Selon la légende sportive à Chicago, la malédiction qui aurait empêché les Cubs de remporter la Série mondiale pendant 108 ans serait née d’un incident impliquant une chèvre. En 1945, William Sianis, propriétaire du Billy Goat Tavern, tenta d’emmener son animal, une chèvre, au quatrième match de la Série mondiale. Si le propriétaire fut autorisé à entrer, son compagnon à quatre pattes fut expulsé, ce qui incita Sianis à maudire les Cubs, les condamnant à ne jamais décrocher le championnat. Cette malédiction semblait se matérialiser deux décennies plus tard, lorsqu’un chat noir fit son apparition lors d’un match crucial, au moment où les Cubs menaient face aux New York Mets.
En 1969, alors que les Cubs détenaient une faible avance en Ligue nationale, un chat noir mystérieux s’approcha des bancs de l’équipe de Chicago, semblant contrarier leur bonne étoile. Le troisième but Ron Santo déclara alors, pris d’un sombre pressentiment, « Oh mec, on est foutus maintenant ». Les Mets remportèrent finalement la Série mondiale cette année-là, et la malchance des Cubs se perpétua pendant des décennies. Ce récit illustre comment le chat noir est devenu le symbole personnifié du mauvais sort, mais d’où provient réellement cette superstition ?
La mauvaise réputation des chats noirs trouve ses racines dans la tentative du christianisme médiéval de discréditer les croyances païennes. Historiquement, les chats jouissaient d’un statut privilégié dans de nombreuses civilisations antiques. En Égypte, par exemple, tuer un chat équivalait à signer sa propre condamnation à mort. En Inde ancienne, les chats étaient vénérés et une déesse féline, Sastht, faisait l’objet de cultes. En Chine, Li Shou, une déesse capable de prendre forme de chat, symbolisait la protection. Les Romains, quant à eux, appréciaient les chats tant pour leur compagnie que pour leur rôle de chasseurs. Cependant, cette image positive s’effaça progressivement au Moyen Âge.
En 1233, le pape Grégoire IX publia le fameux décret Vox in Romana, affirmant : « Tu ne souffriras point un chat de vivre ». Ce texte associait les chats, et notamment les chats noirs, aux sorcières et au diable, contribuant à une persécution violente de ces animaux. Les félins à la robe sombre devinrent les principales victimes de cette chasse aux sorcières, assimilés au mal en raison de leur pelage et de leur mystère. Cette stigmatisation médiévale a traversé les siècles et explique aujourd’hui encore la superstition associant les chats noirs à la malchance.
Les chats noirs demeurent ainsi les principales « boucs émissaires » dans la culture populaire, plus encore que la fameuse chèvre liée à la malédiction des Cubs. En 2019, un nouvel épisode a remis en lumière cette croyance lorsqu’une « malédiction du chat noir » fut attribuée à la perte de l’équipe des New York Giants face aux Dallas Cowboys. Cette crainte rend même l’adoption des chats noirs plus difficile dans les refuges, où ils risquent davantage l’euthanasie. Ainsi, paradoxalement, c’est souvent l’homme lui-même qui porte malheur à ces félins en propageant cette superstition persistante.