
Le shanghaiing, pratiqué entre le XVIe et le XIXe siècle, représente une forme précoce de traite des hommes qui s’apparentait souvent à un véritable enlèvement. Toutefois, cette pratique ciblait exclusivement des hommes adultes, ce qui la distinguait du kidnapping classique.
À l’apogée de l’ère maritime, l’Europe vivait une période d’exploration, de conflits et d’intenses échanges commerciaux par la mer. Cette expansion exigeait un grand nombre d’hommes pour constituer les équipages, mais peu étaient volontaires en raison des conditions difficiles à bord des navires et des risques encourus.
Pour pallier ce manque, des groupes connus sous le nom de « press gangs » ou « crimps » furent chargés de recruter de force des hommes. Ces derniers étaient souvent drogués, assommés, ou leur signature était contrefaite sur des contrats d’embarquement. Quand leur identité était inconnue, ils se voyaient attribuer un nom fictif afin de compléter les formalités.
Les confrontations violentes entre ces bandes et leurs victimes ne manquaient pas, mais les recruteurs étaient généralement en supériorité numérique. Cette méthode, si répandue en Europe, s’exporta jusqu’aux États-Unis naissants.

En 1757, durant la période où les États-Unis étaient encore sous domination britannique, une opération massive eut lieu à New York : 3 000 soldats britanniques contraignirent 400 hommes, souvent extraits de tavernes, à monter de force à bord de navires.
Les recruteurs préféraient des marins expérimentés, mais comme leur rémunération dépendait du nombre d’hommes embarqués, ils n’hésitaient pas à prendre des hommes sans connaissance maritime. En effet, plusieurs postes à bord ne nécessitaient pas d’expérience spécifique, permettant d’intégrer des travailleurs issus de divers corps de métier.
Une société de press gangs prospère en 1890 pouvait générer un revenu annuel équivalent à environ 250 000 dollars actuels, témoignant du business lucratif que représentait cette activité.
Le shanghaiing se développa principalement dans les villes côtières américaines comme New York, San Francisco et Portland. Certaines fortunes américaines contemporaines doivent d’ailleurs leurs origines à ces pratiques, bien que ces familles préfèrent en garder le secret.
Face à cette situation, le Congrès américain a adopté en 1906 une loi interdisant formellement le shanghaiing, renforcée par la création d’un syndicat des marins, mettant ainsi un terme à cette forme coercitive d’embarquement.
