L’agave, reconnaissable à ses feuilles épineuses aux extrémités déchiquetées, prospère dans les régions arides des Amériques comme le Mexique et les Caraïbes. Utilisée pour produire des édulcorants naturels, le mezcal (dont la tequila est une célèbre variante) et autres délicatesses, cette plante possède une place importante dans les cultures indigènes d’Amérique, notamment chez les Aztèques.
Les peuples autochtones exploitaient depuis longtemps les feuilles fibreuses et robustes de l’agave pour confectionner des cordes, des sandales et divers objets utilitaires. Cependant, son importance dépassait largement l’aspect matériel : l’agave était profondément vénérée pour ses qualités spirituelles, particulièrement par les Aztèques, civilisation mésoaméricaine établie au cœur du Mexique entre les XIIIe et XVIe siècles avant leur conquête par les Espagnols.
Au sein de cet empire florissant, la mythologie aztèque foisonnait de figures divines telles que Huitzilopochtli, dieu de la guerre et du soleil, ou Quetzalcoatl, le célèbre « serpent à plumes ». L’agave, elle, relevait du domaine sacré de la déesse Mayahuel, symbole de fertilité et de vie selon les croyances mexicaines anciennes.

Une légende emblématique narre la passion entre Quetzalcoatl et Mayahuel, d’où naît l’agave et, par extension, la tequila. Selon ce mythe, jadis, une déesse maléfique appelée Tzintzimitl, liée à l’obscurité et aux sacrifices humains, régnait dans les cieux et déplaisait profondément à Quetzalcoatl. Ce dernier entreprit de monter au ciel pour la combattre, où il rencontra sa petite-fille, Mayahuel.
Mayahuel est parfois décrite comme une divinité de la fertilité dotée de 400 seins, symbole de sa puissance nourricière. Certaines traditions la désignent comme la mère de lapins divins, ou encore l’épouse de Patecatl, dieu du pulque — boisson fermentée à base d’agave très prisée durant les cérémonies religieuses.
Dans la version la plus connue du conte, Mayahuel est retenue captive par sa grand-mère maléfique. Quetzalcoatl la délivre et s’éprend d’elle. Afin d’échapper à Tzintzimitl, ils se métamorphosent en arbres dont les feuilles dansent au souffle du vent, mais la déesse finit par les retrouver. Un combat s’ensuit au cours duquel Mayahuel périt.

Lorsque la bien-aimée meurt, Quetzalcoatl, animé par la vengeance, élimine Tzintzimitl et rend ainsi la lumière au monde. Profondément affligés, les autres dieux créent une plante ancienne — l’agave — qui pousse sur la tombe de Mayahuel. Dotée de propriétés légèrement hallucinogènes, cette plante offre un élixir apaisant au dieu endeuillé, donnant ainsi naissance aux premiers breuvages fermentés à base d’agave.
Originellement, les Aztèques fabriquaient le pulque, une boisson douce et rituelle issue de la fermentation de l’agave, consommée lors de rites sacrés. Plus tard, avec l’arrivée des conquistadors espagnols, la fabrication d’alcools à partir de l’agave s’est transformée, donnant naissance au mezcal, et finalement à la tequila telle que nous la connaissons aujourd’hui, un alcool synonyme de traditions et d’héritage mythologique.

