Dans les années 1530, Michel-Ange, alors d’âge mûr, était largement absorbé par une mission prestigieuse et rémunératrice : la peinture du plafond de la chapelle Sixtine. Cette œuvre monumentale exigeait une attention intense, pourtant, Michel-Ange ne manquait jamais d’inspiration ou de projets parallèles. Fidèle à son statut d’homme de la Renaissance universel, il consacrait du temps à d’autres créations, dont l’une demeure mystérieusement disparue depuis des siècles : Leda et le Cygne.
Leda et le Cygne est un sujet mythologique récurrent dans l’histoire de l’art, déjà présent sur des mosaïques romaines du premier siècle après J.-C. Cette représentation classique d’une femme regardant tendrement un cygne est inspirée d’un mythe grec. Selon la légende, Zeus, sous la forme d’un cygne, séduit Leda. Cette version, rapportée notamment par l’« Métamorphoses » d’Ovide, est également détaillée sur différents sites consacrés à l’œuvre de Michel-Ange, évoquant parfois une fin plus sombre à ce mythe.
Leda et le Cygne a été interprété par de nombreux artistes, de Correggio à Léonard de Vinci. Ironie de l’histoire, la version attribuée à Léonard a elle aussi disparu, tout comme celle de Michel-Ange. La toile de ce dernier décrivait une femme rousse nue, recroquevillée telle un embryon, contemplant avec tendresse un cygne blotti contre sa poitrine, ses ailes déployées s’échappant entre ses cuisses. Cette image nous est connue à travers des copies et imitations, car l’œuvre originale s’est égarée dans les méandres du commerce artistique de la Renaissance européenne.
Selon les archives du Herbert F. Johnson Museum of Art et de la Royal Academy, la peinture originale de Michel-Ange se trouvait initialement dans le palais du roi François Ier de France, grand mécène de l’art italien. On suppose qu’elle lui fut vendue par Antonio Mini, disciple de Michel-Ange, d’après la théorie largement acceptée par l’historien Giorgio Vasari. La toile intégra la collection royale de Fontainebleau au début des années 1530. Rosso Fiorentino, peintre officiel de la cour, réalisa une copie pour ses propres collections, mais ni cette réplique ni l’original ne subsistent aujourd’hui. La seule trace visuelle demeure une gravure du peintre flamand Cornelis Bos.
Heureusement, quelques esquisses préparatoires de Michel-Ange pour Leda et le Cygne ont été préservées. Vivantes et détaillées, elles montrent que le peintre s’est inspiré du profil d’un modèle masculin coiffé d’une calotte moulante. Ces dessins, exceptionnels par leur composition, sont considérés comme des trésors artistiques malgré la disparition de la peinture achevée.
La Royal Academy rapporte une rumeur intrigante : cette œuvre aurait été détruite par la reine Anne d’Autriche. Un inventaire français datant de 1691 mentionne un dessin de Michel-Ange représentant une Leda, accompagné d’une directive explicite de brûler l’œuvre en raison de sa « lascivité ». Bien que cette hypothèse ne soit pas confirmée historiquement, l’œuvre n’a en tout cas jamais été revue par la suite. Une copie datant du XVIe siècle, provenant d’un artiste inconnu, est néanmoins visible à la National Gallery de Londres. Malgré les vicissitudes de l’histoire, cette reproduction reste le témoignage le plus proche que nous ayons de l’original de Michel-Ange.