La relation ambivalente entre les humains et les chats remonte à des siècles, oscillant entre affection et méfiance. Si aujourd’hui les vidéos de chats malicieux amusent des millions d’internautes, au Moyen Âge, les félins noirs étaient au cœur de superstitions profondément ancrées dans la société. Considérés comme porteurs de malchance, ces animaux étaient associés aux sorcières, aux balais et aux figures cauchemardesques, faisant d’eux les symboles vivants de présages funestes.
Selon certaines hypothèses, cette peur des chats noirs s’est amplifiée à l’époque médiévale, notamment en Espagne au XVIe siècle, où ils étaient perçus comme des agents du mal ou des familiers des sorcières capables de se transformer ou d’espionner leurs victimes. Leur nature nocturne, leurs yeux brillants dans l’obscurité et leur discrétion ont alimenté des légendes accusant ces félins d’être des créatures démoniaques.
Cette crainte fut portée à son paroxysme par le pape Grégoire IX, souverain pontife entre 1227 et 1241, initiateur de l’Inquisition, une période marquée par une persécution intense contre l’hérésie. En 1233, un inquisiteur du nom de Conrad de Marbourg affirma découvrir l’existence d’un culte satanique vénérant un grand chat noir. En réponse, Grégoire IX édicta la bulle papale Vox in Rama, un décret condamnant ce qu’il qualifiait de « lucifériens » et décrivant en détail des rituels démoniaques dans lesquels les chats noirs étaient présentés comme l’incarnation même du Diable, décrit comme un être « mi-homme, mi-félin ».
Cette décision papale renforça le pouvoir de l’Église et encouraga une chasse acharnée non seulement contre les prétendus hérétiques mais aussi contre leurs supposés alliés félins. Les chats noirs furent ainsi persécutés pendant plusieurs siècles, laissant un héritage durable dans la culture européenne où leur présence se fit rare, notamment en Europe occidentale.
Toutefois, l’histoire réserve une ironie : environ un siècle après cette condamnation, la peste noire décima environ 60 % de la population européenne entre 1346 et 1353. Cette pandémie dévastatrice, transmise par les puces des rats, est devenue tristement célèbre. Or, l’extermination des chats avait réduit un élément naturel majeur de la régulation des populations de rongeurs, contribuant ainsi à propager la maladie mortelle. Les témoignages d’époque décrivent des villes envahies par la mort, où les dépouilles s’entassaient comme des couches dans un plat de lasagnes.
Malgré les connaissances actuelles, les chats noirs continuent de pâtir d’une mauvaise réputation injustifiée. Leur histoire complexe mêle croyances, peur et persécutions, mais rappelle également leur rôle essentiel dans l’équilibre naturel et culturel à travers les âges.