Quel est le record du jet le plus lent jamais construit ? Cette distinction revient au PZL M-15 Belphegor, un avion agricole peu commun issu de la coopération entre la Pologne et l’Union soviétique dans les années 1970. Alors que les avions légers peuvent voler à des vitesses inférieures à 50 km/h, le Belphegor, un jet à turbine, plafonne à peine à 120 mph (environ 193 km/h). En comparaison, un jet privé classique évolue entre 800 et 960 km/h. Cet appareil, à la silhouette massive et peu élégante, est resté célèbre pour sa lenteur et son rôle marginal dans l’aviation agricole.

Le PZL M-15 fut conçu comme un successeur moderne et économique à l’Antonov An-2R, un biplan agricole d’époque soviétique datant de la Seconde Guerre mondiale. Ces anciens appareils, très répandus en Europe de l’Est, tardaient à disparaître mais nécessitaient une modernisation pour répondre aux besoins de traitement des cultures céréalières. L’ambition était d’utiliser une motorisation à réaction, ce qui constituait une véritable innovation dans ce secteur. Cependant, cette idée s’est heurtée à de nombreuses complexités techniques et à des décisions bureaucratiques opaques, limitant la production à seulement 175 exemplaires entre 1971 et 1981, date à laquelle le chantier prit fin.
Qu’est-ce qui différencie un avion d’un jet ?

La distinction entre avions et jets ne se fait pas sur la taille, la fonction ou la vitesse, mais uniquement sur le type de moteur. Tandis qu’un avion traditionnel est équipé d’hélices entraînées par un moteur à piston ou turbopropulseur, un jet possède un moteur à réaction générant une poussée par combustion dans une turbine. Cette différence fondamentale explique pourquoi le PZL M-15, bien que lent, est catégorisé parmi les jets. Il ne s’agit pas d’un avion de chasse ultrarapide mais bien d’un appareil agricole équipé de la technologie d’un moteur à turbine.
C’est précisément cette idée qui a conduit au développement du Belphegor : pourquoi ne pas moderniser un avion agricole en y intégrant un moteur à réaction ? Ce concept, bien que séduisant sur le papier, ne tenait pas compte des exigences techniques propres à chaque type de moteur et aux contraintes aéronautiques spécifiques aux vols agricoles de faible vitesse.
Un avion décrié et peu fonctionnel

Le PZL M-15, assemblage improbable d’éléments aérodynamiques, reposait sur le châssis du biplan An-2R. Son moteur à réaction unique était installé au-dessus du fuselage, sur lequel avait été fixé un second jeu d’ailes longues, formant une sorte de superposition. À l’arrière, un double empennage en poutre complétait la structure. Cet agencement, peu harmonieux, valu au PZL M-15 le surnom de « Belphegor », en référence à un démon biblique, preuve du peu d’enthousiasme suscité dans le monde aéronautique et chez les agriculteurs.
Malgré un poids au décollage atteignant 12 456 livres (plus de 5,6 tonnes), sa vitesse maximale ne dépassait pas 120 mph et son seuil de décrochage (vitesse minimale pour rester en vol) était d’environ 67 mph, ce qui limitait nettement son maniement et son efficacité en pulvérisation. De plus, le jet était réputé pour être bruyant et peu fiable, deux facteurs qui ont contribué à son abandon rapide. Beaucoup d’agriculteurs se sont retrouvés désemparés face à cet engin complexe à utiliser et à entretenir.
Au final, cette tentative d’adapter une motorisation à réaction à un avion agricole s’est soldée par un échec industriel et opérationnel. La production fut stoppée en 1981 après 175 unités fabriquées, illustrant les limites de l’innovation mal calibrée en aviation agricole.
