément à rester visible et pertinente dans un monde qui la rejetait.

Dans les années 1960, son nom passa des titres de films aux gros titres des tabloïds, notamment suite à son sixième divorce et des accusations de vol à l’étalage. Durant les années 1970, Hedy Lamarr devint obsédée par la quête de la Fontaine de Jouvence. Elle se lia avec Max Jacobsen, surnommé « Dr. Feelgood », et suivit presque constamment son traitement à base de prétendues « injections miraculeuses ».

Ces injections, loin d’être miraculeuses, étaient principalement composées d’hormones animales et d’amphétamines. Rejetée par Hollywood en raison de son âge, confrontée aux préjugés liés à la jeunesse, elle enchaîna des interventions de chirurgie esthétique, pionnière de techniques qui deviendront par la suite des standards dans le domaine.

Finalement, Hedy Lamarr se retira dans une totale solitude, ne communiquant avec son entourage, y compris ses enfants, que par téléphone jusqu’à sa mort en 2000.

Kurt Gödel : quand l’hypocondrie dépasse les limites

Portrait de Kurt Gödel

Le magazine Time a classé le mathématicien Kurt Gödel parmi les « 100 penseurs les plus influents » du XXe siècle. Son apport en mathématiques, logique et philosophie a été révolutionnaire, notamment grâce à ses célèbres théorèmes d’incomplétude. Ces derniers démontrent qu’au sein de toute théorie, il existera toujours des propositions qui ne peuvent être ni prouvées ni réfutées.

Selon Jørgen Veisdal, chercheur à l’Université norvégienne des sciences et technologies, Gödel souffrait depuis son enfance d’hypocondrie profonde. Son obsession était telle qu’il consignait scrupuleusement, sur plusieurs années, l’évolution de sa température corporelle et d’autres détails minutieux comme ses visites aux toilettes. Il consommait compulsivement divers médicaments en vente libre, particulièrement des traitements cardiaques, persuadé que la fièvre rhumatismale qu’il avait eue enfant avait gravement endommagé son cœur.

Cette paranoïa s’est intensifiée avec le temps. Gödel développait également une iophobie, la peur d’être empoisonné. Durant ses dernières années, il ne mangeait que ce que préparait sa femme. Lorsque celle-ci fut hospitalisée, le mathématicien arrêta complètement de s’alimenter. En 1978, il mourut de malnutrition et d’inanition liées à des troubles de la personnalité, pesant alors à peine 30 kilogrammes.

Howard Hughes : playboy, génie et germophobe

Howard Hughes dans le cockpit d'un avion

La vie de Howard Hughes paraît tout droit sortie d’un scénario hollywoodien. Ce millionnaire playboy a d’abord connu le succès à Hollywood avant d’acheter la compagnie aérienne TWA. Il construisit également le plus grand hydravion au monde. Son parcours l’amena ensuite à passer de réalisateur à entrepreneur militaire, révolutionnant l’industrie aéronautique et construisant le premier engin spatial américain capable d’atterrir sur la Lune.

Selon la BBC, son trouble obsessionnel compulsif (TOC), qui le poussait à se laver les mains jusqu’au saignement, fut paradoxalement l’un des moteurs de sa quête de perfection et donc de son succès fulgurant. Ce TOC, accompagné d’une germophobie extrême, prit racine dès son plus jeune âge, renforcé par une mère obsédée par les maladies qui le contrôlait quotidiennement à la recherche de signes d’infection.

Les experts de l’American Psychological Association rapportent que ces symptômes s’intensifièrent considérablement durant les vingt dernières années de sa vie. Son obsession pour la propreté ne s’arrêtait plus au lavage compulsif : il brûlait ses vêtements dès qu’il soupçonnait la présence de germes ou la maladie chez ses proches. Le monde extérieur était pour lui la source de contamination, ce qui l’enferma dans une existence recluse, où il évitait tout contact en s’entourant de chambres d’hôtel qu’il considérait comme des sanctuaires sans germes.

Il allait jusqu’à protéger ses pieds avec des boîtes de mouchoirs tout en rédigeant des manuels détaillés sur la manière correcte d’ouvrir des conserves et de servir les aliments. Cependant, il négligeait son hygiène personnelle, convaincu que les germes ne provenaient pas de lui-même mais cherchaient à l’attaquer. Sa santé mentale déclina inexorablement, et il mourut dans la solitude en 1976.

Nikola Tesla : pigeons et perles

Monnaie serbe avec Nikola Tesla

Physicien serbe de génie, Nikola Tesla est souvent perçu comme l’outsider ultime de la science, éclipsé par la personnalité imposante de Thomas Edison. Son œuvre connaît un regain d’intérêt ces dernières années, non seulement pour ses inventions, mais aussi pour sa capacité unique à concevoir entièrement ses projets dans son esprit, sans jamais passer par des croquis ou prototypes physiques.

Selon les archives historiques, notamment celles du Smithsonian, Tesla a fini par se replier dans son propre univers mental. Après des années marquées par les déceptions et les trahisons, il commence véritablement à s’isoler dès 1912. Cette période marque l’apparition complète de ses comportements singuliers :

  • une obsession pour le chiffre trois ;
  • le comptage méticuleux de chacun de ses pas ;
  • une hypersensibilité extrême aux bruits ambiants ;
  • une aversion intense et violente contre les boucles d’oreilles féminines, en particulier les perles.

Installé dans une chambre d’hôtel à New York, dont le loyer était financé par George Westinghouse, Tesla développe une fascination profonde pour les pigeons en général. Plus encore, il s’attache à une colombe blanche, à laquelle il confère des sentiments humains et dont il parle comme d’une véritable compagne amoureuse. Il affirmera même que ce pigeon lui a rendu visite pour lui annoncer la proximité de sa propre mort, avant de s’éteindre sur son bras.

De nos jours, les experts pensent que Tesla aurait très probablement été diagnostiqué avec un trouble obsessionnel-compulsif (TOC) et envisagé comme appartenant au spectre autistique. Cette analyse offre une perspective fascinante sur le lien complexe entre génie et santé mentale, et sur la fragilité parfois dissimulée derrière les esprits les plus brillants.

Edvard Munch dans son atelier

Edvard Munch est le génie à l’origine d’une des œuvres d’art les plus emblématiques au monde : Le Cri. En explorant le reste de son œuvre, on découvre une série d’images tout aussi troublantes, révélant deux vérités essentielles. D’abord, il fut l’un des artistes modernes les plus influents de son temps, mais il était également marqué par des troubles profonds.

Selon des recherches historiques, Le Cri serait le fruit d’une hallucination qu’il aurait eue dans sa jeunesse, une expérience qu’il décrivait comme accompagnée d’« un cri immense, sans fin, qui parcourait la nature ». Cette vision reflète une part de son vécu personnel, profondément bouleversé par la perte de sa sœur bien-aimée, emportée par la tuberculose, maladie qu’il contracta à son tour mais dont il réchappa.

La destinée familiale de Munch fut marquée par la tragédie : une autre sœur fut internée en institution psychiatrique, ce qui l’amena à écrire qu’il portait « l’héritage de la consommation et de la folie ». Sa vie fut parsemée de traumatismes, dont une relation amoureuse tumultueuse qu’il subit malgré lui et une altercation violente se soldant par un coup de feu et la perte d’un doigt.

En vieillissant, ses troubles s’aggravèrent ; ses accès de colère et ses hallucinations se multiplièrent. Durant les 27 dernières années de sa vie, Munch vécut reclus dans sa maison près d’Oslo. Ses seuls compagnons étaient ses toiles, qu’il appelait ses « enfants ». Il ne pouvait supporter de s’en éloigner. À sa mort, les autorités découvrirent qu’il avait enfermé près de 20 000 œuvres dans son domicile.

Buckminster Fuller ajustant ses lunettes

Considéré comme un « philosophe pratique », Buckminster Fuller est surtout célèbre pour avoir inventé le dôme géodésique, une structure architecturale révolutionnaire qui a marqué le XXe siècle. Bien que son nom ne soit pas universellement connu, son héritage demeure profondément ancré dans l’histoire de l’innovation et de la pensée visionnaire.

Atteint d’une hypergraphie – un besoin compulsif d’écrire –, Fuller s’est lancé dans un projet unique : documenter chaque quart d’heure de sa vie pendant plus de six décennies, de 1917 jusqu’à son décès en 1983. Cette chronique méticuleuse, appelée le Dymaxion Chronofile, regroupe environ 140 000 documents, ainsi que des enregistrements audio et vidéo. Ce témoignage exceptionnel est considéré comme l’archive la plus complète jamais réalisée sur la vie d’un individu.

Le terme « Dymaxion », qu’il a lui-même adopté, est un néologisme combinant les mots « dynamique », « maximum » et « ion », symbolisant à la fois sa philosophie personnelle et ses expérimentations. Parmi celles-ci, une des plus intrigantes reste son invention du « sommeil dymaxion » : un cycle de repos consistant en une sieste de 30 minutes toutes les six heures. Fuller concevait l’énergie humaine comme un réservoir qu’il fallait remplir fréquemment pour éviter l’épuisement, s’éloignant ainsi des rythmes de sommeil conventionnels.

Il a appliqué ce mode de repos pendant deux ans, jusqu’à ce que son entourage refuse de s’adapter à ce rythme inhabituel, le contraignant à abandonner cette pratique. Ce mélange d’extrême discipline et d’obsession pour l’optimisation illustre parfaitement la fine frontière entre génie et folie, une thématique centrale dans l’étude des esprits créateurs et novateurs.

Charles Darwin avec des lettres

Charles Darwin est célèbre pour avoir propulsé la théorie de l’évolution au premier plan avec son œuvre majeure, L’Origine des espèces. Les étudiants apprennent qu’il a fondé ses observations et preuves durant un voyage de cinq ans à bord du navire Beagle. Si cela est en partie vrai, cette expédition ne raconte qu’une partie de son histoire.

En effet, alors qu’il n’avait qu’une vingtaine d’années et explorait le monde, quelque chose changea lorsqu’il rentra dans sa maison du Kent. Selon Science, à l’âge de 28 ans, Darwin commença à souffrir de sévères crises de panique, d’hystérie, ainsi que d’épisodes de pleurs, vomissements et nausées. Il décrivit un sentiment récurrent d’angoisse imminente et un phénomène appelé « dépersonnalisation » : une sensation troublante de se voir de l’extérieur, comme si rien n’était réel, une expérience décrite plus récemment par la Mayo Clinic.

Les troubles de Darwin devinrent si handicapants qu’il redoutait de quitter sa maison et ressentait une panique profonde à l’idée de rencontrer ses pairs scientifiques. Aujourd’hui, la majorité des chercheurs diagnostiquent ses symptômes comme un trouble panique. D’ailleurs, le LA Times rapporte qu’il éprouvait neuf des treize symptômes généralement associés à ce trouble.

Cette analyse suggère que si Darwin n’avait pas été accablé par ces difficultés psychiques, il aurait peut-être eu moins de temps pour se consacrer entièrement à son œuvre fondatrice, ce qui souligne un lien complexe entre génie et folie.

Vincent Van Gogh : un regard — et une oreille — pour l’art

Vincent Van Gogh avec un revolver

Lorsqu’on évoque le génie tourmenté, aucun nom n’incarne mieux cette idée que celui de Vincent Van Gogh. La légende populaire raconte qu’il aurait tranché une partie de son lobe d’oreille pour la donner à une prostituée. Cependant, selon une enquête menée par le Guardian en 2016, cette histoire mérite d’être révisée.

Le Musée Van Gogh, à Amsterdam, a découvert une lettre du Dr Felix Rey, le médecin de l’artiste, qui précise que Van Gogh ne s’est pas contenté de couper son lobe, mais bien l’oreille entière avec une lame de rasoir. Ce geste d’automutilation révèle clairement une détresse profonde qui hantait son esprit.

Les historiens restent incertains quant à la nature exacte des troubles psychiques dont souffrait Van Gogh. On sait qu’il s’est tourné vers l’art après une succession d’échecs professionnels et que, de son vivant, il n’a jamais trouvé le succès commercial, ses œuvres ne se vendant guère. Parmi les hypothèses médicales évoquées figurent la schizophrénie, les séquelles de la syphilis, la dépression majeure, ainsi que des épisodes maniaques qui pourraient correspondre à un trouble bipolaire.

Après son geste extrême, une pétition signée par ses voisins a conduit à son internement en asile. Malgré cela, Van Gogh a continué à peindre jusqu’à sa mort prématurée à l’âge de 37 ans, trente heures seulement après s’être tiré une balle en pleine poitrine avec un revolver.

Jack Parsons avec des explosifs

Le terme « scientifique des fusées » est souvent synonyme de « personne d’une intelligence exceptionnelle ». Jack Parsons incarnait cette définition à la lettre : il fut l’un des fondateurs du Jet Propulsion Laboratory (JPL), un pilier de la recherche spatiale. Certains spécialistes, comme le magazine Wired, le qualifient même de « père de la fuséologie », un titre qui aurait très bien pu lui être officiellement attribué s’il n’avait pas été largement effacé des archives du JPL et de la NASA pendant de nombreuses années.

La raison de cette omission tient à son comportement atypique. Après avoir inventé le propergol solide et amassé une grande fortune grâce à ses ventes aux forces armées américaines, Parsons s’est aventuré dans des domaines beaucoup plus obscurs. Passionné d’occultisme, il s’est initié à la magie sexuelle dans le but d’invoquer une déesse nommée Babalon. Parsons était convaincu que cette entité deviendrait un jour la mère de l’Antéchrist. Pour mener à bien ces rituels, il s’est entouré de sa compagne de longue date et de L. Ron Hubbard, futur fondateur de la Scientologie.

Un tournant décisif survint lorsqu’une artiste rousse, Marjorie Cameron, fit son apparition dans leur demeure. Les trois croyants interprétèrent sa venue comme la réussite de leur invocation, et elle accepta volontiers de jouer ce rôle symbolique. Cependant, les événements prirent rapidement une tournure désastreuse. Des accusations de sympathies communistes mirent fin aux habilitations de sécurité top secrètes de Parsons, le plongeant dans une vie professionnelle incertaine.

Par la suite, il tenta de se lancer à Hollywood tout en approfondissant ses pratiques occultes, mais ce projet ne put aboutir. Sa fin fut aussi tragique qu’inattendue : il trouva la mort sur le pas de sa porte, victime d’une explosion d’explosifs qu’il manipulait. L’histoire de Jack Parsons illustre ainsi les méandres où génie et folie peuvent parfois se confondre, marquant à jamais le paysage de l’histoire scientifique et culturelle.

John C. Lilly : coïncidence ?

John C. Lilly avec Timothy Leary

Le Dr John C. Lilly était un chercheur dont les travaux ont toujours flirté avec l’inconventionnel. Neurophysicien de formation, il est surtout reconnu pour avoir inventé le « tank d’isolation », un appareil destiné à étudier la conscience humaine en isolant les sens. Au-delà de cette innovation, il s’est également intéressé de près à la communication des dauphins, au point d’essayer un jour de jouer les entremetteurs entre une femme et un dauphin, témoignant ainsi de son esprit unique et audacieux.

Dans le contexte des années 1960, marquées par de nombreuses expérimentations autour de la conscience, Lilly a intégré l’usage du LSD dans ses recherches. Cette période intense a également été marquée par une expérience de mort imminente vécue dans un bain chaud où il a failli se noyer. Ce choc l’a convaincu de l’existence d’une force supérieure qui l’aurait sauvé in extremis.

Pour Lilly, cette force n’était rien d’autre que la coïncidence. Il croyait que le hasard avait joué un rôle précis, notamment par la présence opportune d’un ami venu à son secours. Cette conviction l’a conduit à élaborer une théorie singulière : l’Office du Contrôle des Coïncidences Terrestres (Earth Coincidence Control Office, ECCO), organisation invisible qui, selon lui, l’aurait recruté comme agent secret. Il a alors publié une série de directives décrivant comment le Centre de Contrôle Cosmique (Cosmic Control Center, CCC) décidait des coïncidences destinées à se produire.

Lilly a aussi conçu le concept d’Alternité, une sorte d’espace mental où toutes les possibles alternatives s’offriraient à la conscience d’un individu. Pour qualifier son propre état d’esprit, il utilisait le terme d’« outsane » — un néologisme décrivant une forme de lucidité qui permettrait d’entrevoir la réalité au-delà de notre perception externe habituelle.

Ernest Hemingway : parfois, la paranoïa révèle un mal profond

Ernest Hemingway avec des jumelles

Parmi les plus grands écrivains de l’histoire, Ernest Hemingway occupe une place incontournable. Sa trajectoire, aussi brillante soit-elle, se termine tragiquement le 2 juillet 1961, lorsqu’il met fin à ses jours en utilisant une arme à feu dans sa propre maison.

Initialement, l’annonce officielle évoqua un accident, masquant ainsi une réalité plus sombre. Dès la fin des années 1950, Hemingway était confronté à une détresse mentale sévère : dépression, anxiété, confusion et désorientation marquaient son quotidien. Son état s’aggrava au point qu’en décembre 1960, il fut hospitalisé à la célèbre clinique Mayo, d’où il sortit deux mois plus tard, sous encouragements bienveillants. Pourtant, cette amélioration fut de courte durée, puisque ses troubles psychiques s’intensifièrent, frôlant à plusieurs reprises la tentative de suicide.

Le diagnostic aujourd’hui attribué à Hemingway est complexe et multiple : dépression profonde, délires paranoïaques, trouble bipolaire, hémochromatose, auxquels s’ajoutait une alcoolo-dépendance sévère.

Un épisode crucial éclaire aussi cette tragédie : en 2011, A.E. Hotchner, proche et biographe de l’écrivain, révéla dans un article du New York Times la paranoïa grandissante d’Hemingway. Convaincu que le FBI le traquait, il percevait des agents partout. Cette conviction, longtemps prise pour délire par son entourage, fut tristement justifiée des années plus tard lorsque les archives du FBI furent rendues publiques, confirmant que l’écrivain avait réellement été sous surveillance.

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