Le massacre de McCanles a propulsé James Butler « Wild Bill » Hickok au rang de légende de l’Ouest sauvage dès l’âge de 24 ans, faisant de lui un héros mythique des romans populaires du XIXe et XXe siècle. Pourtant, les circonstances exactes de la fusillade qui l’a rendu célèbre, ainsi que la nature précise de son rôle, demeurent enveloppées de mystère et de contradictions.
Jeune mais déjà expérimenté, Hickok avait travaillé comme pilote de bateau sur canal à Utica, Illinois, avant de combattre l’esclavage aux côtés de la Free State Army des Jayhawkers lors du sanglant conflit du Bleeding Kansas, qui décidait de la légalité de l’esclavage dans cet État. Ses talents de tireur étaient réputés ; il servit même de garde du corps au général James H. Lane.
Vers 1858, à l’aube de ses vingt ans, il devint shérif élu du canton de Monticello dans le comté de Johnson, Kansas. Une anecdote célèbre le décrit affrontant un ours qui bloquait sa charrette pendant ses missions pour le Pony Express durant la Guerre de Sécession. Mesurant près de 1,90 mètre, Hickok aurait tranché la gorge de l’animal, évitant de justesse une mort certaine. Il mit plusieurs mois à se remettre de cette bataille.
Toutefois, ce n’est pas cet épisode qui fit sa renommée, mais bien le massacre de McCanles en 1861. Ce jour-là, David McCanles, accompagné de quelques membres de son groupe — famille et ouvriers agricoles — se présenta à une station du Pony Express pour réclamer une dette au gestionnaire Horace Wellman. Une violente confrontation éclata avec Hickok, qui tua selon la légende trois hommes.
Selon une version rapportée par certaines sources historiques, Hickok travaillait alors à la station Rock Creek comme gardien du bétail. McCanles le raillait fréquemment, le surnommant « Canard Bill » et lui lançant des insultes humiliantes liées à son prétendu hermaphrodisme. Des rumeurs parlaient également d’une femme prise en otage dans cette querelle, supposée être une maîtresse enlevée à McCanles. Le jour de l’affrontement, McCanles menaça de battre Hickok, qui répondit : « Il y aura un fils de moins quand tu essayeras ça. »
L’affrontement prit une dimension presque mythique lorsque, six ans plus tard, Harper’s New Monthly Magazine publia un récit largement exagéré, attribuant à Hickok dix morts. Cette narration dépeignait Hickok en héros involontaire, défendant la femme de Wellman contre l’attaque de McCanles et de ses hommes à l’aide de son arme et de son couteau. En réalité, les historiens révèlent que Wellman, Hickok et la femme, qui aurait elle-même abattu un assaillant à la pioche, collaborèrent pour repousser l’agression. Hickok fut accusé de meurtre mais fut finalement disculpé, la légitime défense ayant été reconnue.
La vie tumultueuse de Hickok ne s’arrêta pas là. Scout et guide pour des figures militaires telles que le général William T. Sherman ou le lieutenant-colonel George Armstrong Custer, il participa à plusieurs fusillades tout au long de sa carrière, notamment en tant que shérif à Hays City, Kansas. En 1871, investi marshall d’Abilene dans le même État, il perdit sa fonction après avoir accidentellement tué son adjoint au cours d’une confrontation.
Célèbre, il se produisit dans des spectacles du Far West, notamment au sein de la troupe Buffalo Bill Cody. Néanmoins, attiré par l’Ouest, il retourna sur place en 1874. Ses dernières années furent passées à Deadwood, en Dakota du Sud, une ville de joueurs et de mineurs. C’est là, en 1876, lors d’une partie de poker, que Jack McCall le tua, alors que Hickok avait 39 ans. La main de cartes qu’il tenait à ce moment — deux as noirs et deux huit noirs, plus une carte inconnue — est restée dans l’histoire sous le nom de « main du mort ».