Un collectif de vingt scientifiques exprime une vive inquiétude quant à une tentative de redéfinition des PFAS, ces polluants dits « éternels ». Publiée dans la revue Environmental Science and Technology, leur lettre alerte sur les manœuvres qui pourraient compromettre les réglementations en vigueur, notamment le projet européen de « restriction universelle » des PFAS programmé pour 2026-2027.
Actuellement définis par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les PFAS correspondent à tout composé chimique contenant au moins un groupe méthyle perfluoré – un atome de carbone lié à deux ou trois atomes de fluor. Cette définition claire englobe environ 4 730 substances, reconnues pour leurs propriétés antiadhésives, déperlantes, ignifuges et leur résistance à des températures extrêmes, mais aussi pour leur caractère indestructible sans intervention humaine.
Une base solide pour les réglementations environnementales
Le cadre réglementaire européen repose sur cette définition rigoureuse de l’OCDE, notamment à travers le règlement REACH qui vise à limiter l’usage des PFAS. Ce projet, initié en 2023, fait face à une opposition intense de la part des industriels producteurs et utilisateurs de ces substances, lesquels mènent une campagne massive de désinformation. Parmi les stratégies envisagées, une redéfinition des PFAS pourrait diluer la portée des restrictions.
En juin 2024, l’Union internationale de chimie pure et appliquée (IUPAC) a constitué un groupe de travail sur la « terminologie et classification » des PFAS, visant à établir une définition dite plus « rigoureuse ». Or, les scientifiques signataires de la lettre contestent cette initiative, soulignant qu’aucune faille n’a été démontrée dans la définition actuelle de l’OCDE et que celle-ci doit rester la base d’une réglementation harmonisée à l’échelle mondiale.
Une redéfinition aux conséquences préoccupantes
L’IUPAC propose d’intégrer à la définition des critères additionnels tels que les mécanismes d’action, les propriétés physico-chimiques, les profils de toxicité, mais également des considérations économiques. Cette approche conduirait à exclure certaines substances particulièrement problématiques des PFAS, notamment les fluoropolymères utilisés dans de nombreux produits courants comme les vêtements imperméables ou les câbles électriques, responsables de près de 80 % de la contamination environnementale par les PFAS.
De plus, cette redéfinition pourrait écarter les gaz fluorés de type PFAS, très répandus dans les systèmes de climatisation et les pompes à chaleur, ce qui affaiblirait considérablement les efforts de contrôle et de réduction de la pollution.
Martin Scheringer, chercheur spécialisé, insiste sur les risques liés à cette tentative de reclassification. Selon lui, la pollution causée par les PFAS constitue un enjeu majeur pour les sociétés contemporaines. Il est donc essentiel que les bases scientifiques sur lesquelles reposent les décisions politiques et réglementaires – comme la définition chimique établie par l’OCDE – ne soient pas remises en cause par des intérêts économiques et politiques, afin d’assurer la protection efficace de l’environnement et de la santé publique.
