Un documentaire sur la déportation à Beaune-la-Rolande en 1942

par Olivier
0 commentaire
A+A-
Reset
Un documentaire sur la déportation à Beaune-la-Rolande en 1942
France

L’essentiel

Ce lundi à 23h10, France 3 diffuse « On n’oubliera pas Beaune-la-Rolande 1942 », un documentaire de 50 minutes réalisé par Jean Barat. Ce dernier a parcouru la commune du Loiret pour rencontrer ses habitants, élus locaux, militants, ainsi que des témoins de l’époque, afin d’explorer ce passé souvent méconnu ou oublié relatant l’un des premiers camps d’internement de Juifs en zone occupée.

« Ce qui m’intéressait, c’était de croiser ces regards et laisser le temps aux téléspectateurs de réfléchir à cette conscience individuelle et collective, entre l’impuissance face à un drame pareil et la nécessité d’agir », déclare Jean Barat.

Beaune-la-Rolande, un camp d’internement

Beaune-la-Rolande, ainsi que la ville voisine de Pithiviers, ont été les lieux d’accueil des premiers camps d’internement de Juifs en zone occupée, sous la préfecture du Loiret. Entre 1941 et 1943, environ 16 000 Juifs, dont 4 700 enfants, ont été internés dans des conditions de vie terribles et placés sous la surveillance de gendarmes et douaniers français avant d’être déportés. Huit convois ont quitté le Loiret à destination d’Auschwitz-Birkenau, selon les informations du Cercil, centre d’histoire et de mémoire à Orléans.

Initialement, ces camps étaient destinés aux prisonniers de guerre, mais dès mai 1941, des hommes juifs étrangers, capturés lors de la rafle du « Billet vert », sont envoyés à Beaune-la-Rolande. La situation s’aggrave avec l’arrivée, à l’été 1942, des victimes de la rafle du Vél’ d’Hiv, principalement des femmes et des enfants qui seront brutalement séparés de leurs parents.

Jean Barat évoque cet aspect tragique : « C’est le crime dans le crime. Après cela, les enfants étaient abandonnés à leur sort, malades, dans des conditions épouvantables. C’est ce qui nous a happés. C’est vraiment l’épicentre. »

Des témoignages poignants

À Beaune-la-Rolande, certains habitants ont été témoins de ces horreurs, notamment Sylviane Masson, qui, enfant, entendait les cris provenant du camp. Aujourd’hui nonagénaire, elle se souvient avec émotion de ces événements. Jean Barat l’a rencontrée lors de ses recherches en 2022, alors qu’il réalisait d’autres documentaires, dont « Je reviendrai », qui retrace la vie d’un rescapé des camps nazis.

Dans le documentaire, Michel Masson, le fils de Sylviane, et actuel maire de la commune, ainsi que d’autres habitants et enseignants, partagent leurs réflexions. Hélène Mouchard-Zay, fondatrice du Cercil, mentionne que l’établissement abrite l’un des anciens baraquements du camp, un symbole de mémoire, car à Beaune-la-Rolande, il ne reste presque rien de cette période sombre.

Une mémoire collective à préserver

Le documentaire se concentre sur le devoir de mémoire et l’impact de cet héritage sur le présent. Dans cette commune, le sujet demeure délicat, certains s’efforçant d’éviter l’oubli, tandis que d’autres, comme ceux du Lycée du Végétal, construits sur le site même du camp, intègrent la mémoire de ces événements dans leur enseignement.

Des habitants trouvent difficile de vivre avec ce passé et espèrent le dépasser. Jean Barat évoque ce sentiment avec prudence, parlant de « gêne » et de la nécessité de prendre conscience de cette mémoire douloureuse. En France, ce récit a été largement laissé dans l’ombre jusqu’au début des années 1990, période durant laquelle il a été remis en lumière, notamment grâce à des publications révélatrices.

Les implications françaises dans la déportation

Au centre de cette histoire se trouve la séparation tragique des mères et de leurs enfants. Laurent Joly, historien au CNRS, souligne l’immense souffrance infligée à ces familles, évoquant une situation unique en Europe de l’Ouest. « Ils sont privés de leurs parents. Ils partent dans une détresse physique et psychologique absolue pour finir dans des chambres à gaz. Ça, c’est l’immensité du crime », affirme-t-il.

Ce récit aborde également l’implication active des autorités françaises, comme le montre le lien entre ces événements tragiques et l’« engrenage criminel » lors de la rafle du Vél’ d’Hiv. Jean Barat conclut en disant : « C’est l’histoire française de la déportation. »

Les témoignages des survivants ainsi que les efforts continus de certaines personnes et institutions sont essentiels pour garder vivante la mémoire de Beaune-la-Rolande 1942. Toutefois, des fragments de cette histoire demeurent manquants, en particulier l’identité de nombreux enfants internés, victimes sans nom et sans visage.

Perspectives sur l’avenir de la mémoire

Des questionnements persistent sur la transmission de cette histoire aux générations futures. Laurent Joly met en lumière l’importance d’initier des discussions sur ce que signifie honorer cette mémoire, tout en reconnaissant que le silence n’est pas une option. Le défi reste d’unir le respect pour le passé avec un engagement fort envers le présent et l’avenir.

Suggestions d'Articles

Laisser un Commentaire