Sommaire
Les débuts en tant que colonie pénitentiaire

Pour situer le contexte : en 1788, les autorités britanniques établissent la colonie de la Nouvelle-Galles du Sud et la conçoivent dès l’origine comme une colonie pénitentiaire. Cette orientation a façonné durablement la société australienne et explique en partie l’imagerie populaire qui associe encore aujourd’hui l’île-continent à des récits de dureté et de survie.
- Début officiel en 1788.
- La région a fonctionné comme un véritable État carcéral pendant près de huit décennies.
- Environ 160 000 condamnés y ont été envoyés au fil du temps.
Les effets de cette période sont persistants : on estime qu’environ 20 % des Australiens contemporains peuvent retracer une partie de leur arbre généalogique jusqu’à un forçat envoyé par les Britanniques. Parmi eux, des personnalités publiques ont reconnu des ancêtres déportés — certains condamnés très jeunes, parfois pour des délits mineurs.
La relation de l’Australie à son passé de déportation est ambivalente. Au fil des générations, le regard collectif est passé de la mise à l’écart de ces mémoires à une reconnaissance plus nuancée, voire une certaine fierté identitaire chez certains. Il convient de rappeler que l’envoi de bagnards n’était pas limité aux criminels violents : de nombreux condamnés l’étaient pour des vols ou d’autres infractions jugées à l’époque sévèrement.
La vie dans les colonies pénitentiaires australiennes était d’une extrême dureté et a laissé des traces profondes dans la mémoire sociale. Dans la section suivante, on examinera comment ces conditions ont façonné la démographie, la culture et les institutions locales.
Pourquoi l’Australie a-t-elle été transformée en colonie pénitentiaire ?

Pour comprendre l’instauration des colonies pénitentiaires australiennes, il faut replacer la situation dans le contexte britannique de la fin du XVIIIe siècle : ce n’était pas l’effet d’une décision opportuniste devant une île immense, mais la réponse à une crise sociale profonde.
La révolution agricole a fortement transformé la vie rurale. La mécanisation des exploitations a réduit le besoin de main-d’œuvre, provoquant un exode massif vers les villes où le chômage et la pauvreté ont rapidement augmenté.
Face à ces difficultés, de nombreux habitants ont basculé vers la délinquance pour subsister. Les délits étaient souvent mineurs — vol de bétail, chapardage de fruits — mais si répandus que les prisons britanniques se sont vite retrouvées saturées.
Plusieurs facteurs ont alors convergé pour rendre la transportation vers l’Australie attrayante comme solution :
- la pénurie d’espace dans les établissements pénitentiaires en Grande-Bretagne ;
- la volonté d’expulser les éléments jugés indésirables plutôt que de tenter leur réinsertion ;
- une vision élitiste et pessimiste à l’égard des criminels, considérés pour beaucoup comme irrécupérables.
En pratique, ces éléments ont abouti à une politique où même des infractions mineures pouvaient entraîner la déportation. C’est ainsi que la logique répressive de l’époque a favorisé la création des colonies pénitentiaires australiennes, transformant une solution d’urgence en un système durable.
Des infractions qui entraînaient la déportation

En poursuivant l’examen des colonies pénitentiaires australiennes, on découvre que, aux XVIIIe et XIXe siècles, les motifs de déportation pouvaient être étonnamment variés. Les archives judiciaires de l’époque révèlent une liste de condamnations qui va des crimes les plus graves aux larcins les plus insignifiants.
Parmi les infractions considérées comme graves figuraient le meurtre, l’homicide involontaire, les agressions, le vol à main armée, la bestialité, l’enlèvement d’enfants, les émeutes et d’autres actes de violence. Ces délits entraînaient presque toujours des peines de transport vers les colonies.
Cependant, une partie importante des condamnations concernait des vols mineurs — parfois pour des objets de peu de valeur. On retrouve, dans les registres, des condamnations pour des larcins tels que :
- pommes de terre ou du maïs
- un chapeau, une toge ou des vêtements
- une brosse à cheveux, un peigne ou des rubans de perruque
- du linge, des mouchoirs ou des serviettes
- outils modestes comme une pelle ou un seau
- soieries et autres tissus
Ces infractions, bien que paraissant dérisoires aujourd’hui, pouvaient conduire à des peines de plusieurs années de déportation. Des cas individuels illustrent cette réalité :
- John Nicholls fut condamné à 50 ans pour des vols comprenant rasoirs, soie, peignes en ivoire, rubans de perruque et cheveux humains.
- Janet Campbell écopa de sept ans pour le vol d’un mouchoir, d’une chemise et d’un seau.
- Edward (le Jeune) Cushing fut condamné à sept ans pour avoir laissé des brebis s’accoupler avec un bélier d’une race différente.
Ces exemples montrent combien la frontière entre crime grave et délit mineur était floue, et comment la justice pénale de l’époque alimenta la main-d’œuvre des colonies pénitentiaires australiennes.
La vie était terrible dès que l’on prenait la mer

Enchaîner le voyage était souvent le premier calvaire pour les condamnés envoyés vers les colonies pénitentiaires australiennes. Les navires les plus grands faisaient près de 210 pieds de long et pouvaient embarquer jusqu’à 300 détenus en plus de l’équipage et des vivres, créant des conditions d’entassement extrêmes.
Entre 1776 et 1795, environ 6 000 personnes furent expédiées vers ces destinations lointaines ; près de 2 000 d’entre elles ne survécurent pas au voyage. Les épidémies de choléra et de typhoïde étaient fréquentes, alimentées par l’insalubrité et l’entassement à bord.
- Survie compromise par les maladies infectieuses et l’hygiène déplorable.
- Rations très maigres : le plus souvent une soupe et des biscuits quotidiens.
- Coûts maintenus au minimum, au prix d’une humanité sacrifiée.
Fait moins connu : tous les condamnés n’ont pas traversé les océans. Certains furent relégués à bord de « hulks », des navires pontés restés au port en Angleterre, où ils vivaient et travaillaient sans être déplacés. Pendant leur peine, ils effectuaient 10 à 12 heures de travaux exténuants — curage des rivières, taille de pierres, transport de bois — avant de regagner leurs couchettes à bord.
Ces hulks étaient majoritairement exploités par des propriétaires privés sous contrat avec les autorités, une pratique qui fut progressivement remplacée par des administrations gérées directement par l’État au début du XIXe siècle, sans pour autant renoncer à l’impératif d’économies. Ces conditions en mer et sur les navires-hôpitaux annonçaient déjà la dure réalité des colonies pénitentiaires australiennes.
Le First Fleet, mal préparé pour l’Australie

Dans le récit des colonies pénitentiaires australiennes, l’arrivée du First Fleet en 1788 marque un épisode révélateur d’impréparation. Onze navires accostèrent alors — six transportant des condamnés, trois chargés de vivres et deux servant d’escortes — pour établir une colonie à partir de rien. Environ mille personnes mirent pied à terre et découvrirent surtout un territoire dépourvu d’infrastructures.
La construction du camp dut commencer immédiatement : abris de fortune, extraction de pierres, abattage d’arbres, creusement d’argile et tracé des premières voies. Les Autochtones évitèrent d’abord tout contact après une terrible épidémie de variole qui avait décimé des communautés locales. En 1790, une confrontation fit même un blessé parmi les officiers du convoi, ce qui aboutit ensuite à une coexistence tendue mais fonctionnelle.
Les difficultés quotidiennes furent nombreuses :
- les détenus n’étaient pas des travailleurs volontaires et la discipline était fragile ;
- le vol, les troubles et l’ivresse étaient monnaie courante ;
- l’agriculture se révéla plus ardue que prévu, avec des rations souvent pourries ou infestées de rats ;
- les tentatives de ravitaillement, y compris des voyages lointains, échouèrent à plusieurs reprises.
Ce n’est qu’à partir de 1792 que l’on commença à voir des bâtiments se structurer et des habitants s’installer dans des fonctions adaptées à leurs compétences. Malgré ces progrès, la menace d’affrontements et de rébellions avec des peuples autochtones voisins resta une préoccupation constante, influençant durablement l’évolution des colonies pénitentiaires australiennes.
La Nouvelle‑Zélande envoyait aussi ses « criminels »

Dans la continuité des récits sur les colonies pénitentiaires australiennes, la Nouvelle‑Zélande joue un rôle moins connu mais tout aussi troublant. Devenue colonie britannique en 1840, elle commença dès 1843 à expédier des détenus vers l’Australie, participant ainsi au réseau colonial de déportation.
La catégorie de « criminels » envoyés outre‑mer était cependant élargie de manière inquiétante. Outre des meurtriers et des voleurs condamnés à être envoyés à Van Diemen’s Land (aujourd’hui la Tasmanie), beaucoup furent condamnés pour avoir résisté à la colonisation britannique.
Parmi les personnes déportées figuraient notamment :
- des guerriers maoris considérés comme les plus courageux et les plus menaçants pour l’ordre colonial ;
- des soldats britanniques — les redcoats — qui avaient déserté, souvent après avoir mesuré la violence des combats contre les Maoris ;
- des hommes condamnés pour des faits comme avoir frappé un supérieur, un délit fréquemment puni par la transportation.
La déportation des chefs et guerriers maoris visait à envoyer un message clair aux communautés qui résistaient : punir la dissidence politique et militaire en l’assimilant à un crime méritant l’exil. À côté de cela, certains soldats choisissaient délibérément des voies « légales » pour éviter le front — frapper un officier devenait paradoxalement un moyen d’échapper au combat.
Enfin, la situation était parfois plus nuancée : des déserteurs furent capturés et remis à leurs unités par des Maoris alliés aux Britanniques, tandis que d’autres obtenaient leur salut en provoquant une condamnation pour insubordination. Ces pratiques illustrent combien la logique répressive de l’empire s’appuyait autant sur la dissuasion que sur la gestion des conflits locaux.
Cette page du passé éclaire d’une lumière crue la complexité des colonies pénitentiaires australiennes et les tensions qui les alimentaient, entre répression coloniale et stratégies individuelles de survie.
Pas de limite d’âge dans les colonies pénitentiaires

Poursuivant l’examen des pratiques des colonies pénitentiaires australiennes, on découvre une règle implacable : l’âge n’exemptait personne de la déportation. Que l’on soit enfant ou personne âgée, la réponse à la question «transportation?» était presque toujours affirmative.
Des enfants étaient envoyés en Australie dès l’âge de neuf ans. À leur arrivée, ils ne bénéficiaient d’aucun traitement particulier et devaient se débrouiller comme les autres condamnés.
- Ils devaient trouver leur propre logement et gagner leur vie.
- Ils recevaient généralement une seule tenue de rechange.
- Leur couche se résumait souvent à un hamac dans des baraquements de travail.
- Ils intégraient des «gangs» de travail allant du petit matin jusqu’au coucher du soleil.
La déportation frappait aussi aux âges extrêmes. En 1787, Dorothy Handland embarqua à bord du Lady Penrhyn et arriva en Nouvelle-Galles du Sud en janvier 1788. Condamnée à sept ans pour parjure, elle avait 82 ans au moment du départ.
Son destin reste incertain : certains récits affirment qu’elle se serait suicidée en 1789 — ce qui en ferait l’un des premiers suicides documentés dans la colonie — tandis que d’autres indiquent qu’elle aurait purgé sa peine et serait retournée en Angleterre en 1793. Ces variations témoignent des lacunes et des contradictions des archives de l’époque.
Ces témoignages contrastés, qu’ils concernent de très jeunes enfants ou des personnes très âgées, illustrent la dureté et l’arbitraire des colonies pénitentiaires australiennes.

Dans le récit des colonies pénitentiaires australiennes, un épisode illustre crûment comment les logiques coloniales ont réduit des femmes à des rôles utilitaires. À l’arrivée des premiers navires, les autorités constatèrent rapidement le manque d’eau potable, d’abris et, surtout, de femmes. Pour y remédier, il fut décidé d’envoyer sans délai un convoi de condamnées afin de « promouvoir des unions matrimoniales, améliorer les mœurs et assurer la colonisation ».
Le navire Lady Juliana embarqua ainsi 225 femmes, envoyées loin de chez elles avec l’objectif implicite de stabiliser la population masculine sur place. Beaucoup de ces femmes étaient déjà, par profession ou par nécessité, des prostituées ou de petites voleuses. Au fil d’un voyage d’environ dix mois, plusieurs d’entre elles gagnèrent de l’argent et certaines tombèrent enceintes — au point que le navire arriva en Australie avec plus de bébés qu’à son départ.
- Navire : Lady Juliana.
- Nombre de passagères : environ 225 femmes.
- Durée du voyage : près de dix mois.
- Situation à l’arrivée : de nombreuses femmes étaient enceintes ou venaient d’accoucher.
- Surnom donné par la population : le « bordel flottant ».
Cette arrivée provoqua d’abord de la consternation : des détenus et colons affamés attendaient des approvisionnements, pas davantage de bouches à nourrir. Cependant, quelques semaines plus tard, avec l’arrivée de navires de ravitaillement, la présence de femmes fut finalement perçue différemment, plus utile qu’incommodante.
En somme, cet épisode met en lumière les tensions entre impératifs démographiques et dignité humaine au cœur des colonies pénitentiaires australiennes, et prépare le terrain pour les réalités sociales et morales qui suivront.
Le « Sydney Slaughterhouse » était en réalité un hôpital

En prolongeant notre lecture sur les colonies pénitentiaires australiennes, il est révélateur de constater que le bâtiment surnommé le « Sydney Slaughterhouse » n’avait rien à voir avec la boucherie que suggère son nom.
Officiellement appelé General Hospital ou Rum Hospital, il avait été financé par un accord très particulier : l’échange du droit exclusif d’importer 45 000 gallons de rhum dans la colonie. Malgré son statut hospitalier, l’endroit était redouté et associé à des pratiques médicales éprouvantes pour les patients.
À l’époque, la médecine vétérane laissait souvent place à des traitements étranges et parfois cruels. Parmi les pratiques courantes figuraient :
- la saignée systématique, fondée sur la théorie des humeurs et considérée comme bénéfique pour de nombreuses affections ;
- les opérations sans anesthésie, réalisées dans les quartiers du chirurgien ;
- des remèdes empiriques et surprenants consignés par des praticiens de l’époque, témoignant d’une experimentation parfois désespérée.
Le chirurgien William Redfern a laissé des notes qui donnent un aperçu frappant de ces pratiques : on y trouve des traitements tels que le frottement de plaies avec un crapaud vivant ou l’application d’une cataplasme de figues bouillies dans du lait pour soigner un cancer. Ces recettes, autant que ses tentatives de fabriquer de l’or, témoignent d’une médecine encore très expérimentale.
Les blessures liées aux accidents (les explosifs et autres dangers) et les séquelles des flagellations rendaient les visites à l’hôpital fréquentes — et redoutées. Ainsi, ce lieu illustre à la fois la rudesse des conditions et l’ingéniosité parfois hasardeuse des soins dispensés au sein des colonies pénitentiaires australiennes.
Norfolk Island : l’exil absolu des récidivistes

Poursuivant l’étude des colonies pénitentiaires australiennes, l’île Norfolk illustre l’extrême brutalité de ce système d’exil. En 1824, les autorités britanniques décidèrent d’y envoyer les détenus dont le comportement demeurait irrémédiablement dangereux — des hommes condamnés « pour toujours », privés de tout espoir de retour.
La vie y était faite de travaux pénibles et de châtiments physiques d’une sévérité extrême : certains condamnés subirent jusqu’à 500 coups de fouet. L’isolement et la discipline impitoyable faisaient de Norfolk un lieu redouté, décrit par les contemporains comme un enfer sur terre.
Une dimension particulière de la répression concernait les prisonniers irlandais. L’île fut l’une des premières destinations pour les rebelles irlandais, et les récits d’époque rapportent une méfiance systématique à leur égard. Lorsqu’un navire non britannique était aperçu, les détenus irlandais étaient parfois enfermés dans une palissade en bois — palissade qui pouvait ensuite être incendiée si l’atterrissage du navire semblait annoncer un soulèvement.
- Exil définitif : interdiction quasi totale de retour.
- Travail forcé quotidien et punitions corporelles sévères.
- Traitement discriminatoire à l’encontre des prisonniers irlandais.
Les conditions étaient si désespérées que certains détenus, notamment des catholiques incapables de se suicider pour des raisons de foi, préféraient commettre des infractions passibles de la peine capitale pour échapper autrement à cet enfermement prolongé. Ces destins tragiques soulignent jusqu’où allaient les excès des colonies pénitentiaires australiennes et l’ombre durable qu’ils ont jetée sur l’histoire coloniale.
Certains plongèrent plus profondément dans le crime

State Library of Victoria / Wikimedia Commons
Poursuivant le récit des colonies pénitentiaires australiennes, la figure du « bushranger » oscille entre mythe héroïque et réalité brutale. Dans la culture populaire, ces hors-la-loi tiennent une place voisine de Robin des Bois ou des bandits du Far West américain, mais la vérité est bien plus nuancée.
Beaucoup de bushrangers étaient des condamnés britanniques ou irlandais évadés des colonies pénitentiaires australiennes, lassés des travaux forcés et trouvant refuge dans l’immensité du bush. Le premier d’entre eux est souvent identifié comme John Caesar, surnommé « Black Caesar » : il survécut principalement par la chasse, la pêche et ses contacts avec les populations locales, sans prendre le chemin de la violence systématique.
- Alexander Pearce — capturé avec de la « chair humaine » sur lui, il fut finalement pendu pour cannibalisme.
- Dan « Mad Dog » Morgan — célèbre pour sa cruauté : il torturait parfois ses victimes et a même tiré sur un homme qui lui avait simplement dit bonjour.
- Benjamin « Brave » Hall — chef d’une bande responsable de plus d’une centaine de braquages à main armée, sans toutefois être associé à des meurtres.
- Martin Cash — surnommé le « Gentlemen Bushranger », il ciblait les riches et mourut paisiblement à 69 ans.
- Charles « Black Douglas » Russell — connu pour des méthodes terrifiantes, comme ligoter ses victimes puis remplir leurs bottes de fourmis tueuses, une mort particulièrement cruelle.
Ces parcours variés — du survivant farouche au criminel sadique — montrent l’ambivalence des récits nés des colonies pénitentiaires australiennes. Souvent célébrés comme symboles d’une identité nationale rebelle, les bushrangers restent des personnages aux actes et aux motivations profondément contradictoires.
Les enfants des bagnards ont grandi plus grands que leurs pairs britanniques

Dans le contexte des colonies pénitentiaires australiennes, une découverte contre-intuitive apparaît dans les données démographiques : les descendants des condamnés transportés vers l’Australie présentaient, en moyenne, une stature supérieure à celle de leurs homologues restés au Royaume-Uni.
Une étude fondée sur les archives rassemblées par le projet Digital Panopticon, rapportée par The Conversation, a analysé des dizaines de milliers de dossiers. Elle révèle que les enfants de ces condamnés étaient en moyenne plus de quatre centimètres plus grands que leurs parents d’origine, qu’ils viennent de Grande-Bretagne ou d’Irlande.
Les chercheurs attribuent ce gain de taille à plusieurs facteurs complémentaires :
- Une sélection par la survie : les premières traversées furent meurtrières, et seuls les plus robustes embarquèrent sur les voyages ultérieurs, ce qui a laissé une population de colons physiquement plus résistante.
- Des conditions de vie relativement meilleures : l’air était souvent plus pur, l’eau plus claire et la nourriture plus abondante et riche en protéines que dans les villes britanniques surpeuplées.
- Des dynamiques familiales différentes : les femmes condamnées n’avaient généralement pas d’enfants avant d’avoir purgé leur peine, et, au final, elles eurent moins d’enfants, ce qui peut avoir favorisé de meilleures conditions de santé et de croissance pour chaque enfant.
Au total, ces éléments expliquent pourquoi, malgré la rudesse des débuts, la génération née dans les colonies pénitentiaires australiennes a présenté des traits physiques et une santé apparente supérieurs à ceux de leurs pairs restés au Royaume-Uni, illustrant ainsi un paradoxe démographique au cœur de cette page d’histoire.
L’histoire du dernier bagnard d’Australie

Poursuivant le fil des colonies pénitentiaires australiennes, il est surprenant de constater à quel point ces épisodes sont récents à l’échelle historique. Le dernier navire de déportation accosta en 1868, soit seulement quelques années après la guerre de Sécession américaine.
Le dernier bagnard encore vivant, Samuel Speed, est décédé en 1938, à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Né à Birmingham en 1841, il vivait dans l’Oxfordshire lorsqu’il se retrouva sans abri et mit le feu à une meule de foin dans l’espoir d’être arrêté et de passer la nuit au chaud en cellule.
Au lieu d’une simple nuit en prison, Speed fut condamné à sept ans de transportation et envoyé en Australie en 1863. Son parcours est atypique : libéré sous condition en 1869, il obtint sa pleine liberté deux ans plus tard et devint conducteur de travaux, sans retourner au crime par la suite.
- Dernier départ de navires de transport de condamnés : 1868.
- Samuel Speed — naissance : 1841 (Birmingham) ; déportation : 1863 ; libération conditionnelle : 1869.
- Beaucoup d’autres déportés n’eurent pas la même issue : près de 80 % des personnes débarquées lors du dernier convoi retombèrent dans la délinquance.
Ce récit individuel éclaire la complexité et la violence du système pénal colonial, tout en montrant que des trajectoires de réinsertion étaient parfois possibles, même dans le cadre brutal des colonies pénitentiaires australiennes. Cette histoire prépare la suite de notre exploration.
