Sommaire
Dans toute l’histoire, il y a sans doute très peu de monarques qui aient pu se rapprocher d’une vie « normale ». Leur existence, par définition, est extraordinairement singulière. Être élevé dans un milieu où l’on est considéré comme supérieur aux autres simplement en raison de sa naissance rend impossible le développement d’une personnalité équilibrée et d’un regard rationnel sur le monde.
Cependant, si certains souverains se distinguaient par des comportements excentriques, d’autres, beaucoup moins agréables, étaient véritablement redoutables. Ces monarques ne se limitaient pas à des bizarreries isolées, ils pouvaient être profondément désagréables, avec des troubles du tempérament particulièrement sévères. Parmi eux, certains souffraient de graves problèmes de maîtrise de la colère les poussant à des accès de violence envers leurs proches.
D’autres présentaient des singularités étranges et envahissantes qui perturbaient toute la cour, tandis que certains ne parvenaient jamais à développer une personnalité ouverte, rendant chaque interaction pénible pour leur entourage, jusqu’à rendre la simple conversation difficile lors des événements sociaux.
Le plus cruel pour amis, famille et collaborateurs de ces « enfants terribles » royaux fut souvent leur impuissance. Malgré leur souffrance face à ces comportements insupportables, il n’y avait guère d’options pour y remédier. Voici donc un aperçu de ces souverains historiques qui furent de véritables cauchemars dans leur vie quotidienne.
Pierre le Grand de Russie

Pierre le Grand régna sur l’Empire russe de 1682 à 1725. Il doit son surnom à ses vastes réformes qui modernisèrent la Russie, touchant à la fois le domaine militaire, scientifique, éducatif et culturel. Sous son règne, le pays devint bien plus puissant et ancré dans la modernité qu’à son avènement. Malgré son autoritarisme, Pierre le Grand est généralement considéré comme un souverain couronné de succès.
Cependant, en dépit de ses contributions à l’essor national, cet homme s’avérait être un véritable cauchemar pour ceux qui l’entouraient. Sa curiosité insatiable s’étendait à de nombreux sujets, notamment la dentisterie : il n’hésitait pas à arracher les dents de ses courtisans lors de leurs rencontres. En outre, lorsqu’il voyageait déguisé à travers l’Europe, il allait jusqu’à détruire les domiciles des aristocrates qui l’avaient accueilli.
Cette propension à l’excès provoqua parfois de tragiques conséquences. Pierre le Grand était constamment ivre et s’attendait à ce que ses compagnons le soient aussi. Mesurant plus de 1,80 mètre, il tenait particulièrement bien l’alcool, notamment la vodka qu’il forçait souvent ses invités à ingurgiter à l’aide d’un entonnoir. Pour s’assurer qu’aucun ne puisse partir, il postait ses gardes à la porte. Cette débauche excessive provoqua la mort du mari de sa nièce.
L’histoire la plus sombre reste celle de la mort de son fils aîné, que Pierre fit exécuter pour insubordination. Lorsque le tsar découvrit l’infidélité de sa femme, il fit mourir son amant avant de placer la tête tranchée de ce dernier au chevet de l’épouse trahie, ajoutant ainsi une dimension macabre à sa cruauté.
Louis XIV de France

Louis XIV, surnommé le « Roi Soleil », monta sur le trône en 1643 alors qu’il n’avait que 4 ans. Son règne imposant dura plus de sept décennies, jusqu’à sa mort en 1715. Durant cette longue période, il concentra le pouvoir autour de sa personne, transformant notamment un simple pavillon de chasse en ce que l’on connaît aujourd’hui comme le palais de Versailles.
Il força ainsi toutes les personnalités influentes du royaume à venir s’établir à la cour, afin de lui servir directement. Cette centralisation donna naissance à un véritable culte de la personnalité autour du roi, au point que chaque geste du monarque devenait une mode à suivre. Appartenir à la cour signifiait souvent adopter des comportements aussi étranges que fascinants.
Par exemple, Louis XIV avait une habitude surprenante : il aimait recevoir des « clysmes », ce que l’on appelle aujourd’hui des lavements. Il en subit plus de 2 000 au cours de sa vie, parfois devant un public de courtisans intrigués. Pour rester « in » auprès du roi, certains nobles prenaient jusqu’à trois lavements par jour, témoignant de l’influence singulière du souverain sur la cour.
Un autre épisode marquant fut la spectaculaire intervention chirurgicale qu’il subit en 1686. Le roi découvrit une grosseur au niveau des fesses, qui s’avéra être un abcès. Après diverses tentatives médicales pour le soigner, seules des opérations à haut risque pouvaient encore le sauver. Contre toute attente, Louis XIV survécut à cette chirurgie, ce qui lança une nouvelle mode à la cour : certains hommes réclamaient à leur tour cette intervention, même sans raison médicale valable.

Le prince héritier Sado de Corée était l’héritier tant attendu du trône de son père, le roi Yǒngjo. Pourtant, dès son plus jeune âge, il fut séparé de ses parents et élevé sous la surveillance de eunuques et de dames de compagnie. Cette séparation, comme le raconta sa femme, Lady Hyegyŏng, plusieurs décennies plus tard, fut à l’origine de tous ses tourments.
En grandissant, lors des cérémonies de la cour, le roi Yǒngjo n’hésitait pas à humilier publiquement son fils. Incapable de confronter directement son père, le prince Sado reporta ses frustrations sur son entourage. Sa femme décrit l’apparition des troubles mentaux du prince dès ses 10 ou 11 ans, alors même qu’ils vivaient déjà ensemble, mais de manière platonique.
Avec le temps, ces troubles s’accentuèrent : Sado développa notamment une phobie des vêtements, obligeant ses serviteurs à lui faire essayer de nombreuses tenues. Faute de trouver celle qui lui convenait, il se mettait en colère au point de blesser ou même de tuer ceux qui l’habillaient. Parfois, ses violences n’avaient aucune raison apparente, s’en prenant à des eunuques ou des dames de compagnie, ou leur ordonnant simplement de proférer des paroles contraires à leur foi. Le prince souffrait aussi d’hallucinations et allait jusqu’à menacer son propre père.
Face à cette situation préoccupante, le roi Yǒngjo prit une décision radicale. Il ordonna à Sado de se glisser dans un grand coffre à riz qui fut ensuite scellé. Le prince s’éteignit ainsi, privé de nourriture et d’eau, après plusieurs jours passés dans cette geôle mortelle.
Fille de Pierre le Grand, Elizabeth de Russie monta sur le trône en 1741 après un coup d’État, bien que plusieurs souverains se soient succédé entre la mort de son père et sa prise de pouvoir. Réputée intelligente et agréable en société, elle possédait néanmoins un trait de caractère qui irritait profondément la cour.
Grande pour une femme et aux jambes puissantes, Elizabeth était pleinement consciente de l’attraction que suscitait sa silhouette. Mais les volumineuses robes à jupes cerclées de l’époque rendaient difficile la mise en valeur de ses jambes. Pour y remédier, elle portait souvent des vêtements masculins, composés de culottes ajustées et de bas moulants, notamment lorsqu’elle montait à cheval. Pourtant, cela ne lui suffisait pas.
Pour satisfaire son désir de voir ses courtisans adopter ce style, l’impératrice organisait régulièrement — jusqu’à deux fois par semaine — des bals de « métamorphose » où tous les participants devaient obligatoirement se travestir. Ces événements, bien que spectaculaires, suscitaient un profond malaise.
La future Catherine II, alors mariée à l’héritier du trône russe, assista à ces bals et rapporta dans ses mémoires que les hommes de la cour — princes, généraux, politiciens — détestaient ces journées de déguisement : « Les hommes étaient de très mauvaise humeur car ils se trouvaient hideux dans leurs costumes. » Du côté des femmes, l’expérience n’était guère plus réjouissante puisque les coupes masculines ne mettaient ni en valeur leurs silhouettes ni leur taille plus petite. Seule Elizabeth parvenait, avec aisance, à imposer et porter ce style inhabituel qui contrariait tout son entourage.
Philippe V, né prince français, devint roi d’Espagne en 1700. Après la guerre de Succession d’Espagne, il assembla solidement son trône avant d’abdiquer en 1724 en faveur de son fils aîné. Ce dernier mourut quelques mois plus tard, poussant Philippe à reprendre le pouvoir qu’il conserva jusqu’à sa mort en 1746.
Ce qui étonne, c’est que Philippe ait pu gouverner aussi longtemps malgré de sérieux troubles mentaux. Probablement atteint de trouble bipolaire, il montrait des variations d’humeur extrêmes et des épisodes dépressifs où il s’enfermait, refusait le contact, négligeait hygiène et apparence. Parfois, il poussait des lamentations prolongées en imitant maladroitement un chanteur d’opéra.
Ces comportements rendaient la vie à la cour difficile, mais ce qui déstabilisa vraiment l’entourage royal fut son choix de bouleverser complètement son rythme de sommeil : il restait éveillé la nuit et dormait le jour. Cette habitude, commencée en 1728, dura jusqu’à sa mort 18 ans plus tard, forçant toute la cour à s’adapter à ce décalage extrême.
La reine elle-même se plaignit auprès de l’ambassadeur de France, évoquant la rareté de ses rencontres avec ses enfants, qui eux conservaient un emploi du temps normal. Les ministres étaient convoqués à deux heures du matin, tandis que le roi dînait à cinq heures du matin, illustrant l’impact profond de cette étrange routine sur la vie quotidienne au palais.
Le surnom de « Charles le Fou » ne présage rien de bon pour un souverain. Charles VI, roi de France de 1380 à 1422, incarne cette image tragique. Bien que son règne ait été long, son pouvoir resta largement limité, non pas à cause de ses ennemis, mais en raison de troubles mentaux qui affectèrent profondément sa capacité à gouverner.
Les épisodes de folie que connut Charles VI furent sources d’angoisse pour sa famille et la cour, transformant sa vie en véritable cauchemar. Lui-même subit de dures épreuves, exprimant parfois le souhait de mourir durant ses crises. Parmi ses délires récurrents, il croyait qu’il était fait de verre et refusait tout contact, craignant de se briser—aussi étrange que cela puisse paraître, cette illusion n’était pas isolée chez certaines familles royales.
Un témoignage d’un moine rapporte qu’à une époque, le roi passa cinq mois sans se laver ni changer de vêtements, s’alimentant et dormant à des heures irrégulières. Son comportement perturbé le poussait parfois à fuir le château, criant dans les rues, obligeant ses gardes à barricader toutes les sorties pour assurer sa sécurité.
Friedrich Wilhelm Ier a régné sur la Prusse de 1713 à 1740. Il est surtout connu aujourd’hui pour être le père du célèbre Frédéric le Grand. Cependant, son règne fut marqué par une personnalité redoutable et une nature profondément colérique, ne laissant personne indifférent, surtout ceux qui avaient le malheur de le contrarier.
Ce souverain était tristement célèbre pour sa rapidité à se mettre en colère et sa propension à la violence. Il suffisait de prononcer le nom de son ennemi juré, la France, pour le voir entrer dans une rage incontrôlable. Une anecdote illustre bien son tempérament : lorsqu’un passant pris de peur à sa vue tentait de fuir, le roi n’hésitait pas à le frapper en exigeant qu’on l’aime comme son roi. Dans une autre occasion, informé qu’une poste était fermée parce que le postier avait trop dormi, il se rendit chez lui pour le battre violemment.
Sa cruauté ne s’arrêtait pas là : s’il désapprouvait les décisions de ses juges, il n’hésitait pas à les frapper si sévèrement qu’ils en perdaient des dents. Mais les pires souffrances étaient réservées à son propre fils, Frédéric. Même à une époque où la sévérité paternelle n’étonnait guère, Friedrich Wilhelm dépassait toutes les limites. Le prince envoyait régulièrement des lettres à son père, le suppliant de lui expliquer la raison de tant de haine. Le roi allait jusqu’à reprocher à son fils d’accepter ainsi ces mauvais traitements, prétendant qu’il n’aurait jamais toléré un tel comportement de la part de son propre père.
En 1523, après que la Suède eut remporté son indépendance face au Danemark, Gustav Ier Vasa fut élu premier roi du pays nouvellement libéré. Si ses pairs, notamment ceux habilités à voter, ont reconnu en lui des qualités de leader, Gustav souffrait également de graves troubles de la gestion de la colère. Surnommé par ses adversaires « tyran et limier sanguinaire », il est probable que ces épithètes reflétaient aussi la perception qu’en avaient sa famille et ses proches.
Vivre sous le même toit que le roi signifiait souvent s’exposer à un danger physique immédiat. D’une nature violente et imprévisible, Gustav poussait certains à l’exil, préférant fuir plutôt que de risquer de rester auprès d’un souverain dont la folie semblait manifeste. Un épisode tristement célèbre dans l’histoire suédoise, surnommé « le Tonnerre de Vadstena », témoigne de cette instabilité : le roi arrache brutalement une poignée de cheveux de sa fille, la princesse Cecilia, en découvrant un homme dans sa chambre.
De même, lorsqu’un secrétaire le contraria, Gustav se saisit d’un couteau pour poursuivre le serviteur terrorisé. Ces victimes furent chanceuses, car d’autres succombèrent à la colère royale. Un joaillier, coupable d’avoir pris des vacances sans prévenir, fut battu à mort par le roi, furieux de ne pouvoir compter sur lui en temps voulu.
La Suède a célébré son indépendance du Danemark en 1523, mais ses deux premiers souverains ont laissé une impression pour le moins mitigée. Erik XIV, fils et héritier de Gustave Ier Vasa, était connu pour son tempérament colérique et violent, à l’image de son père. Le choix du chiffre romain XIV pour son règne fait référence à des rois suédois qui l’avaient précédé plusieurs siècles auparavant.
Ce qui distinguait Erik XIV, c’était sa paranoïa tenace. Il percevait des complots partout, qu’il s’agisse de petites infractions insignifiantes ou d’événements majeurs. Cette obsession lui fit accuser ses contemporains de comploter contre lui à tout instant.
Un incident banal, comme peindre à l’envers les armoiries royales, entraînait des arrestations. Erik soupçonnait même ses serviteurs de trahison lorsqu’il égarait les notes de ses discours. Son irritation pouvait se déclencher pour des raisons futiles : des vêtements jugés trop luxueux, un simple raclement de gorge, un murmure ou encore des objets mal placés pouvaient entraîner des sanctions graves, parfois mortelles.
Sa rage et sa suspicion ne faisaient aucune distinction, même envers les membres de sa famille. Il emprisonna son frère Jean, qu’il redoutait comme un rival, simplement parce qu’il avait épousé une femme à son désavantage. Sa nouvelle épouse fut également enfermée.
Parmi ceux qui subissaient particulièrement sa défiance, la noblesse suédoise fut durement réprimée : arrestations et exécutions étaient monnaie courante. En un de ses actes les plus sinistres, Erik XIV emprisonna puis poignarda de ses propres mains Nils Sture, un aristocrate qu’il accusait à tort de trahison.
Le duc de Windsor

L’abdication d’Édouard VIII constitue l’un des scandales les plus incroyables de l’histoire de la monarchie britannique. Lorsque, encore prince de Galles, il succombe au charme de Wallis Simpson, une Américaine divorcée et en instance de divorce pour un second mariage, il est loin d’imaginer que cette liaison bouleversera son destin. En 1936, une fois monté sur le trône, le choix devient clair : Wallis ou la couronne. Édouard VIII choisit alors l’amour au détriment du pouvoir.
Déchu et titré duc de Windsor, il quitte l’Angleterre pour mener une vie d’aristocrate riche mais profondément désœuvré. Au fil des décennies, il voyage à travers le monde, fréquentant les cercles des élites fortunées. Cependant, malgré cette existence en apparence privilégiée, le duc semble avoir un talent unique pour instaurer une atmosphère de lassitude pesante.
Le compositeur Noël Coward rapportait que même lorsqu’il dansait le charleston, qu’on imagine pourtant entraînant, le duc parvenait à rendre cela ennuyeux. Dans ses mémoires intitulées Palimpsest, l’écrivain Gore Vidal ne se prive pas d’ironiser sur cet homme : « Il avait toujours quelque chose d’une stupidité captivante à dire sur n’importe quel sujet, au point que je m’accrochais à ses paroles comme le courtisan le plus fervent de l’ancien régime. »
Cette capacité à l’ennui chronique ne laissait pas non plus indifférente sa future épouse. Wallis Simpson elle-même se souvient que leur tout premier échange portait sur un sujet des plus arides : le chauffage central. Elle n’hésita pas à lui signaler son choix de conversation des plus soporifiques.
À la mort de Catherine la Grande, son fils lui succéda sous le nom de Paul Ier de Russie. Si Catherine fut une souveraine brillante, Paul, lui, révéla rapidement ses failles. Dès l’enfance, sa nature paranoïaque et obsessionnelle se manifestait : ses éducateurs le décrivaient comme intelligent, mais sujet à des accès de colère incontrôlés pour les moindres motifs. Par exemple, à la mort de sa première épouse, il détruisit son mobilier en rage et interdit à quiconque de l’ensevelir jusqu’à l’intervention de sa mère.
Une fois couronné tsar, ces traits inquiétants devinrent un problème collectif. Paul Ier instaura des lois contraignantes au moindre détail de la vie quotidienne, imposant un code vestimentaire rigide patrouillé par des militaires qui arrêtaient ceux qui ne s’y conformaient pas, arrachant leurs tenues. Les femmes devaient s’allonger face contre terre dans la rue à l’approche du carrosse royal. Même en l’absence du tsar, passer devant le palais royal impliquait de retirer son chapeau. Plus surprenant encore, Paul interdit certains mots dans la langue russe.
Le comte Feodor Rostopchin, un proche du tsar, écrivait à son sujet : « Il est obsédé par l’idée que les gens ne le respectent pas et le méprisent… Le moindre retard, la moindre contradiction le mettent hors de lui, le plongeant dans une rage ardente ». Inévitablement, ce règne d’autoritarisme exacerbé se termina tragiquement : Paul Ier fut assassiné en 1801.
Princesse Alexandra Amalie de Bavière

La princesse Alexandra de Bavière incarne un destin royal singulier marqué par un mode de vie étrange qui influença profondément son entourage. Les historiens avancent aujourd’hui l’hypothèse qu’elle souffrait probablement d’un trouble obsessionnel compulsif (TOC) ou d’un trouble similaire. Bien que l’on ne puisse jamais certifier avec exactitude les afflictions mentales d’une femme décédée en 1875, plusieurs de ses comportements correspondent aux symptômes contemporains du TOC.
Alexandra était notamment obsédée par la propreté. À une époque où le bain était un luxe rare, elle ne portait que du blanc afin de détecter immédiatement toute trace de saleté sur ses vêtements. Elle vivait également convaincue d’avoir avalé un piano en verre durant son enfance, lequel risquait de se briser si quelqu’un la touchait. Cette croyance la contraignait à se déplacer avec une extrême précaution dans le palais, évitant scrupuleusement de heurter les encadrements des portes.
Si ces particularités peuvent sembler aujourd’hui étranges voire singulières, elles reflétaient néanmoins une réalité douloureuse pour la princesse et son entourage. Son père l’empêcha de se marier, craignant les conséquences de ses troubles. À sa mort à 49 ans, son neveu, le roi Louis II de Bavière, témoigna avec compassion : « Bien qu’il soit toujours douloureux pour les survivants lorsqu’un membre quitte à jamais le cercle familial, cela fut véritablement une délivrance dans le cas de notre chère tante Alexandra. Ses souffrances continues liées à sa maladie nerveuse étaient rarement interrompues par des instants de bonheur ».
Ernest Auguste de Hanovre, cinquième fils de George III d’Angleterre, devint en 1837 l’héritier du trône de Hanovre, en Allemagne, en raison de règles complexes liées aux enfants illégitimes et à la succession féminine. Considéré comme le plus intelligent de ses frères, il gâcha néanmoins cette réputation par son caractère profondément désagréable.
Des rumeurs scandaleuses circulaient à son sujet, le présentant comme un véritable psychopathe. On l’accusait notamment d’avoir agressé sexuellement sa sœur, assassiné son valet, ou encore poussé un homme au suicide après une liaison avec la femme de ce dernier. Heureusement pour les possibles victimes, ces accusations furent démenties et souvent attribuées à une campagne de calomnies menée par des politiciens whigs opposés à ses positions politiques. Toutefois, son impopularité était telle que le public accepta volontiers ces histoires.
Ernest Auguste se fit détester autant par ses contemporains que par ses sujets. Il entra en conflit avec le Parlement britannique pour obtenir une revalorisation de son allocation royale et participa à de nombreuses affaires obscures, ce qui le conduisit à s’exiler volontairement hors d’Angleterre pendant dix ans. De retour en 1828, il tenta immédiatement de faire échouer une loi importante, motivé par son intolérance envers les catholiques. Une fois devenu roi de Hanovre, il abolit la constitution locale et gouverna avec une autorité brutale. À sa mort en 1851, il était également profondément haï dans son royaume.
Ivan le Terrible de Russie

Ivan IV, surnommé Ivan le Terrible, régna sur la Russie de 1547 à 1584. Ce sobriquet, loin d’être une exagération, reflète l’image d’un tyran impitoyable qui écrasait son peuple avec brutalité. Il dirigeait avec une poigne de fer, s’appuyant sur une escouade royale chargée d’éliminer des villages entiers, semant la terreur à grande échelle.
Mais Ivan ne se limitait pas à la cruauté envers ses sujets : il infligeait des traitements horribles à sa propre famille, en particulier aux femmes. Dans sa vision autoritaire, les femmes étaient considérées comme des objets jetables. Il épousa entre cinq et huit femmes au cours de sa vie, les répudiant à sa guise, ce qui explique l’incertitude sur leur nombre exact.
Ses trois premières épouses sont décédées, dont les deux dernières dans un laps de temps rapproché, soulevant des soupçons quant à son implication dans leurs morts. Deux autres épouses furent contraintes de rejoindre un couvent, et des rumeurs circulaient sur une femme noyée après une seule nuit de mariage. Cette violence s’étendait même aux épouses de ses fils : il força une belle-fille à devenir nonne, puis reproduisit ce geste avec sa remplaçante.
Ivan n’épargnait pas les femmes enceintes non plus. Il infligea une violente correction à la femme enceinte de son autre fils simplement parce qu’elle portait des vêtements qu’il désapprouvait, provoquant une fausse couche. Bien que la plupart des actes cruels du tsar visaient les femmes de sa famille, son geste le plus tragique fut contre son fils aîné, également nommé Ivan. Lorsque ce dernier confronta son père à propos de la fausse couche de son épouse, Ivan le Terrible le battit à mort.
Élisabeth d’Autriche, plus connue sous le surnom de Sissi, incarne l’une des figures historiques les plus fascinantes, souvent admirée pour sa beauté légendaire. Mariée à seulement 16 ans au futur empereur d’Autriche, elle fut rapidement confrontée à un environnement de cour étouffant où elle ne détenait aucun pouvoir politique réel.
Consciente que sa seule arme était son apparence, elle développa une obsession presque dangereuse pour préserver sa beauté. Elle fit installer une salle de gym dans ses appartements, un lieu de remise en forme rare à l’époque, même chez les hommes, et s’exerçait quotidiennement. En parallèle, elle pratiquait l’équitation pour maintenir sa silhouette, un effort qui, selon certains témoignages, l’a conduite à souffrir d’anorexie.
Sa vision de la maternité était également singulière : d’après sa nièce, Élisabeth considérait que « les enfants sont une malédiction pour leur mère, car ils détruisent la beauté… le don unique que Dieu nous accorde ». Cette obsession du paraître était telle qu’avec l’âge, elle refusait que quiconque, même ses gardes du corps, la voie nue, rendant leur tâche particulièrement complexe. Sur les photographies, elle dissimulait fréquemment son visage derrière un éventail et évitait de poser pour des portraits.
Pour échapper à cette pression, Élisabeth entreprit de nombreux voyages à travers l’Europe. Ces déplacements engendraient parfois des troubles, car elle n’hésitait pas à s’inviter chez des inconnus, qu’il s’agisse de simples citoyens ou de membres de familles royales. Cette quête incessante de jeunesse et de beauté prit fin tragiquement en 1898, lorsque l’impératrice fut assassinée à l’âge de 60 ans.
Yōzei fut le 57e empereur du Japon, accédant au trône à l’âge de seulement 9 ans en 876 après J.-C. Bien qu’il ait vécu jusqu’à 81 ans, il fut déposé alors qu’il était encore adolescent, après un règne de seulement huit ans, car son entourage avait compris qu’il souffrait de troubles psychologiques graves.
Les archives détaillées de son règne sont rares, mais les récits qui subsistent dépeignent un jeune souverain violent et meurtrier. Dès son enfance, Yōzei prenait plaisir à observer des animaux s’entretuer, avant de passer à la chasse et au massacre d’animaux par lui-même. Il parcourait les villages à cheval en fouettant les passants, enlevait des jeunes filles qu’il attachait avant de les jeter dans des lacs. Dans un acte macabre, il força un courtisan à grimper dans un arbre, puis le menaça avec son épée jusqu’à ce que l’homme tombe et meure.
Si d’autres meurtres sont évoqués dans les rumeurs, c’est cet ultime acte qui convainquit son entourage de sa dangerosité. Son oncle Mototsume, régent durant sa jeunesse, utilisa son pouvoir pour le destituer en 884. Toutefois, même après son abdication, Yōzei resta une menace si sérieuse que l’empereur Uda, monté sur le trône trois ans plus tard, constitua une garde rapprochée d’élite spécialement chargée de le protéger d’éventuelles actions néfastes du souverain déchu.
Mary de Teck

Mary de Teck, épouse du roi George V d’Angleterre, suscite encore des débats parmi les historiens quant à sa réputation supposée de kleptomane. Il est certain qu’elle affectionnait particulièrement les petits objets et meubles, notamment ceux liés à sa famille. En 1909, elle écrivait à sa tante : « C’est vraiment incroyable ce que George et moi avons réussi à rassembler depuis notre mariage, une collection fort respectable d’objets familiaux… sans pour autant dépenser beaucoup d’argent. Je dois avouer que je ressens une certaine fierté pour nos efforts ».
Mais il semble aussi qu’elle avait tendance à retarder, voire éviter, de payer ses acquisitions. À Londres, les commerçants se plaignaient souvent que la reine fréquentait leurs boutiques sans régler ses factures rapidement.
Certains récits historiques vont plus loin et suggèrent que Mary de Teck avait une manière particulière d’obtenir des objets : elle flattait avec insistance ceux qui possédaient les pièces qui lui plaisaient, insistant ardemment jusqu’à ce qu’on lui offre l’objet. Si l’offre ne venait pas, et si l’objet était assez petit, certains affirment qu’elle le glissait discrètement dans son sac avant de partir. Quoi qu’il en soit, ces récits relèvent plus de la fascination pour les biens d’autrui que d’un trouble pathologique, car une véritable kleptomanie exige un élément compulsif dont Mary ne semble pas avoir fait preuve.
