Histoire
Au cours des années 1880, trois grands inventeurs – Nikola Tesla, Thomas Edison et George Westinghouse – s’affrontaient pour déterminer le système électrique qui deviendrait la norme. Alors qu’Edison défendait le courant continu (DC), Westinghouse et Tesla mettaient en avant le courant alternatif (AC). Pour démontrer la dangerosité de ce dernier, Edison orchestré des démonstrations publiques durant lesquelles divers animaux étaient électrocutés, contribuant ainsi à alimenter la polémique connue sous le nom de « Guerre des Courants », qui fit la une des journaux et fut même évoquée au plus haut niveau judiciaire.
Parallèlement aux affrontements entre les deux systèmes de production d’électricité, Alfred Southwick, dentiste basé à New York, cherchait à développer une méthode d’exécution plus « efficace » que la pendaison. La tragédie d’un homme ivre, électrocuté en touchant un générateur, lui donna l’idée de concevoir une chaise électrique. Southwick sollicita alors les conseils d’Edison pour mettre au point cet appareil. Ce dernier, opposé publiquement à la peine capitale, orienta Southwick vers Westinghouse. Toutefois, Edison voyait également dans ce projet l’opportunité de prouver que le courant alternatif, utilisé pour assurer une mort rapide « avec le moins de souffrances possible », était nettement plus dangereux que le courant continu.
Afin de clarifier le déroulement des faits :
- Edison finança secrètement le projet pour s’assurer de l’utilisation d’un système AC.
- George Westinghouse rejeta la fourniture de ses générateurs pour éviter d’associer son invention aux exécutions.
- Harold Brown, vieux vendeur d’électricité, fut chargé de construire la chaise en récupérant des générateurs AC.
La chaise électrique fut ainsi achevée et destinée à être utilisée pour l’exécution de William Kemmler, condamné à mort. À travers ce projet, Edison espérait démontrer que l’usage du courant alternatif présentait un risque mortel supérieur. Il introduisit même le terme « Westinghoused » pour désigner les criminels exécutés par ce nouveau dispositif, ce qui attisa la colère de Westinghouse. Ce dernier, dont les générateurs AC risquaient de perdre la confiance du public, fit don de 100 000 dollars pour financer la défense juridique de Kemmler, qui arguait que sa mort par chaise électrique constituait une punition cruelle et inhumaine.
Lors de l’exécution, Alfred Southwick fut témoin du drame qui se déroula le 6 août 1890. Le condamné, solidement attaché à la chaise propulsée par un dynamo AC, fut électrocuté pendant 17 secondes sous environ 700 volts. Malgré une première décharge, des témoins constatèrent que Kemmler était encore vivant. Des appels retentirent pour rétablir le courant, mais le générateur nécessitait un temps de recharge. Après une seconde décharge, le décès fut officiellement confirmé.
George Westinghouse, indigné par l’utilisation de ses équipements pour cet usage macabre, commenta : « On aurait pu faire mieux avec une hache. » Trois ans plus tard, il obtint le contrat pour fournir l’électricité à l’Exposition universelle de Chicago, offrant ainsi une vitrine positive à son système AC. Peu après, un autre contrat majeur fut remporté pour l’installation d’un parc électrique aux chutes du Niagara. Le triomphe de Westinghouse mit fin à la Guerre des Courants, tandis qu’Edison finit par reconnaître que le courant alternatif était en réalité une technologie supérieure, admettant implicitement qu’il avait pressenti la situation.