L’un des héritages durables de la Seconde Guerre mondiale réside dans les avancées technologiques qu’elle a suscitées. Si de nombreuses innovations, telles que la pénicilline, le radar ou encore le micro-ondes, se sont révélées bénéfiques pour la vie moderne, d’autres développements ont eu des répercussions bien plus inquiétantes. En effet, la guerre, en favorisant la recherche scientifique, a souvent servi à améliorer l’efficacité des armements et à renforcer la puissance militaire, parfois au détriment de l’humanité.
En 1942, trois ans avant le largage de la première bombe atomique, le gouvernement britannique lança une expérimentation sur l’utilisation d’armes biologiques. Une équipe d’une cinquantaine de chercheurs se rendit sur une petite île située au large des côtes écossaises afin de tester l’efficacité d’explosifs à base d’anthrax. Cette bactérie, responsable d’une maladie mortelle et hautement contagieuse, apparaissait alors comme un candidat idéal pour des armes biologiques, capable d’infecter par inhalation ou par contact avec des produits contaminés.
Lors de ces expériences, des moutons furent utilisés comme sujets de tests. Les chercheurs larguèrent des bombes au contenu d’anthrax sur l’île, et en seulement trois jours, plusieurs animaux succombèrent à l’infection, soulignant ainsi l’efficacité de cette arme. Ce résultat permit à l’île de se voir attribuer le sobriquet sinistre d’« Île de la Mort ». Le rapport issu de ces expérimentations indiquait que de telles armes biologiques pouvaient potentiellement paralyser des villes entières.
Par la suite, l’île de Gruinard demeura strictement interdite pendant près de 80 ans. Les traces des tests demeurèrent, contaminant le territoire et occasionnant même des risques pour le bétail des côtes proches, lorsque des moutons infectés échouaient sur celles-ci. Ce n’est qu’à partir des années 1980, face aux revendications des militants environnementaux, que des mesures furent entreprises pour assainir le sol. Une méthode inédite, combinant formaldéhyde et eau de mer, fut mise en place, et en 1990, l’îlot fut finalement déclaré sûr.
Bien que le territoire ait été désinfecté, l’île reste aujourd’hui largement isolée, ne recevant que quelques aventuriers tels que des pêcheurs solitaires ou des kayakistes. L’histoire de cette « île Anthrax » rappelle ainsi le lourd tribut des expérimentations militaires menées en temps de guerre.
D’autres sites de tests semblables existent à travers le globe. Durant la guerre froide, par exemple, l’Union soviétique utilisa une île isolée au milieu de la mer d’Aral pour y mener des expériences sur des super-agents pathogènes, abandonnant le site après que les expérimentations aient rendu la zone irrémédiablement contaminée. Quant à une île située à proximité de New York, elle fut, quant à elle, consacrée à la recherche sur des maladies animales dévastatrices dès les années 1950, et demeure aujourd’hui sous haute surveillance pour prévenir tout risque potentiel.