Lawrence Ferlinghetti : l’icône des Beats nous a quittés

par Olivier
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Lawrence Ferlinghetti : l'icône des Beats nous a quittés
États-Unis

Lawrence Ferlinghetti dans sa librairie

Lawrence Ferlinghetti, poète légendaire et fondateur d’un des lieux emblématiques de la contre-culture américaine, la librairie City Lights à San Francisco, est décédé le 22 février 2021. Sa fille, Julie Sasser, a indiqué que la cause du décès était une maladie pulmonaire interstitielle, un terme générique désignant un groupe de troubles provoquant une cicatrisation progressive du tissu pulmonaire.

En 1953, Ferlinghetti fonda City Lights comme un véritable « lieu de rencontre littéraire » – à la fois un athénée, un centre de débats littéraires et un carrefour culturel pour les esprits avant-gardistes. Située dans le quartier North Beach de San Francisco, cette librairie demeure une institution incontournable. Ferlinghetti fut un véritable pionnier en démocratisant la littérature américaine grâce, notamment, à l’ouverture de la première librairie entièrement consacrée aux livres en format poche, rendant ainsi l’écrit accessible au plus grand nombre à une époque bien antérieure aux facilités d’accès numérique actuelles.

Mais son importance dépasse largement ce simple exploit commercial. Ferlinghetti fut un acteur clé de la Beat Generation, ce mouvement culturel et littéraire des années 1950 marqué par une « remise en question jazzy, funky et psychédélique des conventions ». Il permit l’émergence de figures majeures de la littérature américaine comme Allen Ginsberg, Jack Kerouac et William S. Burroughs.

Fait notable, c’est Ferlinghetti qui publia le poème emblématique de Ginsberg, « Howl », ce qui lui valut d’être poursuivi pour avoir imprimé des écrits jugés « obscènes ». Ce procès déboucha cependant sur un acquittement fondé sur la liberté d’expression garantie par le Premier Amendement, devenant un jalon essentiel dans la défense des droits civiques aux États-Unis.

Lawrence Ferlinghetti et Allen Ginsberg

Ferlinghetti n’était pas seulement un facilitateur pour les poètes ou un hôte de la scène insurgée de la poésie, il était lui-même un poète reconnu. Considéré comme la dernière légende vivante des beats, il refusait toutefois cette étiquette de « poète beat » pour se définir plutôt comme « celui qui attend perpétuellement une renaissance de l’émerveillement », comme en témoigne son poème Am Awaiting.

Né à Yonkers, New York, sous le nom de Lawrence Monsanto Ferling, il étudia à la prestigieuse Sorbonne de Paris, où il rédigea une thèse intitulée La ville comme symbole dans la poésie moderne : à la recherche d’une tradition métropolitaine. Après ses études, il s’installa à San Francisco et ouvrit City Lights, dont le nom s’inspire du film de Charlie Chaplin sorti en 1931, dont la scène finale est considérée comme une des plus belles de l’histoire du cinéma.

À l’image de la critique acerbe portée par ce film sur les illusions américaines de paix et de prospérité, Ferlinghetti se voyait comme un agent anarchiste de la libre volonté, trouvant dans l’irrévérence et l’esprit un moyen de résistance. Jusqu’en 1996, il qualifiait City Lights de « seule rébellion existante ».

Son œuvre poétique se caractérise par son irrévérence, son ton cajoleur et sa légèreté apparente. Elle mêle habilement la satire et la politique, comme dans ses poèmes « Underwear », qui compare la contrainte des sous-vêtements au fascisme, ou « Dog », qui adopte le point de vue d’un chien pour décrire avec acuité la pauvreté et la vie urbaine.

L’esprit vif et la sagesse de Lawrence Ferlinghetti laisseront un vide immense dans la poésie et la culture américaine.

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