Lors de la réquisition, les chevaux réquisitionnés en Première Guerre mondiale sont déracinés, soumis à un stress intense et poussés de force dans des wagons ou des bateaux qu’ils perçoivent comme des masses sombres. Une fois affectés, ils doivent s’habituer à de nouveaux hommes, à d’autres voix et à des méthodes souvent brutales. Les chevaux de trait versés à la cavalerie se retrouvent montés par des soldats eux-mêmes novices et craintifs. Ceux affectés aux attelages doivent apprendre à travailler avec des congénères inconnus, sans tenir compte de leurs compatibilités : heurts, glissades et chutes se multiplient, et chaque changement de partenaire prolonge le stress d’adaptation.
Un quotidien exténuant entre marches, famine et violence
Dès 1914, beaucoup parcourent 50 à 100 km par jour sans être dessellés, sans boire, manger ou se reposer. Ils perdent leurs fers, voient leurs sabots s’abîmer et doivent suivre un rythme imposé par les trains et camions auxquels ils ne sont pas préparés. Dans l’artillerie, ils tirent des pièces lourdes dans la boue, s’enlisent, glissent et s’épuisent. Lors des offensives de 1916 et 1918, tous reprennent les marches forcées.
À cela s’ajoutent la peur des cris, des coups, des explosions et la présence de congénères agonisants. Dans les écuries, ils ruent, se débattent et cassent leurs attaches. Leur stress devient chronique, affaiblissant leur organisme. Mal logés, exposés aux intempéries et rationnés, ils s’amaigrissent et perdent en résistance.
Maladies, blessures et mortalité massive
Usés nerveusement et physiquement, plus de 80 % des équidés français sont surmenés. Les infections se multiplient : lymphangites, gale, eczémas, crevasses, affections articulaires ou respiratoires. Des selles mal adaptées provoquent frottements, inflammations et nécroses. Les attelages mal réglés blessent des bêtes déjà amaigries.
Les chevaux blessés au combat souffrent d’éclats, de fractures, de douleurs thoraciques ou abdominales, ou de brûlures liées aux gaz. Beaucoup tombent en état de choc : regard fixe, respiration difficile, membres tremblants. Les agonies, décrites par les soldats, rappellent celles des hommes.
Au total, près de 800 000 chevaux français meurent au cours du conflit, un taux de mortalité estimé à 40 % côté français, contre 15 % dans l’armée britannique.
